A l’occasion de la visite inopinée effectuée, en avril 2024, à l’aéroport de Tunis Carthage, le Président de la république, Kaïes Saïed a exprimé de nouveau son opposition à la mise en place en Tunisie de l’open sky, mécanisme de déréglementation aérienne qui a fait l’objet d’une convention paraphée à la hâte, en 2017, par l’ancien chef du gouvernement Youssef Chahed avec l’Union européenne (UE).

Plus exactement, le chef de l’Etat a noté au passage, dans la vidéo accompagnant le communiqué présidentiel sanctionnant cette visite, que « le ciel de la Tunisie ne sera ouvert qu’à Tunisair », faisant ainsi allusion à son refus de l’Open Sky.

Pour mémoire, Kaîes Saîed avait déjà une première fois, rejeté de manière claire ce projet d’accord auquel les compagnies aériennes européennes tiennent particulièrement. C’était, le 30 juin 2023, lors de l’audience qu’il avait accordée à l’ancien ministre du transport Rabie Majidi qui était accompagné du PDG de Tunisair, Khaled Chelly.  Le Chef de l’Etat avait déclaré,  à cette occasion: « le ciel doit être ouvert aux avions tunisiens et non envahi par des avions qui ne laissent pas de place aux nôtres dans leurs essaims ».

“Le ciel doit être ouvert aux avions tunisiens et non envahi par des avions qui ne laissent pas de place aux nôtres dans leurs essaims.” 

En rejetant le projet d’accord sur l’Open Sky, le Président Kaïes Saied rend un éminent service aux compagnies aériennes tunisiennes, notamment au transporteur public Tunisair. Il leur donne l’opportunité d’évoluer à leur rythme et de se préparer dans des conditions acceptables à la recrudescence de la concurrence.

A travers son refus de l’open Sky, le chef de l’Etat apporte, particulièrement, un soutien précieux au transporteur national, et ce, compte tenu des difficultés structurelles dans lesquelles il se débat. Il s’agit surtout d’un surendettement de 2,4 Milliards de dinars (chiffre de 2022) et d’un sureffectif de plus de 6000 personnes contre une norme de 2000 agents et cadres pour une flotte opérationnelle de 10 avions.

“Notre pavillon national n’est pas préparé pour concurrencer les puissantes compagnies aériennes étrangères.”

Par ailleurs, la décision du gouvernement de procéder à l’extension de l’aéroport de Tunis Carthage pour porter sa capacité d’accueil à 13 millions de voyageurs s’inscrit, semble t-il,  dans cette perspective de donner à Tunisair le temps matériel requis pour se préparer à la concurrence internationale.

Cette extension entre, en principe,  dans le cadre plus global du schéma directeur du secteur touristique tunisien. Il augmentera les capacités de l’aéroport pour répondre à la croissance des arrivées de touristes. Il s’agit du même objectif recherché par l’Open Sky .

C’est dans le même esprit et la même logique que s’inscrit également le plan de restructuration de la compagnie nationale.

La Tunisie a de bonnes raisons pour rejeter l’Open Sky

Il n’est pas besoin de rappeler que pour les responsables du groupe Tunisair, la convention sur l’open Sky est un accord périlleux, pour deux raisons principales.

La première réside dans le fait que la Tunisie n’avait pas vraiment besoin de l’ouverture de son ciel en ce sens où ce ciel est déjà largement ouvert. Selon les experts, les compagnies aériennes tunisiennes y compris le transporteur national Tunisair, à défaut de moyens financiers et logistiques conséquents, ne sont jamais parvenues, jusqu’ici, à exploiter totalement les 50% de part du marché qui leur revenait de droit. Elles sont actuellement à hauteur de 35%, laissant au total 65% (15% + 50%) de part du marché aux pavillons étrangers.

Mieux encore, en matière de charter, la Tunisie a libéralisé cette activité depuis les années 70. Ainsi, toute compagnie aérienne désireuse d’opérer en charter sur la Tunisie est autorisée à le faire quel que soit son pavillon d’origine et sans restriction de fréquences.

“L’Open Sky était perçu par les compagnies tunisiennes comme une sérieuse menace pour leur pérennité.”

La deuxième raison serait que dans leur intérêt, les compagnies tunisiennes, confrontées constamment à un problème de remplissage de sièges (60% environ) seraient mieux inspirées en pensant plus à remédier à cette lacune qu’à ouvrir le ciel à des concurrents plus puissants financièrement, mieux nantis et mieux équipés pour occuper le terrain et imposer leurs prix.

Quant à nous, nous pensons que la décision du Chef de l’Etat de refuser ce mécanisme de déréglementation aérienne se justifie parfaitement en ce sens où notre pavillon national n’est pas préparé pour concurrencer les puissantes compagnies aériennes étrangères.

C’est pour cette raison que l’open Sky était perçu par les compagnies tunisiennes comme « une sérieuse menace pour leur pérennité ».  C’est apparemment pour cette raison que d’autres destinations touristiques concurrentes de la Tunisie n’ont pas osé, jusqu’ici,  adhérer à ce mécanisme, s’agissant entre autres de l’Egypte et de la Turquie.