Entreprise et recrutement : Des compétences rien que des compétences, d’où qu’elles viennent !

Par : Tallel


Par Tallel BAHOURY

En organisant leur petit déjeuner/débat autour de la problématique du
recrutement pour l’entreprise du Jeune Dirigeant, le samedi 26 avril 2008,
les jeunes dirigeants d’entreprise du CJD ont déclenché un débat qui dépasse
largement le cadre des jeunes entreprises pour englober l’économie
tunisienne tout entière. D’ailleurs, l’intervention de M. Moncer Rouissi, le
président de la Commission nationale sur l’emploi, qui était l’invité du CJD
pour cette rencontre, va dans ce sens.

 

La commission mise sur pied par le bureau national du CJD chargée de
préparer et d’étudier la question a certes relevé des causes internes à
l’entreprise du jeune dirigeant à recruter, mais les débats ont bien montré
que, à l’heure de la mondialisation tous azimuts, c’est l’ensemble de
l’économie du pays qui est concerné.

 

Concernant les causes internes, la commission du CJD relève qu’elles sont
essentiellement dues à l’incapacité au jeune dirigeant à pouvoir dénicher
les compétences dont à besoin son entreprise. Quant aux causes externes à
l’entreprise, elles sont bien évidemment nombreuses :

– inadéquation entre la formation initiale et les attentes de l’entreprise,

– un système éducatif qui n’évolue pas au même rythme que les besoins de
l’entreprise,

– faible attractivité des diplômés pour certains secteurs due à leur déficit
d’image,

– des freins géographiques,

– absence de référentiel salarial (par fonction, par secteur…) à même de
permettre de se positionner par rapport aux standards du marché…

 

Face à ces causes internes et externes, la Commission CJD propose notamment,
pour l’entreprise, une professionnalisation sur le processus du recrutement,
et, pour le Bureau national d’emploi des cadres (BNEC), la mise en place
d’un parcours d’accompagnement et d’intention vers l’emploi.

 

Donc, on peut dire que si le CJD a organisé un débat sur la question du
recrutement, c’est parce qu’il y a un réel problème qui risque, hélas, de
pénaliser nos entreprises. De ce fait, le propos de M. Rouissi ont retenti
comme un appel d’air, car il a indiqué qu’une consultation nationale sur
l’emploi est en cours, menée par une commission avec trois sous-commissions
(entreprise et croissance, marché et éducation et emploi). Cette commission
regroupe plusieurs sensibilités (experts, universitaires, jeunes et moins
jeunes dirigeants d’entreprise, représentants de l’UTICA, de l’API, de l’ANETI,
de la BTS, de la BFPME…). L’objectif ultime étant d’innover dans le
recrutement afin de permettre à la Tunisie d’avoir une croissance économique
plus forte que ce qu’elle est aujourd’hui, à travers par exemple la création
de nouvelles filières… Il en faut, puisque le président de la Commission a
également rappelé que la demande additionnelle d’emploi en Tunisie s’élève
aujourd’hui à environ 87.000 contre 60.000 il y a dix ans.

 

Toujours au chapitre des statistiques, la population active tunisienne croit
à un rythme de 2,5% par an, ce qui entraîne une forte pression…, indique M.
Rouissi.

 

En outre, il révèle que la Tunisie consacre annuellement plus de 1,34% de
son budget aux instruments de la politique de l’emploi, faisant ainsi notre
pays l’un des champions en la matière dans la région (elle est même proche
de certains pays de l’Europe).

 

Par ailleurs, M. Rouissi a rappelé que le FMI considère que le système
d’information sur l’emploi de la Tunisie est l’un des plus performants au
monde. L’ancien ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi a
également invité les jeunes dirigeants mais au-delà tous les Tunisiens à
être fiers du système de formation et d’éducation tunisien.

 

Mais à l’analyse de la situation, on s’aperçoit qu’il y a quelque chose qui
ne tourne pas très rond dans le monde de la formation, de l’emploi et du
recrutement. Tiens, par exemple M. Mustafa Mezghani considère que ‘’les
demandeurs d’emploi sont surdiplômés mais sous-qualifiés’’. Ce constat de M.
Mezghani est loin d’être isolé, c’est même le sentiment général de nos chefs
d’entreprise tous secteurs confondus. Donc, oui Si Rouissi, nous disons que
nous étions fiers de notre système de formation, mais il est temps
maintenant de le revoir, de l’adapter et de le réajuster pour qu’il colle
mieux aux nouvelles exigences de l’économie et de la compétition
internationales.

 

Car il ne suffit plus de privilégier les diplômes au détriment de la
qualification, il faut former des gens qui ont l’esprit critique et de
synthèse, autrement dit leur apprendre à apprendre. Rappelons-nous de cette
expression de Blaise Pascal «esprit d’analyse, esprit de synthèse».

 

Donc, comme si l’a relevé la commission du CJD, on a aujourd’hui en Tunisie
un réel problème d’adéquation entre la formation et l’employabilité.

 

Au chapitre des solutions à envisager, les propositions d’un jeune dirigeant
devraient être analysées de très près, à savoir la mise en place d’un
référentiel national de compétences (même si M. Rouissi a répondu que
celle-ci existe…), la mise en place des stages de validation à l’instar de
ce qui existe en médecine, travailler des solutions à moyen et long terme,
revoir la politique nationale de recrutement.

 

D’ailleurs, depuis un certain temps cette politique nationale du recrutement
est pointée du doigt, car sa rigidité met à mal la compétitivité et
l’efficience des entreprises tunisiennes. Un JD soulignera même que les
Etats-Unis d’Amérique et la Grande-Bretagne possèdent l’un des taux de
chômage les moins élevés du monde à cause de leur flexibilité d’emploi et
d’embauche. Il est clair que la survie voire le développement des
entreprises tunisiennes dépendra inévitablement de leur aptitude de recruter
des compétences –nationales ou étrangères- confirmées. C’est même leur seul
et unique salut. Déesse mondialisation l’a voulu et décidé ainsi ; on n’y
peut rien.

 

En réponse aux critiques et propositions, M. Rouissi s’est d’abord félicité
de la qualité des interventions, puis proposé une rencontre/évaluation entre
le CJD, l’ANETI et le BNEC, car ‘’je reste persuadé que le BNEC et l’ANETI
font un travail remarquable en matière d’information sur l’emploi’’,
dira-t-il. Malgré certains retards, la Tunisie a enregistré beaucoup de
progrès dans plusieurs domaines. Par exemple, M. Rouissi a indiqué que le
ministre en charge de la Formation ne peut inscrire aucune dépense dans son
budget sans la demande de la part de la fédération de l’UTICA chargée de
cette question. D’où un vrai partenariat public/privé.