Verdict des urnes : l’aéroport historique de Berlin, Tempelhof, doit fermer

 
 
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Vue de l’aéroport de Tempelhof, à Berlin, le 29 juin 2007 (Photo : John Macdougall)

[27/04/2008 20:06:38] BERLIN (AFP) L’aéroport de Tempelhof, symbole du pont aérien de 1948-49 qui permit de ravitailler Berlin-Ouest pendant le blocus soviétique, doit fermer, ont décidé les Berlinois dimanche lors d’un référendum transformé en bataille politique autour d’un sujet chargé d’émotion.

Le quorum qui était requis pour ouvrir la voie à une éventuelle remise en cause de la fermeture programmée fin octobre n’a pas été atteint: il fallait qu’au moins 25% des 2,4 millions d’électeurs berlinois se rendent aux urnes, or seuls 21,5% l’ont fait, en ce dimanche très ensoleillé.

Les derniers espoirs des partisans de l’aéroport sont désormais enterrés.

Car tous les recours judiciaires ont déjà été épuisés, jusqu’aux plus hauts tribunaux fédéraux, contre cette fermeture décidée il y a plus de dix ans par les autorités régionales et fédérales.

Mais l’affaire restait “émotionnelle”, comme le souligne le politologue Gero Neugebauer. C’est Tempelhof, l’un des plus anciens aéroports au monde, qui permit de ravitailler en pleine Guerre Froide les Berlinois de l’ouest, soumis à un blocus soviétique.

De juin 1948 à septembre 1949, le ciel de Berlin-ouest fut le théâtre d’un ballet aérien sans précédent d’avions-cargos alliés acheminant vivres, charbon, essence et médicaments. Les “oiseaux d’argent” américains et britanniques (dont les “Rosinenbomber”, bombardiers de friandises) effectuèrent 277.000 atterrissages, parfois toutes les deux minutes, apportant 2,5 millions de tonnes de fret, et les pilotes devinrent des héros.

Beaucoup de Berlinois -surtout de l’ouest- restaient pour cette raison très attachés à Tempelhof, et d’autres pour son côté pratique, en plein Berlin, peu importe que l’aéroport soit déficitaire depuis plus de dix ans et que ses pistes soient trop courtes pour accueillir les grands avions d’aujourd’hui.

Un puissant lobby soutenu par des milieux économiques, désireux de transformer les lieux en un aéroport pour vols d’affaires, avait réussi à obtenir l’organisation d’un référendum.

Outre l’arrêt de mort de Tempelhof, le résultat de ce scrutin sonne comme une victoire pour le maire de Berlin, le social-démocrate Klaus Wowereit (SPD).

Au fil des mois, en effet, l’affaire était devenue hautement politique, mettant aux prises les conservateurs de la CDU, ralliés au “sauvetage” de l’aéroport, et le camp SPD/Verts/Linke, qui défendait sa fermeture — avec pour ambition à peine voilée chez les conservateurs de voir chuter le maire de Berlin.

La chancelière Angela Merkel elle-même était descendue dans l’arène il y a huit jours pour appuyer les partisans de Tempelhof, au nom des “emplois” et de “l’Histoire”.

Les sociaux-démocrates avaient tempêté, accusant la CDU d’avoir la mémoire courte, les conservateurs ayant appuyé au milieu des années 90 la décision de fermer l’aéroport.

Cette fermeture, tout comme celle de l’aéroport de Tegel, avait alors été posée en condition sine qua non à l’agrandissement de l’aéroport de Schönefeld, au sud de Berlin, censé devenir d’ici 2011 une grande plate-forme internationale.

Aujourd’hui, le trafic à Tempelhof est réduit à peau de chagrin. L’aéroport a accueilli 630.000 passagers en 2006, contre 12 millions à Tegel et 6 millions à Schönefeld. Et l’ambiance feutrée à Tempelhof, monument de l’architecture nazie, tient déjà plus du musée que de l’aéroport.

A terme, le tarmac de Tempelhof est censé devenir un parc, et le bâtiment, troisième plus grand édifice au monde après le Pentagone et le palais du parlement à Bucarest, un espace culturel.

 27/04/2008 20:06:38 – © 2008 AFP