Magasin Général/Tahar Bayahi : «il n’y a pas péril en la demeure »

Magasin Général/Tahar Bayahi : «Il n’y a pas péril en la demeure»

Entretien réalisé par Moncef MAHROUG et Ghada KAMMOUN

Le
conflit social qui a éclaté avec l’arrivée de nouveaux actionnaires dans le
capital de «Magasin Général» semble en voie de règlement. Explications du
nouveau président directeur général, Tahar Bayahi.

 


Webmanagercenter

: Durant vos trois premiers mois à la tête du «Magasin Général», vous avez
eu à faire face à une série de grèves. Où en sont les choses aujourd’hui, au
sein de cette société que les groupes Bayahi et Poulina ont reprise
ensemble ?

 


Tahar Bayahi
 :
Je pense qu’aujourd’hui le message est passé. Les gens sont absolument
rassurés et ça permet d’avoir toute la sécurité nécessaire pour démarrer
véritablement le travail. J’espère qu’au bout de ces trois mois, une page de
l’histoire de Magasin Général est définitivement tournée.

 

Nous avons réussi à
convaincre les garanties exigées par l’Etat dans le processus de
privatisation, permettant à l’ensemble des membres de Magasin Général et du
personnel de Magasin Général de n’avoir aucune crainte quant à l’avenir et à
leurs droits. La privatisation s’est faite sur la base d’un cahier des
charges qui garantit la totalité des droits des employés du Magasin Général.

 

La période passée a été
très agitée, et difficile pour l’entreprise. Les grèves ont été
l’aboutissement d’un processus, d’une dégradation du climat, d’incertitude,
de grosse crainte, de grosse frayeur ayant entraîné un ralentissement
d’ailleurs de l’activité, puisque l’entreprise enregistre un chiffre
d’affaires en recule de l’ordre de 3 à 4% par rapport à 2006, et il est de
l’ordre à peu près de 16% par rapport au budget 2007. Ceci va se traduire
par un déficit très important de près 7 millions de dinars.

 

Encore une fois, nous
sommes très sereins, nous savons que la tâche est importante, elle va être
longue, lourde mais au moment où nous avons décidé de rentrer dans cette
affaire, nous savions que notre engagement n’était pas un engagement à court
terme ; nous savons que notre engagement était un engagement absolument
moyen, voire long terme. On a déjà démarré des projets de rénovation, et un
ensemble d’études a été lancé. Le premier chantier, structurant, et qui va
avoir un impact direct sur la gestion, est celui de la rénovation du système
d’information. Celui-ci a été complètement revu et sera déployé tout au long
du premier semestre 2008, et on verra un de ses premiers effets à partir du
deuxième trimestre 2008. D’autres projets aussi importants sont que Magasin
Général est une grande et belle entreprise avec des traditions qui en font
la force mais la faiblesse aussi, parce qu’entre tradition et inertie, la
frontière est absolument ténue.

 


Vous dites que les
employés du «Magasin Général» sont aujourd’hui rassurés. Comment avez-vous
pu les rassurer ?


 


T.B. :

Par lecontact direct magasin par magasin. Je n’ai pas fait la
totalité des magasins mais j’ai visité ceux qui posaient problème et je
continue à le faire. J’espère avant la fin du mois de janvier avoir la
possibilité de visiter la totalité du réseau, c’est un réseau quand même de
50 magasins à travers l’ensemble du pays. Je pense que ce contact direct a
été fondamental, le fait de se prêter de manière volontaire au jeu des
questions/réponses a permis de rassurer les gens, d’apporter des réponses
très claires, d’apporter des preuves, de comprendre quelles étaient les
véritables craintes et les soucis, et c’est ce contact-là qui a permis
d’aboutir à la situation actuelle.

 


A un moment donné, pas
mal de fois le syndicat a évoqué cette idée de pacte social qu’il voulait
vous faire signer. Qu’est devenue cette idée ?


 

Pour vous répondre
clairement, je rappelle que la privatisation s’est faite sur la base de
règles extrêmement claires énoncées dans le cahier des charges, lequel
cahier des charges permet réellement de sauvegarder et d’assurer la totalité
des droits des 2.400 employés de l’entreprise. L’Etat a pris la précaution
de tout régler avant de choisir l’acquéreur et cela, il fallait absolument
l’expliquer. Le pacte social reprenait une partie du cahier des charges et,
de ce fait, faisait un tout petit peu double emploi, sur certaines parties.
Sur d’autres, il allait plus loin. Je pense qu’il y a des choses à
l’intérieur de ce pacte social qui ne sont pas raisonnables, dans un monde
qui change, dans un monde qui demande plus de célérité, plus de flexibilité.

 


Par exemple?


 

L’esprit même du pacte
social est vraiment en dehors, à mon avis, de la logique actuelle du monde
du travail. De plus, ce pacte social ne nous concernait pas, nous
directement ; nous en tant qu’investisseur, notre engagement était par
rapport à un cahier des charges. Le pacte social est une manière de venir
négocier le contenu du cahier des charges, donc ce n’est pas quelque chose
qui concernait l’investisseur. Il n’est pas de notre rôle de discuter du
cahier des charges.

 

Le rôle du syndicat est
certainement de protéger les acquis de l’ensemble du personnel de Magasin
Général. Toute la problématique est : «est-ce que les nouveaux investisseurs
vont respecter leurs engagements?».

 

En ce qui nous concerne,
nous n’avons jamais manqué à un de nos engagements, et je l’affirme très
clairement, nous ne le ferons pas et nous ne le ferons jamais, et j’espère
que nous n’aurons jamais à le faire ; c’est quelque chose qui est
fondamental pour nous. Donc il n’y a pas, réellement, une crainte à ce
niveau là.

 

Par contre, demander que
toute personne qui part soit remplacée par un parent, ascendant ou
descendant, me semble en dehors du temps, ce n’est plus actuel. Aujourd’hui,
on parle beaucoup plus mérite, compétence ; on ne parle pas droit de
filiation, c’est aussi vrai pour le travail comme pour le détenteur du
capital. Le détenteur du capital aujourd’hui, s’il n’est pas à même de
gérer, n’a pas à gérer, il doit faire appel à des gens compétents pour gérer
à sa place ; il n’a pas le droit de mettre en péril éventuellement
l’entreprise dont dépendent pas mal de personnes.

 


Le conseil
d’administration de «Magasin Général» a été récemment tenu. Quelles en ont
été les décisions les plus importantes ?


 

Nous avons tenu notre
premier conseil après la privatisation pour constater, d’abord, que cette
période a été difficile et a engendré quand même des difficultés qui
n’étaient pas nécessairement prévues, que son impact va être extrêmement
lourd sur le résultat de l’entreprise et que le temps nécessaire pour la
remise en état de l’entreprise va être certainement un peu plus long, mais
qu’il n’y avait pas nécessairement péril dans la demeure.

 

Bien que le processus
aille prendre plus de temps, et le déploiement connaître un certain retard
par rapport à nos plans, il n’y avait pas de remise en cause profonde du
projet. Indiscutablement, le premier trimestre 2008 sera important parce
qu’il va nous permettre de voir à quelle vitesse nous allons pouvoir
commencer à mettre en place les changements.

 

Donc, le conseil
d’administration a décidé de maintenir le plan de développement, et de
réaménager la planification de sa mise en œuvre.

 


Bon nombre d’entreprises publiques privatisées souffraient d’une
pléthore de personnel. Magasin Général souffre-t-il de ce problème ?
Qu’allez-vous faire pour le régler, si c’est le cas ?


 

Nous pensons traiter le problème d’une manière extrêmement
positive, par l’expansion et la croissance. Nous avons pris l’engagement
très clair de ne pas procéder à une diminution du personnel sauf départs
volontaires. Nous allons absolument le respecter.