Sfax, comment je t’ai vu dans mon rêve… (2)

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Le réveil de mon portable retentit, je l’ai précipitamment arrêté pour replonger encore un «p’tit quart d’heure» dans ce paradis. Voici la suite de l’histoire : Sfax, comment je t’ai vu dans mon rêve.

Le train, avec ses drapeaux multicolores vient de pénétrer dans l’espace Taparura, des immeubles majestueux sont bordés de plantes géantes ressemblant à des cocotiers : adieu les façades toutes vitrées, plusieurs architectes ont finalement compris qu’il faut tourner la page. Par contre, le côté « sud-est» des immeubles montre, discrètement sur les toits, des panneaux à « cellules photovoltaïques », la STEG achète maintenant ce que produisent les particuliers comme énergie propre ce qui réduit sensiblement le montant de la facture à payer.

Les voies sont propres et extrêmement larges, les trottoirs aussi, les voitures peuvent maintenant se garer sans difficulté, aucune bosse ni trous dans la chaussée, on a l’impression qu’on ne roule pas mais plutôt on glisse, avec la réflexion des rayons solaires on dirait un miroir.

On s’approche maintenant de la côte, les couleurs vives des parachutes me rappellent que je suis vraiment en vacances et que je vais «les prendre», ces vacances, eh oui, sur ma terre natale !

La plage est artificielle mais splendide, son entretien est régulier : tous les ans un «bateau-pompe» assure son engraissement en sable à «débris de coquilles» provenant de la bordure du chenal sous-marin Sfax-Kerkennah.

Petit interlude technique : le sable de cette plage, qui s’étend sur 3 km environ, est à composante coquillière : ce sable est donc plus fragile que celui des autres plages tunisiennes à éléments quartzeux ; avec les millions d’estivants chaque saison, les débris de coquilles sont broyés, et par conséquent, on produit beaucoup trop de fines particules, ce qui a pour conséquence de détériorer sa qualité. La solution à court terme est de l’alimenter régulièrement par du sable de même source. Mais depuis quelques années et dans le cadre d’une planification intégrée de l’espace côtier et après la dépollution de la côte sud et la disparition du gigantesque dépôt d’ordures ménagères autrefois incinérées à ciel ouvert, l’aménagement ingénieux de cette côte de la ville a soulagé cette plage de Taparura, les estivants se tournent désormais vers les plages de Nakta-Chaffar-Mahres, les circuits santé et vers les nombreux parcs de loisir ….

Notre train touristique (TTs) quitte le quartier de Taparura, il avance vers l’Hôtel de ville (Mairie), les plantes et grands arbres de l’enceinte de ce bâtiment monumental, autrefois servant d’arrière-plan pour les photos des mariés, ont refait surface. En face, «le jet d’eau» a enfin retrouvé le sourire, un très beau monument cubique sculpté dans du calcaire, s’érigeant sur un ensemble de cascades d’eau ruisselante et étincelante, des gravures, tout juste symboliques, évoquent les principales spécificités de la région.

Pour orienter le visiteur, un grand panneau bleu turquoise indique plusieurs destinations : Le Grand Port Commercial – Zone franche – Port de Pêche – Hydroglisseurs des Kerkennah – Taxi-vedettes et Bac des Kerkennah – Marina de Sfax.

TTs avance vers la mer puis s’arrêta : j’ai finalement vu par mes propres yeux le petit pont bleu «mobile!» de la «Marina» se dresser majestueusement pour laisser entrer dans ce «Chott Elkrekna» trois petits voiliers touristiques.

Pas une voiture dans le secteur, les rues bordières sont toutes piétonnes.

De part et d’autre du «Muséum de la pêche», des petites gargotes offrent du poisson grillé, des calamars dorés et des boissons fraîches. Les enfants, tenant de grands ballons volants, se régalent dans la joie d’«Ice-cream» et de jus de fruits. Ils ont même droit à la visite de l’aquarium ainsi qu’à des jeux spectaculaires sur la presqu’île… Ah si mon enfant, parti depuis longtemps, était encore petit ce jour là !

TTs avance et vire légèrement vers la droite, la voix féminine annonce notre passage à côté de l’Espace Taïeb M’hiri. Je suis tout simplement fasciné voire envoûté, je ne crois pas mes yeux, bien qu’au fond de moi surgit un sentiment assez spécial : à cet endroit on a partagé avec les autres supporters de mon club des moments de joie même lorsque mon équipe de «foot» est perdante. Oh mon Dieu, quel complexe, c’est grandiose: trois grosses colonnes, on dirait des cylindres en cristal, s’érigeant sur les trois côtés d’un immense jardin triangulaire, ils font apparaître plusieurs ascenseurs panoramiques menant à un immense centre commercial, culturel et de services de plusieurs étages, on a l’impression que ce bâtiment colossal est flottant. En regardant vers le bas, les yeux se régalent de verdure, l’immense jardin, au pied et sous ce gigantesque ouvrage s’étend encore plus loin et vient se confondre avec l’ancien Zoo et ses «circuits-santé».

Les allées sont bordés de plusieurs rangées de fleurs entre lesquelles on a placé des bancs à petites tablettes en «bois imité», des dizaines de jeunes et moins jeunes munis de leur «labtops» ont choisi de surfer sur Internet dans ce cadre très agréable puisque le wimax «3ème Génération» est maintenant généralisé. Certains préfèrent prendre leurs cours à distance et dialoguent instantanément via le petit écran avec leur professeur ou tuteur, d’autres préfèrent regarder un documentaire sur une chaîne télé via internet. L’ère de la parabole «fixée sur les toits» est terminée.

A l’arrivée à un grand carrefour, TTs  choisit de prendre le boulevard de l’Environnement, c’est la sortie pour la banlieue Sud : l’espace balnéaire par excellence. Ce boulevard est toujours au même endroit mais la différence est de taille : ni le regard ni les poumons ne sont dérangés par les épaisses colonnes de fumées gris blanchâtres du fond, pas la trace d’une poussière, pas la moindre odeur, les plantes ont retrouvé une nouvelle jeunesse ; on peut maintenant rouler avec les vitres baissées.

L’éclairage public ainsi que les balises bordant la chaussée pour l’indication nocturne ont un fonctionnement 100% solaire. Les gens, par groupe, attendent devant des stations de «transport en commun», on a le choix entre le métro léger ou les petits bus bleus. Plus besoin d’acheter un ticket, pour régler, il suffit de glisser son porte-monnaie électronique (sorte d’une mini carte à puce) sur un petit écran à l’entrée du bus ou du métro.

Une flèche indique vers la gauche la direction des Salines, elle est gravée sur un grand cube de cristal limpide, comme pour rappeler la nature même du sel.

Cet espace devient également une attraction touristique.

Immédiatement vers le Sud, en s’approchant du rivage, on traverse une large bande verte de grands arbres puis des arbustes fleurissants avant d’arriver à la plage. En fait, depuis le grand succès de «Taparura-plage», la bonne formule est appliquée immédiatement à la sortie sud de la ville : tout en libérant la dérive littorale naturelle, une alimentation artificielle en sable sur six kilomètres environ a été tout de même nécessaire pour donner à cet espace côtier la splendeur qu’il mérite. Des banderoles publicitaires affichent : Centre d’Argilothérapie, Centre de Thalassothérapie – Hôtel-club les Remparts – Hôtel Murex – Hôtel «Halimeda Tuna» du nom de la sacrée algue carbonatée qui tapisse les hauts fonds marins de la région. Il semble même que l’investissement soit purement tunisien suite à la prolongation exceptionnelle de quelques petites années de la production des dérivés des phosphates avant la délocalisation de l’usine.

TTs prend la route rapide à deux voies, on laisse à droite un panneau indiquant l’entrée vers l’autoroute A4 menant jusqu’à Tripoli puis Le Caire ; il traverse maintenant le parc de Thyna et son prestigieux phare, le jardin botanique et les fameuses ruines romaines restaurées.

Trois kilomètres plus loin, toujours dans la direction de Nakta-Chaffar-Mahres, c’est l’émerveillement total, tout les 2 km ou presque, une gigantesque piscine d’eau de mer pompée, traitée, renouvelée en permanence attirent des clients de toute catégorie, les enfants sont plutôt orientés «toboggan» et autres jeux aquatiques ; les nostalgiques préfèrent prendre un thé vert aux amandes dans le calme au bord de la mer tout en regardant vers les ramasseurs de crabes et de clovisses, à basse marée.

Quand je pense que Barcelone a vécu une histoire semblable à celle de Sfax, là je suis ravi de constater que «Sfax bat Barcelonne 2-0 sans appel» !

Enfin, on arrive sur les plages dorées du «delta». C’est le «Nakta-Chaffar-Mahres» ou comme on l’appelle aujourd’hui le «NCM Beach». Ouvrez «Google Earth», jetez un coup d’œil sur les deux «traînées blanchâtres» en mer de part et d’autre de l’embouchure de l’Oued Chaffar, vous allez vous rendre compte vous-mêmes, c’est très beau, n’est-ce pas ? Il s’agit de «flèches sableuses», bref : d’immenses plages à sable quartzeux fin doré s’étendant sur environ 8 km. Eh oui, la plage n’est pl! us seulement celle qui se trouve en face du village balnéaire central mais bien au-delà, car on a réussi à combler les zones marécageuses et à relier les corps sableux des «deux flèches» avec la terre ferme.

Tout un complexe d’hôtels sur plusieurs kilomètres a pris place sur la zone remblayée, des touristes à vocation classique, des touristes passionnés de culture et d’histoire, des scientifiques, des hommes d’affaires et commerçants des cinq continents se réunissent ici, c’est plus agréable au soleil, on se détend et on mange mieux, ça coûte beaucoup moins cher que d’être dans un hôtel à Milan, Paris ou Londres, y compris la location des salles pour visioconférence à distance; l’aéroport est à 15 mn en voiture via le périphérique, Milan est seulement à 2 heures d’ici.

Sfax, en dehors de ses activités classiques (agricoles, pétrolières et de service), devient une plaque tournante du commerce méditerranéen et international mais également du tourisme écologique, culturel et scientifique. Justement, des circuits touristiques scientifiques sont organisés toutes les semaines à partir d’ici, plusieurs destinations sont desservies: les chaînes montagneuses du centre et du Sud, les laboratoires grandeur nature du Sud-Est, les sebkhas et les grands Chotts, le Sahara tuniso-libyen, Tamanrasset, Janet, le Hoggar… Tout le monde trouve son bonheur : historien, géographe, géologue, botaniste, archéologue et tous les autres amoureux de la nature et qui veulent  croquer la vie à pleines dents.

Mon «VP» sonne 1 fois, puis continue à clignoter pour m’avertir que j’ai un appel vidéo-phonique, c’est mon fils que je n’ai pas vu depuis longtemps qui m’appelle depuis la Gare de Tunis et qui demande de mes nouvelles, je lui ai dit que tout va merveilleusement bien. Je vois sur mon petit écran qu’il n’est pas tout seul ; il me demande aussi si je peux venir le chercher à la «Gare-Nord» de Sfax dans 55 mn, je n’ai pas pu me retenir et je commence à avoir les larmes aux yeux, j’ai compris qu’il voulait me faire deux magnifiques surprises : me présenter sa future femme et m’emmener visiter son nouvel appartement sur les «bordures» de «NCM Beach». Il a décidé, tout comme moi, de se réinstaller définitivement dans sa région natale.

Enfin (The End): j’entends la voix de mon enfant «quand il était encore tout petit» : «Papa, Papa, Papa, réveilles-toi, t’as pas l’habitude de rester au lit comme ça ! Oh STP, je risque de rater mon école» ; j’ouvre finalement les yeux, je me rends compte qu’on est encore au mois de mai 2007 ; il est 7h15, je dois vraiment me dépêcher… une pulvérisation dans chaque narine avant de glisser mon «spray buccal» dans la poche puis de me retrouver en plein milieu de la circulation.

C. Y. (Universitaire)