L’entreprise tunisienne à la conquête du marché maghrébin

 
 

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comme son espace vital pour élargir ses marchés, le Maghreb est, désormais,
le marché cible que l’entreprise tunisienne se doit de conquérir par tous
les moyens, la Tunisie étant, hélas, le seul pays de la région qui a le plus
besoin de l’édification d’un espace régional tel que l’Union du Maghreb
Arabe (UMA). Le  non-Maghreb coûte annuellement aux Tunisiens 2 points de
croissance, l’équivalent d’un manque à gagner de  20.000 emplois.  

C’est là, la conclusion de plusieurs études et communications faites à
l’occasion du 14ème congrès de la centrale patronale (Tunis, 21-22 novembre
2006) et les traditionnelles Journées de l’entreprise organisées cette année
sur le thème : «l’entreprise maghrébine, concurrence et complémentarité»
(Sousse, 1-2 décembre 2006). 

Il
ressort d’une étude sur l’internationalisation des entreprises présentée
lors du 14ème congrès de l’Union tunisienne de l’industrie, du
commerce et de l’artisanat (UTICA) que  «le Maghreb des entreprises
constituera le meilleur socle de stabilité et de bon voisinage entre les
pays de la région». 

Selon la même étude, les entreprises tunisiennes doivent en priorité
s’intéresser aux marchés de proximité, voire les pays voisins de l’UMA.
L’Algérie et la Libye demeurent, à cet effet, les deux marchés limitrophes
les plus prometteurs. Ces deux pays, forts des rentes pétrolières
exceptionnelles des dernières années, se sont engagés dans de programmes
ambitieux de modernisation, de restructuration et de développement de leur
économie, de construction d’infrastructures, auxquels la Tunisie gagnera
beaucoup à y  participer. 

Aujourd’hui, plus d’une centaine d’entreprises tunisiennes ont déjà investi
en Algérie sur les trois dernières années ou ont un projet précis pour le
faire ; le mouvement est moins prononcé, mais non moins réel vers la Libye. 

Les créneaux de l’énergie, l’agriculture, l’environnement, le secteur
bancaire et, les services publics (infrastructure, concessions…),
l’agroalimentaire (transformation et conditionnement d’huile d’olive,
boulangerie industrielle, aquaculture…),  la mécanique automobile
(suspensions, transmissions, peinture, habillage), le tourisme sont retenus
comme des niches porteuses pour les entreprises tunisiennes candidates à
l’internationalisation.  

L’étude montre que l’Afrique, avec le potentiel qu’elle offre, ne doit pas
être perdue de vue. Une préparation de ces marchés est également à engager
au cours de prochaines années. Ces marchés prendront le relais et
continueront toutes les expériences engagées dans les pays de l’UMA. 

Pour réussir ce processus d’internationalisation, l’étude mentionne comme
préalable, la capacité des entreprises tunisiennes, en particulier les PME,
de prendre conscience de la nécessite de dépasser le cadre national pour
opérer les adaptations nécessaires, mettre en oeuvre des stratégies globales
et répartir leurs activités dans de nombreux pays, et ce, en fonction des
gains dans la chaîne des valeurs de leur production. 

Selon des statistiques fournies par la Banque Centrale de Tunisie (BCT), 360
projets d’internationalisation ont été déclarés dont 237 sont passés par des
autorisations de la BCT. Les autorisations pour internationalisation ont
nécessité le transfert de devises de l’ordre de 50 millions de dinars. 

Les statistiques de la BCT relèvent, également, que les investissements
effectués par des résidents à l’étranger ont fortement augmenté, passant de
2,9 MDT en 2001, à 7 MDT en 2003, 5 MDT en 2004 et 16 MDT en 2005 dont près
de la moitié a été réalisée en Algérie.  

L’assouplissement des dispositions règlementaires régissant les
investissements des Tunisiens à l’étranger et l’effort de consolidation de
la coopération bilatérale avec les pays de l’UMA expliquent l’importante
hausse des flux d’investissements directs étrangers (IDE) sous forme
d’avoirs à l’étranger. 

Intervenant lors des 21èmes Journées de l’entreprise, Mohammed Ghannouchi a
déclaré que la Tunisie est déterminée à agir de concert avec les autres pays
de la région en vue de dynamiser le processus maghrébin d’autant qu’il
existe, a-t-il dit, plusieurs facteurs militant en faveur de ce processus. 

Au
nombre de ceux-ci, le Premier ministre a cité la similitude des politiques
économiques et l’émergence d’indices encourageants au niveau des entreprises
maghrébines qui ont, de plus en plus, tendance à réaliser des projets
d’investissement communs, à tisser entre elles des alliances stratégiques et
à conquérir les marchés de proximité. «Ces indices, a–t–il dit, englobent,
également, le développement de l’investissement dans des mégaprojets
structurants maghrébins (réseau d’autoroutes/lignes de chemins de fer
modernes développées, télécom…), la dynamisation des accords bilatéraux
dans la perspective d’aplanir tous les obstacles qui entravent leur
réalisation, l’harmonisation des règles d’origine et des normes, la mise en
place d’un marché financier capable d’appuyer l’entreprise maghrébine et
l’intensification des contacts d’affaires entre les promoteurs maghrébins». 

Par delà cette prise de conscience de l’administration des enjeux du marché
de l’UMA  pour l’entreprise tunisienne, la grande inconnue demeure toutefois
la réaction des banques tunisiennes et leur capacité d’accompagner les
entreprises locales à se déployer au Maghreb. Ces banques, contrairement à
la (future) mastodonte Banque maghrébine pour l’Investissement et le
commerce extérieur (BMICE), peuvent jouer un rôle clé dans une intégration
maghrébine plus spontanée qu’officielle.