L’Union européenne a-t-elle une politique méditerranéenne ?

 

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Par Abou Sarra

 

eurpe.jpgLa politique de voisinage de
l’Union européenne a été sévèrement critiquée par les sud-méditerranéens, au
forum organisé, le week-end dernier, à Hammamet, par la revue «Réalités»,
sur «les relations euro-méditerranéennes et la mondialisation».

Cette politique, définie par Miguel Angel Navarro, responsable espagnol
chargé des affaires européennes, comme un processus d’«assimilation» et non
d’«intégration», et encore moins d’«adhésion», a été mise au point par
l’Union européenne (UE) pour s’assurer de la bonne utilisation des fonds
fournis par l’Union et pour promouvoir l’investissement privé. L’objectif
calqué sur celui de Barcelone vise à offrir à tous les voisins de l’UE «la
possibilité de participer à diverses activités dans le cadre d’une
coopération politique, sécuritaire, économique renforcée».

Les candidats à cette politique, localisés à l’est de l’Europe, en Asie
centrale, aux Balkans et au sud de la Méditerranée, ont droit, comme l’avait
dit l’ancien président de la Commission européenne, Romani Prodi, «à tout
sauf aux institutions». «Au final, l’UE nous propose tout juste un
partenariat privilégié», a déclaré, Seufettin Gursel, président de
l’Université de Galatassary d’Istanbul.

Pour Hassen Abou Ayoub, ancien ministre marocain et ambassadeur itinérant,
la nouvelle politique de voisinage, décidée unilatéralement par l’UE sans
concertation avec les pays concernés, constitue «la véritable nouvelle
frontière entre l’UE et ses voisins», relevant que l’Europe projette, à
travers sa nouvelle politique, à accéder aux marchés de ses voisins «sans la
prime d’adhésion».

Évoquant ce détournement progressif, chiffres à l’appui, de l’intérêt
européen en faveur des Pays d’Europe Orientale et Occidentale (PECO) Mme
Mongia Gongi, Directrice Générale des stratégies industrielles au ministère
de l’Industrie, de l’Energie et des PME, a rappelé que pour un euro investi
au Maghreb, 5 à 10 euros sont investis dans les PECO. Pire, le dernier
rapport du réseau méditerranéen des Instituts économiques ‘’FEMISE’’ relève
qu’en 10 ans de partenariat, les pays méditerranéens ont reçu un total d’IDE
européens guère supérieur à la seule Pologne. Au plan social, les résultats
sont décevants.

Évaluant les réalisations sociales du processus de Barcelone, Mohamed Seghir
Babes, président du Conseil économique et social d’Algérie a parlé
d’«avancées étriquées et parcimonieuses, de blocages et de délestage du
flanc sud de la méditerranée».

Lui emboîtant le pas, Andrea Amato, président de l’Institut méditerranéen de
Rome, a relevé la tendance de l’UE à décourager tout dialogue sur le volet
social: «contrairement aux autres responsables des autres secteurs, les
ministres euro-méditerranéens de l’Emploi et des Affaires sociales, tout
autant que les comités sociaux issus des Conseils d’association, ne se sont
jamais réunis pour discuter de questions sensibles, telles que l’emploi, la
précarité du travail, la sécurité sociale, le chômage…. “

S’appuyant sur une étude effectuée par des chercheurs anglais de Manchester,
Andrea Amato a soutenu que même les zones de libre-échange proposées pour
réduire le chômage au sud de la Méditerranée seraient insuffisantes pour
venir à bout de ce fléau social.

Face à cette situation, certains participants ont proposé des alternatives
qui méritent d’être signalées. Dali Jazi, président du Conseil économique et
social de Tunisie, s’est prononcé pour un véritable partenariat fondé sur la
réciprocité des intérêts et pour une indissociabilité du partenariat et des
institutions.

Tahar Seoud, ancien ministre est allé jusqu’à proposer un groupement
euro-méditerranéen qui serait, certes en harmonie avec les valeurs et normes
de l’UE, mais qui se distinguerait par ses propres institutions. Il s’agit,
en quelque sorte, de réactiver le projet de l’ancien président français,
François Mitterrand, de la Méditerranée occidentale, plus connu sous le code
5+5. Une proposition fortement saluée par les représentants algériens et
marocains.

Ce bilan négatif du processus de Barcelone et des perspectives sombres de la
politique de voisinage a amené d’autres participants à s’interroger sur la
politique méditerranéenne de l’UE : «En a t-elle une au juste ?, se sont-ils
exclamés. Globalement, les participants ont déploré la non visibilité du
processus pour Bruxelles et le risque de sa dilution, voire de sa
marginalisation par l’élargissement à l’est de l’Union.

Néanmoins, ils ont été unanimes pour souligner que l’Euromed demeure le
meilleur cadre de partenariat en dépit des lacunes enregistrées et dues pour
la plupart à des facteurs exogènes (crises internationales). Ils ont
recommandé de le préserver eu égard à ses objectifs prometteurs dans la mise
en place de passerelles entre les deux rives de la Méditerranée. Ils ont
plaidé, en prévision d’une éventuelle recrudescence de la concurrence et de
précarisation de la vie en raison de la globalisation, pour une solidarité
sans faille, voire pour une alliance euro-méditerranéenne qui viendrait se
substituer à l’actuel partenariat. Pour l’Europe, l’intérêt est certain.

Meddgyessy Peter, ancien premier ministre hongrois, a déclaré que l’UE, non
compétitive par rapport à ses principaux concurrents nord-américains et
asiatiques, est invitée à explorer, chez ses associés du sud de la
Méditerranée et d’Europe centrale et orientale (PECO), de nouvelles forces
motrices pour stimuler sa croissance et tirer profit de la flexibilité qui y
prévaut.

Quant aux pays du Sud, ils ont besoin de l’UE pour qu’elle joue le rôle
d’«équilibreur» dans les négociations multilatérales et restituer, ainsi au
monde sa dimension multipolaire. L’accent a été mis sur l’intérêt, et même,
sur l’urgence de valoriser les facteurs de proximité et de complémentarité
pour construire une zone économique euro-méditerranéenne solidaire,
compétitive et viable.