Slimane Bettaieb : «La Banque du Sud va résorber son déficit de provisionnement d’ici deux ans»

Par : Autres
 

Slimane Bettaieb

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Propos
recueillis par
Moncef
MAHROUG

 

sud1.jpgA la
veille des deux assemblées générales du 25 novembre, qui verront l’entrée
dans le Conseil d’administration des représentants des nouveaux actionnaires
(Santander et Attijariwafa bank) qui ont récemment acheté 33,54% du capital,
le Président-directeur général de la Banque est optimiste quant à l’avenir
de l’institution qu’il dirige.

Au début de la deuxième tentative de privatisation de la Banque du Sud,
qui a récemment abouti au rachat par le groupement
Santander-Attijariwafabank des 33,54% du capital détenu par l’Etat tunisien,
certains, y compris, semble-t-il, au sein même de votre banque, ont vu BNP
Paribas dans la peau d’un favori. Comment vos employés ont-ils réagi à la
victoire de Santander-Attijariwafa bank ?

Slimane Bettaieb : BNP Paribas n’était pas vraiment favori. Au
contraire, tout le monde s’attendait à ce que le Crédit Agricole–Crédit
Lyonnais fasse une bonne proposition pour le rachat. Même le groupement
Santander-Attijariwafa bank était bien placé. Ils étaient venus lors du
premier appel d’offres et sont revenus cette fois-ci; ce qui dénotait de
leur intérêt pour cette banque.

Pour ce qui est de la réaction du personnel, et compte tenu de ce qui s’est
passé lors de la dernière privatisation dans le secteur, il y a eu un
certain remous parmi les employés, la première fois. Mais cette fois-ci, le
personnel était compréhensif. Il faut dire qu’il a été très bien préparé à
ce changement au niveau de l’actionnariat. Cela faisait des mois qu’on en
parlait.

Pour dire quoi ?

Que l’Etat va un jour ou l’autre se désengager de cette banque et que ce
sera un actionnaire privé, vraisemblablement étranger, qui le remplacera.
Donc, psychologiquement tout le monde est préparé.

En plus, le cahier de charges concernant l’opération de privatisation est
clair sur la question de protection des postes d’emplois.

Y compris dans le deuxième cahier de charges ?

En fait, il n’y a pas eu de deuxième cahier de charges. C’est le premier qui
a été reconduit. Donc, le personnel n’avait pas d’appréhension particulière
à avoir.

Mais le personnel n’a-t-il pas été surpris à l’annonce du résultat de
l’appel d’offres ?

Non. S’il y avait surprise, elle vient seulement du fait que le Crédit
Agricole-Crédit Lyonnais n’a pas fait d’offre, contre toute attente.

Comment les gens, en dehors de la banque, vous semblent-ils avoir réagi
au fait que le groupement Santander-Attijariwafa bank l’ait remporté?

Il y a eu deux types de réactions. Le commun des mortels a pu être surpris,
par méconnaissance. Mais les professionnels, les gens du milieu financier et
bancaire, connaissent bien le groupement et savent que Santander est la
deuxième banque européenne et Wafa est la première au Maroc. De plus, les
Espagnols sont très actifs en Tunisie et y ont déjà acquis deux cimenteries.

Nous-mêmes, nous avons réalisé une opération, en partenariat avec une autre
banque espagnole, en vue de développer notre portefeuille d’opérateurs
espagnols sur la Tunisie, dans les secteurs touristique, industriel, etc.

 

A
l’instar de la plupart des autres banques de la place, la Banque du Sud
connaît des difficultés, notamment au niveau des créances douteuses.
Peut-elle les surmonter et rebondir pour redevenir rentable ?

 

C’est
sûr. C’est évident. Après l’échec de la première opération, nous avons
conçu, avec les autorités monétaires et le Conseil d’administration, un plan
de redressement et de développement de la banque qui a commencé à donner ses
fruits. Les résultats dégagés durant le deuxième semestre 2004 et le premier
semestre 2005 ont, je crois, été déterminants pour décider les investisseurs
à se manifester de nouveau lorsque nous avons remis le dossier de la
privatisation sur la table.

 

De plus,
lorsqu’ils se sont déplacés ici, ils ont constaté et apprécié, en discutant
avec l’équipe dirigeante et les cadres de la banque, la volonté de redresser
et de développer. Nous sommes optimistes. Je pense que d’ici deux ans, la
banque va résorber son déficit de provisionnement.

 

Quelles
étaient les grandes lignes du plan de redressement et de développement?

 

Au niveau
du recouvrement, nous avons changé d’organisation pour être très proche du
client objet du recouvrement. Et sur certaines grosses créances, nous avons
demandé l’appui du Conseil d’administration et des autorités monétaires.
Nous avons tenu plusieurs réunions avec certains clients, à la Banque
centrale, afin de trouver une solution au problème des créances accrochées.

 

Et vous l’avez
trouvée ?

 

Nous
sommes satisfaits du travail qui a été fait. Par exemple, l’amélioration de
l’activité touristique a aidé à régler certaines situations dans ce secteur.

 

Au moment de
la première tentative de privatisation, on a parlé d’une enveloppe de
créances accrochées de 400 millions de dinars. Le chiffre est-il exact ?

 

Les
chiffres varient. Nous les arrêtons mensuellement. De plus, il y a quatre
catégories d’actifs classés. Ce n’est donc jamais statique.

 

Ce qui
compte, ce n’est pas la masse des crédits classés, mais la partie qui n’est
pas couverte par des provisions.

 

Vous en êtes
où aujourd’hui dans ce domaine par rapport au moment où a eu lieu la
première tentative de privatisation ?

 

Nous
avons bon espoir que l’insuffisance de 113 millions de dinars arrêtée au 31
décembre 2004 baissera encore à la fin de l’année, par le recouvrement et
l’amélioration des garanties. Et puis, nous sommes, grosso modo, dans la
moyenne du secteur.

 

Qu’avez vous
fait en matière de développement ?

 

D’abord,
nous avons changé notre organisation commerciale, au niveau des agences, par
la création d’agents de «Front Office» chargé en même temps du traitement
des opérations et du démarchage des clients en vue de leur vendre les
produits bancaires. Ensuite, nous avons affecté à la majorité des agences
des cadres dédiés uniquement à l’activité commerciale. De même, nous avons
changé de vision au niveau de nos objectifs. Nous ne parlons plus
d’accroissement des ressources, mais d’enrichissement du portefeuille et
combien de clients nous devons recruter pour cela. Aujourd’hui, il est
assigné aux agences de recruter un certain nombre de clients, d’une certaine
catégorie.

Dans ce domaine, nous avons favorisé le nivellement par le haut. Nous nous
intéressons aux clients particuliers haut de gamme et aux entreprises –en
particulier exportatrices. Nous avons diversifié notre offre commerciale
pour le lancement ou l’amélioration de certains de nos produits. Tout cela a
été adossé à une politique de communication appropriée au contexte actuel de
la Banque. Enfin, nous sommes en train de stabiliser nos engagements avec
les groupes parce que nous avons des ratios de prudence à respecter.

 

Les banques
tunisiennes ont généralement un problème de sureffectif. Est-ce le cas de la
Banque du Sud ? Pourra-t-on faire l’économie d’un plan social ?

 

Nous le
sommes dans une certaine mesure par rapport aux standards internationaux.
Mais nous ne devons pas oublier que nous sommes dans un environnement bien
particulier, celui d’un pays émergent. J’ai toujours pensé que nous n’avons
pas besoin d’un plan social. Pour développer –en particulier notre réseau-,
nous avons besoin de cadres, d’agents, et moyennant une formation, nous
pourrons les affecter aux agences pour faire de la vente.

 

Que dit le
cahier de charges à propos de la sauvegarde des emplois ?

 

Pendant
trois ans, le nouvel actionnaire ne pourra pas procéder à des licenciements.

 

Quand est-ce
que la transaction portant sur les 33,54% du capital aura-y-elle lieu en
Bourse ?

 

Elle se
fera après la tenue des assemblées générales ordinaires et extraordinaire
fixées pour le 25 novembre. Outre les 33,54%, le repreneur va probablement,
comme il l’a annoncé, acheter un autre bloc pour détenir la majorité.