Le commerce d’occasion : Un facteur de croissance

Par : Autres
 

Le commerce d’occasion : Un facteur de croissance

___________________________________

Par Peter
Czaga et Barbara Fliess, Direction des échanges de l’OCD

 

Selon une
étude préparée et rendue publique dernièrement par la Direction des échanges
de l’OCDE, il s’avère que le commerce d’occasion constitue un important
facteur de croissance, et ce même si les débouchés commerciaux des produits
d’occasion peuvent faire défaut et pas uniquement pour des questions de
qualité. Vous souhaitez vendre d’authentiques blousons de base-ball
américains d’occasion à l’étranger ? Vous lancer dans l’import-export de
voitures allemandes d’occasion ? Les débouchés commerciaux pourraient vous
faire défaut, et pas uniquement pour des questions de qualité.

En effet, Peter Czaga et Barbara Fliess rappellent, d’abord, dans cette
étude que «les échanges internationaux ne concernent pas seulement des
produits neufs, mais qu’un large éventail de biens d’équipement et de
consommation usagés ou reconditionnés circulent également sur le marché
international, des voitures et turbines d’occasion aux pièces détachées, en
passant par les téléphones portables et les avions». Mais plus intéressant
encore, ils affirment que «la plupart de ces biens d’occasion sont vendus
par des pays développés à des pays en développement».

Les deux experts de l’OCDE ne s’arrêtent pas là ; au contraire, ils
enfoncent un peu plus le clou, lorsqu’ils estiment que «d’importantes
restrictions aux échanges, curieusement ignorées des récents cycles
commerciaux internationaux, entravent considérablement ce marché, au
détriment de tous». Pour preuve, ils prennent l’exemple des voitures
d’occasion. «Tout d’abord, comme il est très fréquent que les automobiles
changent de propriétaire, le marché des véhicules d’occasion est beaucoup
plus vaste que celui des véhicules neufs. Ainsi, dans de nombreux pays, dont
la Bulgarie, Chypre, la Jamaïque, la Nouvelle-Zélande ou la Russie, la
majeure partie des ventes nationales d’automobiles concernent des voitures
d’occasion importées. De même, si l’on exclut les échanges avec le Canada,
les États-Unis ont exporté en 1999 environ un tiers de plus d’automobiles
d’occasion que d’automobiles neuves. Et en 2003, les exportations japonaises
de véhicules d’occasion auraient représenté au total un milliard de dollars
US, un chiffre record».

Et on n’est pas au bout de nos peines, d’autant que les deux experts ne
s’embarrassent pas de connivences. C’est ainsi u’ils nous apprennent que
beaucoup de pays offrent d’importants débouchés pour des pièces et
composants d’occasion de véhicules à moteur ; un marché qui pourrait
représenter 60 à 70 milliards de dollars à l’échelle mondiale, dans la
mesure où les personnes à faible revenu, notamment, gardent leur véhicule le
plus longtemps possible pour éviter d’en racheter un nouveau.

Autres produits d’occasion, les vêtements usagés dont Peter Czaga et Barbara
Fliess considèrent comme constituant un autre grand marché mondial, qui
pourrait augmenter. «Si les exportations mondiales de vêtements d’occasion
se sont élevées à 990 millions de dollars en 2001, soit nettement moins que
les exportations de vêtements neufs, évaluées à 146 milliards de dollars,
estiment-ils, ce commerce est en réalité plus important qu’il n’y paraît,
car la valeur au poids des vêtements d’occasion est très faible, et atteint
tout juste 0,73 dollar le kilo».

Principe contre la concurrence et non de produits…

L’étude souligne que «le problème vient du fait que, comme pour les produits
neufs, de nombreux pays ont dressé des barrières élevées contre les produits
d’occasion, non pas par opposition de principe à ces produits, mais
simplement pour protéger les producteurs et vendeurs nationaux contre la
concurrence extérieure». Bien entendu, les produits les plus couramment
affectés sont les véhicules et pièces automobiles, les machines,
l’habillement et le matériel médical.

Par ailleurs, Peter Czaga et Barbara Fliess indiquent qu’une autre étude
plus récente de l’OCDE sur la politique commerciale de 85 pays de l’OMC a
montré que près d’un tiers d’entre eux interdisent d’une manière ou d’une
autre l’importation d’une ou plusieurs catégories de biens d’occasion.
D’autres pays imposent la demande d’autorisations, des tarifs douaniers
spéciaux ou d’autres mesures moins interventionnistes pour réglementer les
importations. Parmi ces pays on cite les pays d’Amérique latine, d’Afrique
et d’Asie, essentiellement le Brésil, la Chine et l’Inde.

Le commerce international de véhicules motorisés d’occasion en particulier
fait très fréquemment l’objet de restrictions commerciales. Selon les
travaux de Danilo Pelletiere et Kenneth A. Reinert, de l’Université George
Mason, seuls 58 pays sur les 132 étudiés n’imposent aucune restriction aux
importations. 21 pays interdisent purement et simplement l’importation, et
les pays restants appliquent une combinaison de mesures moins restrictives,
telles que des interdictions conditionnelles d’importation (généralement
liées à l’âge du produit ou à d’autres exigences techniques) ou des taxes et
redevances spéciales. Beaucoup, surtout les pays en développement,
restreignent également l’importation des pièces de véhicules et des
pneumatiques d’occasion ou remanufacturés. L’interdiction est une mesure
courante en Amérique latine et en Afrique, mais certains pays d’Asie et
d’Europe orientale y ont également recours.

Toujours selon l’étude de l’OCDE, les restrictions touchent également
souvent les vêtements usagés, avec des interdictions d’importation
essentiellement dans les pays africains et dans certains pays d’Asie et
d’Amérique latine à faible revenu, de même qu’en Chine. Pour justifier ces
mesures, les gouvernements de ces pays avancent des raisons d’hygiène et de
santé. L’Afrique du Sud n’autorise l’importation de vêtements usagés que
lorsqu’il s’agit de dons humanitaires.

Le Brésil, le Pakistan et d’autres pays, là aussi essentiellement des pays
d’Asie et d’Amérique latine, imposent des interdictions conditionnelles sur
l’importation de machines d’occasion, pour des raisons de sécurité et
d’environnement. Les interdictions totales sont rares, la plupart des pays
exigeant plutôt le respect de normes techniques strictes. Enfin, certains
pays n’autorisent pas l’importation de certaines catégories de produits,
tels que les équipements médicaux d’occasion ; selon certaines sources, la
Chine, l’Égypte, le Koweït, la Syrie et la Thaïlande appliqueraient de
telles interdictions. Ces interdictions sont également fréquentes pour les
appareils électriques, les réfrigérateurs, les climatiseurs et les
compresseurs.

Le pour et le contre

A ce stade de leur étude, Peter Czaga et Barbara Fliess considèrent que
«certains arguments avancés pour interdire les biens d’occasions, telles que
des préoccupations d’hygiène ou de santé, sont sans doute recevables, mais
d’autres entrent clairement en contradiction avec les règles du commerce
international». Pour eux, moins chers et souvent parfaitement réutilisables,
les produits d’occasion ont de quoi séduire les consommateurs. «De fait,
dans les pays en développement, où les compétences manquent parfois,
l’existence d’équipements industriels déjà utilisés constitue parfois le
premier facteur d’investissement».

Poussant leur analyse, les experts de l’OCDE avouent cependant que
«l’importation de ces biens, rarement couverts par une garantie, ne va pas
sans risques. Des produits défectueux ou dangereux peuvent être exportés
vers des pays dépourvus d’un cadre réglementaire suffisamment protecteur
pour les consommateurs, de sorte qu’il est plus simple d’interdire en bloc
l’importation des biens d’occasion plutôt que d’exclure uniquement ceux qui
présentent des risques». On appellera cela le principe de précaution.

Plus loin, Peter Czaga et Barbara Fliess soutiennent que, de manière
générale, même en matière de sécurité, les biens usagés pourraient être
soumis aux mêmes standards rigoureux que les biens neufs. Quant au souci
environnemental, il n’est pas toujours justifié. Des recherches montrent que
les véhicules d’occasion en provenance des pays développés sont souvent
davantage conformes aux normes d’environnement et de sécurité que le parc
local de véhicules –plus ancien– des pays en développement. «Le recyclage et
le réemploi des vêtements et des pièces automobiles aident à économiser des
ressources naturelles rares et, tant que les produits ne sont pas dangereux
ou toxiques, le fait de prolonger la vie utile de produits usagés est
globalement bon pour l’environnement», pensent-ils.

De là, ils tirent une première conclusion : «Il paraît évident que les
produits usagés peuvent poser problème du fait même qu’ils sont usagés. Mais
on peut éviter l’interdiction pure et simple de leur importation si les
objectifs qui sous-tendent cette interdiction sont atteints par d’autres
moyens, moins restrictifs pour les échanges». Ce qui voudrait dire, en
d’autres termes, renforcer les contrôles et le suivi, et procéder
régulièrement à des inspections techniques, sans pour autant stopper les
échanges. «Cela aurait certainement des effets bénéfiques à long terme pour
l’ensemble des échanges. De même, les aspects complexes du contrôle
pourraient être partagés avec les pays exportateurs, qui disposent en
général de dispositifs réglementaires plus développés. Pour les produits
usagés ou reconditionnés à haut risque, les exportateurs pourraient
effectuer un contrôle de qualité selon leurs propres procédures
commerciales», souligne l’étude.

Mais Peter Czaga et Barbara Fliess ne manquent d’arguments pour soutenir le
développement du commerce international, ils proposent que le marché des
produits d’occasion puisse «s’appuyer sur les normes internationalement
reconnues déjà en place pour édifier ses propres normes». Selon eux, un pas
important a été franchi dans cette direction en 2004, «quand l’Organisation
internationale de normalisation (ISO) a approuvé un programme d’élaboration
de normes internationales destinées à faire en sorte que les produits
d’occasion respectent des critères communs en matière de santé et de
sécurité, et que les consommateurs disposent des informations nécessaires
sur les produits avant d’effectuer leurs achats. L’élaboration de telles
normes, conjuguée au renforcement des capacités des pays pour les utiliser
efficacement, devrait permettre à ceux-ci de revoir et de libéraliser leurs
politiques commerciales».

Considérant, enfin, comme nécessaire de libéraliser le commerce des biens
d’occasion, Peter Czaga et Barbara Fliess ne souhaitent pas que cela
débouche pour autant sur la loi de la jungle. Au contraire, «un meilleur
suivi réduirait la fraude qui affecte déjà le secteur des biens d’occasion,
estiment-ils. Pour l’heure, les interdictions strictes en vigueur dans de
nombreux pays n’atteignent pas leur but. Un assouplissement des
restrictions, conjugué à une levée des interdictions, contribuerait à
favoriser le bien-être et le développement. Il s’agit peut-être de biens
d’occasion, mais, avec le développement des échanges, c’est une occasion en
or», concluent les deux experts de l’OCDE.

Entrée interdite

Incidence des interdictions d’importations sur les biens d’occasion

 

 

Véhicules motorisés

Pneumatiques

Vêtements

Argentine

  X  X
Bolivie X    
Brésil  X   X
Brunei X    
Canada X    
Chili  X    
Rép.
Dominicaine
X   X
Équateur X X
Égypte X
Ghana  X    
Inde  X    
Maldives  X    

Mozambique

  X X

Nicaragua

 X    
Nigeria X    
Pakistan      
Pérou X X
Salvador X    
Sri
Lanka
     
Tanzanie     X

Thaïlande

X    

Venezuela

X X X

 

 

Synthèse de Tallel
BAHOURY

 

 

Source :

Établi par l’OCDE à partir des Examens des politiques commerciales de l’OMC,
de la base de donnée MAD de l’UE et des rapports de l’USTR.

______________________

Références

 

Peter
Czaga (2002), “Analysis of non-tariff measures: The case of prohibitions and
quotas”, Document de travail sur la politique commerciale N°6, OCDE, Paris,
disponible dans la rubrique «Documents de travail».

Danilo Pelletiere et Kenneth A. Reinert (2003), Used automobile protection
and trade: Gravity and ordered probit analysis, George Mason University,
Washington, D.C.

Sofronis Clerides (2004), «Gains from Trade in Used Goods: Evidence from the
Global Market for Automobiles», University of Cyprus Economics, Documents de
travail N° 4-6, décembre 2004.

G.B. Navaretti, I. Soloaga et W. Takacs (1998), «When Vintage Technology
Makes Sense: Matching Imports to Skills», Documents de travail N°1923,
Banque mondiale, Washington.