
Lancé pour faire connaître et promouvoir les cinéastes et les cinématographies des pays arabes ainsi que les cultures franco-arabes, le festival propose cette année, dans le cadre du “Focus Tunisie”, plus d’une dizaine de films témoignant de la vitalité du cinéma tunisien contemporain, de sa capacité à interroger l’exil, la jeunesse, la mémoire et les marges, tout en inventant de nouvelles formes narratives.
Dans le programme intitulé “Le cinéma tunisien : de l’exil à la révolution et à la diaspora”, une dizaine de films donnera à voir et à découvrir des expériences aussi riches que variées. “Les Ambassadeurs” (1975) de Naceur Ktari livre un regard sur l’expérience des immigrés tunisiens en France, explorant l’exil et les fractures sociales, affirmant que filmer, c’est déjà résister. Et il n’est pas le seul à défendre cette idée. Après 2011, la Révolution libère la parole : « Tunisia Clash » (2015) de Hind Meddeb capte l’énergie contestataire des jeunes rappeurs, figures d’une jeunesse en quête de visibilité et de liberté.
Ailleurs, le cinéma tunisien explore la diaspora et l’enfance exilée : Kaouther Ben Hania suit dans “Zaineb n’aime pas la neige ” (2016) la jeune Zaineb entre la Tunisie et le Canada, tandis que la réalisatrice et scénariste belgo-tuniso-danoise Maja-Ajmia Yde Zellama, évoque dans son film “Têtes brûlées” (2025), le deuil et la résilience d’Eya, jeune fille diasporique, révélant les tensions entre identité et appartenance. Khedija Lemkecher, avec Belles de Nuit (2024), interroge le rapport entre réalité et représentation pour explorer les désirs et les contraintes des jeunes des quartiers populaires. Alaeddine Slim, avec Agora (2024), s’intéresse quant à lui à la temporalité et à la mémoire collective, transformant l’image en un espace à la fois critique et poétique.
La Tunisie, une terre de création et un écran de projection en soutien à la Palestine
Né d’un désir de dialogue entre les rives de la Méditerranée et célébrant la pluralité des voix et des regards, le festival a choisi de mettre les projecteurs sur un cinéma tunisien “en plein essor”. En 2024, la Tunisie, lit-on dans le dossier de presse du festival, a connu une effervescence sans précédent : une trentaine de longs métrages, autant de documentaires et une centaine de courts ont vu le jour. Porté par une génération de cinéastes audacieux, souvent récompensés dans les plus grands festivals internationaux, ce cinéma reflète l’énergie d’un pays au carrefour de la mémoire révolutionnaire, de l’élan artistique et des défis politiques.
“Terre de création foisonnante et de résistance historique”, la Tunisie incarne les aspirations universelles à la liberté, à la dignité et à la justice”, écrit Wiam Berhouma, maire adjointe déléguée à la culture, à l’éducation populaire et à la transmission de la mémoire de Noisy-le-Sec.
“Devant une actualité asphyxiante, saturée par les bombes israéliennes qui tombent sur Gaza, l’histoire de la Tunisie est liée de longue date à celle de la résistance palestinienne” lit-on dans l’édito de Mathilde Rouxel Directrice artistique du festival. La Tunisie a-t-elle noté, est devenue “un écran de projection en soutien à la Palestine, un lieu où où l’on pense et où l’on montre un cinéma engagé”.
Dans ce contexte, les films de cette programmation accompagnent ce mouvement des cinéastes tunisiens qui croient en l’image comme forme de résistance contre la simplification et la banalisation des horreurs du monde”, ajoute la directrice artistique du festival. Grâce à ce focus, leurs films, documentaires et fictions, dialogueront avec ceux venus d’autres pays.
Dans ce registre, sera organisée une table ronde “Tunisie/Palestine : mémoire commune et luttes contemporaines” qui sera accompagnée de la projection de trois courts métrages :” Where Can I Start a Film About Palestine?” un documentaire de Maxime Naudet Anoudou (France/Tunisie, 2025), et deux films témoignant de l’engagement de ceux qui veulent faire des images en solidarité avec la Palestine pour combattre l’oubli en l’occurrence “Silence” de Fares Ben Khalifa (Tunisie, 2016) et “Home”, film d’animation d’Ines Ben Halima (Tunisie, 2016).
Hind Meddeb, marraine de l’édition 2025
Hind Meddeb, marraine de cette 14ème édition, porte en elle l’héritage d’un père poète, Abdelwahab, et d’une mère linguiste, Amina : un amour des mots et une exigence de vérité. Son terrain, pourtant, reste la rue, la jeunesse insurgée, les marges où l’Histoire s’écrit à voix haute. Depuis ses premiers films, elle fait du cinéma un espace de résistance : “Electro Chaâbi” explore la révolution musicale des faubourgs du Caire, “Tunisia Clash” suit des rappeurs tunisiens défiant la censure, et “Soudan, souviens-toi” recueille la mémoire des jeunes révolutionnaires soudanais. Trois œuvres que le festival met à l’honneur dans ce focus sur la Tunisie, pays d’origine d’une partie de son histoire et de son cinéma
Le Cinéma tunisien au programme “hors les murs”
L’année 2024 a vu émerger une génération de jeunes cinéastes venus de régions éloignées de Tunis et des écoles de cinéma. Les films de cette sélection portent la fougue des premiers gestes et la liberté du regard neuf. Dans ces zones où le cinéma se fait rare, chaque image tournée devient une découverte, une expérience à partager. Au programme “Bamssi”, un documentaire de Mourad Ben Amor (Tunisie/Belgique), “The Image of Ants”, poème visuel de Mohamed Rachdi et “Epouvantails de la zone rouge”, un documentaire de Jalel Faizi.
La programmation de la 14ème édition du FFFA comporte des films inédits, des avant-premières, des projections pour la jeunesse, des rencontres avec cinéastes etc. Pluridisciplinaire, le festival, dont le cinéaste Costa-Gavras est parrain d’honneur, s’ouvre aussi à la musique, au théâtre, aux arts plastiques et à la littérature, dans les lieux culturels de Noisy-le-Sec et au-delà, dans le cadre du programme hors les murs.


