AvionsUn avion de la compagnie tunisienne Nouvelair a été impliqué dans un incident à l’aéroport de Nice Côte d’Azur. L’appareil se serait engagé sur une piste voisine de celle qui lui était assignée. Bien que l’évènement ait été rapidement maîtrisé et qu’aucun danger réel n’ait menacé les passagers, l’affaire a pris une tournure politique en France, après l’intervention du député Éric Ciotti.

Il y a quelques jours, un avion de la compagnie tunisienne Nouvelair, en phase d’atterrissage à l’aéroport de Nice, aurait entamé son approche sur une piste différente de celle autorisée par la tour de contrôle. Le trafic a été immédiatement réorganisé par les contrôleurs aériens, l’équipage ayant corrigé sa trajectoire dans les secondes qui ont suivi.

Un avion d’easyJet, qui s’apprêtait à décoller d’une piste voisine, a été immobilisé par mesure de précaution. Contrairement à ce qui a été relayé par certains responsables politiques, aucune collision n’a été évitée « de justesse ». « À aucun moment, la sécurité des passagers n’a été réellement compromise », confie un contrôleur aérien de l’aéroport niçois, soulignant le professionnalisme des équipes au sol comme en vol.

Opportunisme politique : Éric Ciotti monte au créneau

Si l’incident semblait clos d’un point de vue technique, il a aussitôt rebondi sur le terrain politique. Dans une lettre adressée le 29 septembre au Premier ministre Sébastien Lecornu, le député Éric Ciotti, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a dénoncé un « incident d’une gravité extrême ». Selon lui, l’erreur aurait pu provoquer «une catastrophe aérienne majeure à Nice» et met en doute « le sérieux et la fiabilité » de Nouvelair.

« L’incident a été immédiatement corrigé. Les procédures ont fonctionné. À aucun moment, la sécurité des passagers n’a été réellement compromise. »

 

Le député des Alpes-Maritimes demande donc la suspension immédiate des autorisations de vol de la compagnie en France, l’ouverture d’ «une enquête approfondie» et la condition d’un retour en activité à des « garanties strictes et vérifiées de conformité aux standards nationaux et internationaux ». Une sortie politique jugée par plusieurs observateurs comme excessive au regard de la réalité des faits.

 Nouvelair : un bilan solide et irréprochable

36 ans depuis la création de Nouvelair en 1989, est aujourd’hui l’une des principales compagnies privées tunisiennes, avec une flotte moderne de 17 Airbus A320 dont des Airbus neo. Elle dessert régulièrement la France, qui constitue son premier marché international. Un réseau composé de plus de 15 pays et surtout 50 millions de passagers transportés, en majorité des membres de la diaspora tunisienne et des touristes français, empruntent ses liaisons saisonnières et régulières.

En 30 ans d’exploitation, Nouvelair n’a jamais été impliquée dans un accident grave. Ses pilotes sont issus d’une formation reconnue internationalement, souvent passée par l’École de l’aviation civile de Tunisie, elle-même en partenariat avec des institutions européennes.

« Les équipages tunisiens comptent parmi les mieux formés et les plus rigoureux de la région », rappelle un commandant de bord retraité, qui a volé plus de 20 ans sur l’axe Paris-Tunis. Pour la compagnie, l’incident de Nice ne saurait donc remettre en cause un historique globalement solide en matière de sécurité. « Nous collaborons pleinement avec les autorités françaises et européennes. Cet événement, qui n’a causé aucun danger, est instrumentalisé », a déclaré un porte-parole de Nouvelair.

« Nous collaborons avec toutes les autorités. Cet événement, qui n’a causé aucun danger, est instrumentalisé politiquement. »

 

Sécurité aérienne : entre faits et perceptions

Dans l’aviation civile, la sécurité repose sur des procédures strictes, mais aussi sur une transparence totale. Chaque incident, même mineur, fait l’objet d’une enquête systématique du Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) en France et de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). Leur rôle est de comprendre, corriger et renforcer les protocoles, afin que de tels écarts ne se reproduisent pas.

« Les erreurs de piste ou d’approche sont fréquentes dans les grands aéroports, en Europe comme aux États-Unis. Les procédures sont justement conçues pour les absorber. »

 

Cependant, comme le rappellent plusieurs experts, le discours politique peut vite transformer un incident technique sans conséquence en « quasi-catastrophe ». « Les erreurs de piste ou d’approche existent dans tous les grands aéroports, y compris en Europe ou aux États-Unis. Les procédures de sécurité sont justement conçues pour absorber ces erreurs », explique un spécialiste de la sécurité aérienne.

Enjeux économiques et diplomatiques

Au-delà du fait divers, l’affaire révèle des enjeux plus larges. La Tunisie dépend fortement de sa connectivité aérienne avec la France, son premier partenaire touristique et économique.

Nouvelair, avec Tunisair, représente un maillon essentiel de ce pont aérien. Suspendre ses vols serait lourd de conséquences pour les passagers, les aéroports régionaux français et l’économie tunisienne.

« Après vingt ans de vols Paris-Tunis, je peux affirmer que les équipages tunisiens comptent parmi les mieux formés et les plus rigoureux de la région. »

 

À Tunis, certains responsables voient dans la réaction d’Éric Ciotti une stigmatisation injustifiée d’une compagnie étrangère, qui pourrait avoir des relents de crispation politique. « Si chaque incident technique devait se traduire par une suspension, bien des compagnies européennes seraient clouées au sol », ironise un analyste du transport aérien.

En attendant les conclusions du BEA…

Pour l’heure, les vols Nouvelair vers la France continuent d’être assurés normalement. Les conclusions de l’enquête du BEA seront déterminantes pour évaluer la portée réelle de l’incident. Tout laisse à penser que l’affaire relèvera davantage d’un correctif technique que d’un scandale sécuritaire. En définitive, cet épisode illustre le décalage fréquent entre la réalité opérationnelle de l’aviation et la perception publique ou politique. S’il est normal de s’interroger et de renforcer la vigilance, dramatiser un incident mineur risque surtout d’alimenter la défiance inutilement.

Amel Belhadj Ali

EN BREF

  • Incident technique à Nice impliquant un avion Nouvelair.
  • L’appareil a brièvement entamé une approche sur la mauvaise piste.
  • Les contrôleurs ont réorganisé le trafic, aucun danger réel constaté.
  • Éric Ciotti dénonce une « gravité extrême » et réclame la suspension des vols.
  • Nouvelair défend son bilan : 36 ans d’activité, 50 millions de passagers, aucun accident grave.
  • Les experts rappellent que ces erreurs existent ailleurs et sont couvertes par les procédures.
  • Enquête du BEA en cours pour clarifier les faits.