TUNIS, 26 septembre 2025 (TAP) – Dans les récits dominants, des mémoires invisibles et parfois oubliées cherchent à réapparaître. Trois ouvrages de la collection Tunisie Plurielle, publiés en juillet 2025 chez la jeune maison d’édition Santillana, ravivent les fragments d’histoire pour trois communautés : espagnole, juive et grecque.
Présentation à la Médiathèque de l’Institut français
Présentés jeudi soir, à la Médiathèque de l’Institut français de Tunisie, ces livres invitent à une plongée dans une mémoire collective longtemps marginalisée : La Communauté Grecque de Tunisie (16ème-21ème siècle) d’Antonis A. Chaldeos, Les réfugiés espagnols en Tunisie – L’exil républicain de Béchir Yazidi et Les Rabbins juifs en Tunisie à l’époque de la colonisation française, un ouvrage en arabe de Sameh Metoui.
La rencontre, animée par le Pr. Habib Kazdaghli, directeur de la collection Tunisie Plurielle, a eu lieu en présence de Sameh Metoui et de Spiro Ampelas, traducteur du livre sur la communauté grecque (par visioconférence), ainsi que de Hatem Louati, cofondateur de Santillana.
Une mémoire plurielle en quête de visibilité
Le Professeur Kazdaghli assimile la mémoire perdue des communautés ayant habité en Tunisie à « une petite histoire qui a été vaincue », face à une « dominance de la grande histoire ». Il évoque une diversité enrichissante pour l’identité plurielle, d’où l’idée de développer cette collection.
Au moment où des bateaux partent vers la rive nord, l’histoire rappelle qu’il y a eu, dans le passé, un flux de migrations inverses, souligne l’universitaire. Il cite l’exemple de milliers de Siciliens arrivant par la mer, autrefois sur des voiliers au lieu de bateaux à moteurs.
Histoire des migrations et continuités humaines
Ce mouvement migratoire à sens inverse, du Sud vers le Nord, était le résultat de circonstances différentes de celles des migrations du Nord vers le Sud. Mais pour des gens cherchant à améliorer leur situation, l’objectif restait le même que celui d’aujourd’hui.
Le directeur de la Collection affirme qu’« il est notre devoir de nous intéresser à ce genre de recherches dans l’histoire de la Tunisie dans sa pluralité… L’objectif de sa Collection, c’est d’essayer de donner place à ceux qui ont été balayés par la grande histoire ».
Une démarche critique et inclusive
« Loin de chercher à blanchir » certaines communautés dont la présence s’inscrivait dans un cadre colonial, cette démarche vise à mettre en lumière une pluralité et une richesse propres à la Tunisie.
Avec ces trois parutions, Tunisie Plurielle tente de restituer les mémoires qui composent l’histoire plurielle de la Tunisie en sortant de l’ombre des récits méconnus. Les ouvrages présentés offrent une mosaïque socio-culturelle d’un pays carrefour de civilisations, façonné par des trajectoires humaines diverses.
Une collection en expansion
Ces ouvrages rejoignent trois autres titres : Les Pères blancs en Tunisie (2025), Les Juifs, nos frères en la patrie (2024) et Les Italiens de La Goulette (2024).
L’éditeur a annoncé que d’autres minorités ayant marqué l’histoire tunisienne – Maltais, Russes ou Serbes – feront l’objet de prochains ouvrages.
Santillana : une maison d’édition engagée
Créée en 2024, Santillana rend hommage à David Santillana (1855-1931), éminent juriste tunisien et rapporteur du Code des obligations et des contrats, premier code civil tunisien promulgué en 1906. Fidèle à cet héritage, la maison promeut la réflexion et la recherche en sciences humaines et sociales, offrant un espace éditorial dédié à la pensée critique, à l’innovation académique et au dialogue interdisciplinaire.