La diaspora tunisienne, dont le nombre est évalué entre 1,3 et 1,4 millions de citoyens, principalement établis en Europe et dans les pays du Golfe, constitue un levier financier stratégique, a déclaré le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Fethi Zouhair Nouri.

Intervenant, mardi, lors d’un atelier thématique sur « la contribution des diasporas à la promotion de l’investissement et à la réalisation du développement durable », il a rappelé que chaque visite au pays d’un Tunisien résidant à l’étranger génère en moyenne 1 819 dinars de dépenses locales.

« Ces transferts, souvent orientés vers la consommation, bénéficient néanmoins aux ménages modestes en alimentant les recettes fiscales et en soutenant des investissements, notamment dans l’immobilier », a précisé Nouri, évoquant une étude révélant que plus de 50% de la diaspora a investi en Tunisie plus de 2 milliards de dinars.

Toutefois, cet important potentiel demeure encore inexploité, estime le gouverneur, rapellant « qu’en 2024, le transfert mensuel moyen par Tunisien résidant à l’étranger n’a atteint que 120 dollars, alors que la moyenne mondiale s’établit à 200 dollars ».

Il a, dans ce cadre, proposé une stratégie articulée autour de quatre axes afin de renverser cette tendance. Il s’agit de l’intégration de la diaspora dans l’élaboration des politiques publiques, une meilleure circulation de l’information, la diversification des instruments financiers et l’amélioration du climat des affaires, a-t-il encore fait savoir.

Parmi les initiatives envisagées, il a évoqué la production de capsules d’information à bord des avions et bateaux reliant la Tunisie afin de sensibiliser les migrants aux opportunités d’investissement dans leur pays d’origine.

Sur le plan financier, Nouri a proposé, notamment, de mettre à disposition de la diaspora des obligations destinées à financer des projets d’infrastructure ou des entreprises locales, citant, dans ce cadre, l’exemple de l’Inde et de l’Égypte.

L’Egypte a mis en place le programme « Tomorrow’s Pension » qui permet aux expatriés de cotiser à un plan d’épargne retraite en devises depuis l’étranger, a indiqué le gouverneur de la BCT, appelant à créer un dispositif similaire en Tunisie.

S’agissant du volet entrepreneurial, il a insisté sur la nécessité de mieux identifier et évaluer les projets avant de rechercher des financements, précisant que souvent « l’échec n’est pas lié au financement, mais au choix du projet lui-même ».

Il a conclu en lançant un appel aux Tunisiens résidant à l’étranger : « Où que vous soyez dans le monde, il est de votre devoir de rester engagés pour contribuer au développement de notre pays et faire rayonner son image à l’international».

Pour sa part, la directrice générale de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) Amy Pope, a rappelé que « les communautés de la diaspora dans le monde entier génèrent une richesse incroyable — que ce soit en matière de transferts de fonds, de connaissances, d’investissements, de compétences, d’énergie créative ou de solutions innovantes ».

Selon Amy Pope, ce dynamisme se traduit concrètement en Tunisie où plus de 15 % de la population vit à l’étranger, principalement en Europe, et où les transferts de fonds représentent plus de 5 % du PIB national.

Elle a, dans ce cadre, salué la démarche tunisienne, qui, en partenariat avec l’OIM, a posé les bases d’une feuille de route claire comprenant des actions à court, moyen et long termes, allant de la promotion de l’entrepreneuriat à l’amélioration de l’inclusion financière, en passant par le renforcement de l’accès au capital et l’expansion des services numériques et de la collecte de données.

« À l’échelle mondiale, les transferts de fonds ont dépassé les 650 milliards de dollars l’année dernière, un montant supérieur aux investissements directs étrangers et à toute aide publique au développement», rappelle encore la responsable de l’OIM, invitant é à une mobilisation plus structurée afin de transformer ces ressources en leviers durables pour le développement national.

« Imaginez tout ce que nous pourrions accomplir si nous parvenions à canaliser et investir de manière concertée la force de l’engagement de la diaspora dans des objectifs communs », a-t-elle affirmé.