Dans la continuité de ses réflexions, recherches et études sur la présence de la communauté sicilienne en Tunisie, l’écrivain, essayiste et universitaire Alfonso Campisi qui vient de signer un tout récent opus, a présenté hier après-midi “Paroles et Images d’une Histoire ‘ ‘Mineure‘ ‘ : l’émigration sicilienne en Tunisie entre le XIXème et le XXème siècle » publié aux Editions Arabesques 2024.

« J’ai voulu à travers l’histoire personnelle de la famille Campisi qui s’est installée en Tunisie en 1830, mais aussi les récits de mémoire et les souvenirs de siciliens de Tunisie, raconter avec passion et rigueur par respect à l’Histoire la migration dans ses arrivées et départs à travers les ressentis d’hommes et de femmes dans un récit-mosaique où les différentes histoires semblent se croiser et s’entrecroiser » dit-il lors d’une rencontre-débat organisée dans le cadre de la 38ème édition de la Foire internationale du livre de Tunis.

Co-écrit avec l’universitaire, poète et traducteur italien Flaviano Pisanelli, ce livre (rédigé en français et italien) donne la parole notamment à des femmes et hommes qui ont vécu en parfaite harmonie avec la population tunisienne et qui après avoir quitté la Tunisie, ont eu une certaine difficulté à composer et à élaborer une identité par rapport à leur terre d’origine d’où ce sentiment d’appartenance et d’étrangeté par rapport à la patrie familiale, tel qu’évoqué dans l’ouvrage.

Outre la dimension interculturelle qui concerne le savoir-faire, le savoir-vivre, le dialogue constant entre les habitudes et les traditions dont chacune des deux cultures est porteuse, ce sont des récits qui parlent aussi de la déception sociale et culturelle de certains qui se préoccupaient de “retrouver une vie professionnelle digne de ce nom dans un pays qui ne ressemblait pas du tout à leur Tunisie plurielle”, écrit-il.

A travers une série de narrations et de portraits de personnages, l’auteur révèle une variété de professions et de métiers exercés par les siciliens aussi bien dans la pêche, la maçonnerie, l’artisanat, la couture, mais aussi dans l’administration politique et financière, dans l’architecture, la garde de phares…et la pharmacie relevant sur ce point que Lucia Campisi était la première femme pharmacienne en Tunisie, précisément à Beb Souika en 1903.

Pour retracer les sentiments, les conditions de vie, les rêves et les difficultés des siciliens de Tunisie de l’entre deux siècles, il donne la parole aux “représentants” de cette migration massive afin d’enrichir les points de vue sur les mouvements migratoires, la portée et la nature des échanges interculturels au sein de l’aire méditerranéenne d’hier et d’aujourd’hui.

Entre documentation et trame narrative, le livre illustré à la fin par des photos en noir et blanc, se veut avant tout « un hommage à la mémoire » mentionne Alfonso Campisi qui a découvert sa nouvelle patrie le 31 mars 2006 où l’intense odeur du pain dans une boulangerie au Bardo fut le premier véritable contact avec les Tunisiens et de toute une “orgie de vibrations, de sons, de couleurs, de lumières” pour vivre désormais dans cette terre tunisienne “le lieu de son âme”.