Quelque 200.000 petites et moyennes entreprises (PME) sont tombées en faillite en 2023 en raison de difficultés d’accès au financement, selon l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises (Anpme).  C’est un chiffre effrayant lorsqu’on imagine son corollaire le nombre des employés mis en chômage à cause de ces faillites, sachant qu’une PME emploie au minimum 5 à 10 personnes.

A l’origine de cette situation il y a,  principalement, les conséquences de crises exogènes : la pandémie du corona virus (2019-2021) , la guerre russo-ukrainienne et son impact négatif sur l’approvisionnement en céréales et hydrocarbures et les sécheresses qui se sont succédé durant cinq ans.

Les mesures gouvernementales seraient inefficientes

Parallèlement à ce désastre, le gouvernement, sans se préoccuper de solutions efficientes, s’emploie à tourner autour du problème en prenant des mesures classiques inadaptées à la gravité de la situation.

Parmi celles-ci, figurent la mobilisation de lignes de crédits dédiées aux PME et TPE. Ces modes de financements, en dépit de leur disponibilité,  sont boudées par l’écrasante majorité des pme tunisiennes pour deux raisons principales.

Premièrement, leur coût est très élevé en raison du risque de change et de  la parité euro-dinar  ou dollar-dinar. Le fonds public de risque de change géré par le ministère des finances n’aurait pas été d’aucun apport pour remédier la situation. L’enjeu consiste, donc,  à trouver une solution à cette problématique de couverture de change et à développer, à la limite, de nouveaux instruments en la matière.

Deuxièmement, seules les PME filiales des grands groupes peuvent en bénéficier en raison de la logistique managériale et technique des maisons mères.

Par ailleurs, les banques qui gèrent ces lignes de crédit ne font aucun effort pour communiquer sur ces financements. Et quant elles le font c’est pour en faire profiter, uniquement,  les PME de leurs gros clients.

L’Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE), qui s’est penchée sur l’évaluation des lignes de crédits destinées aux PME tunisiennes, a déploré l’inefficience de ces crédits et recommandé «une gestion de lignes moins complexes, moins longues et plus souples en simplifiant les processus d’instruction et enfin la mise en place d’une véritable stratégie de communication avec des moyens adaptés».

Au nombre des autres initiatives prises par le gouvernement en faveur du financement des PME, figurent la nomination d’un secrétaire d’Etat chargé exclusivement des PME et l’adoption, en février 2024,  d’une loi en faveur de la lutte contre l’exclusion financière.

Quand les institutions bloquent la création des banques de proximité

Paradoxalement, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) et le ministère des finances ont fait flèche de tout bois pour bloquer le projet de création d’une banque postale, une banque de proximité qui aurait pu résoudre les problèmes d’accès au financement des PME.

La BCT, sous le règne de son ancien gouverneur Marouane Abbassi, a tout fait pour que  ce projet de banque de proximité ne voie pas le jour pour sauvegarder la compétitivité des banques de la place et leur éviter la concurrence de ce nouvel établissement financier qui a fait ses preuves en France, au Japon et en Italie.

Le projet d’une banque postale n’était pas, également,  du goût du ministère des finances qui redoutait la perte des dépôts des comptes postaux d’épargne qu’il utilise jusqu’ici pour financer en partie le budget de l’Etat.

Face à ces blocages institutionnels, tout indique que seul le Président de la république, fort des pouvoirs absolus qui lui sont conférés,  peut trancher en faveur de la création de la banque postale qui rappelons-le n’est que le noyau de ce qui est communément appelé la banque régionale. Cette dernière pourrait regrouper la banque postale, la Banque tunisienne de solidarité (BTS) et la chétive Banque de Financement des Petites et Moyennes Entreprises (BFPME).

La mésofinance,  une 3ème voie de finance salutaire

Au rayon des solutions, l’organisation patronale, la Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie (CONECT) fait beaucoup de tapages ces derniers jours sur le mécanisme de la mésofinance qui constitue 3ème voie de la finance, se situant entre secteur bancaire classique et univers de la microfinance.

Les institutions de mésofinance apportent  des solutions à valeur ajoutée pour combler le «missing middle» ou chaînon manquant  qui existe  entre les banques traditionnelles et les institutions de microfinance. Elle est particulièrement adaptée aux TPE, aux PME et aux auto-entrepreneurs qui peinent à trouver des offres de financement adaptées à leurs besoins  et aux réalités de leurs activités.

L’offre de crédit des institutions de mésofinance est identique à celle offerte par les banques et les institutions de microfinance. Il s’agit, notamment, de découvert, crédit fonds de roulement, crédit d’investissement, escompte de traite, crédit d’urgence, crédit à la consommation….

Il n’existe pas d’agrément spécifique pour évoluer dans la mésofinance. Cependant, pour opérer en toute légalité, une institution financière devra être reconnue par les autorités réglementaires et rattachée soit à la réglementation bancaire ou là celle de la microfinance.

Cela pour dire in fine que la mésofinance qui commence à être développée dans de nombreux pays africains pourrait connaître des jours heureux en Tunisie au grand bonheur des de nos PME lesquelles, on ne le répètera jamais assez représentent plus de 80% du tissu économique du pays.