«Si c’était à moi de décider, je ne construirai plus de barrages et laisserai l’eau reprendre son cycle naturel», a déclaré Dr Raoudha Gafrej, experte internationale et conseillère en gestion intégrée des ressources en eau et en adaptation au changement climatique.

«Stocker les eaux de surface ne doit pas se faire au détriment de la recharge de la nappe phréatique et l’homme ne doit pas priver les autres espèces végétales et animales du droit à l’eau douce», a expliqué la scientifique qui plaide en faveur du respect du cycle naturel de l’eau, dans une interview réalisée au studio TV de l’agence TAP.

Pour Gafrej, ne pas retenir les eaux pluviales, ne signifie pas perdre de l’eau, au contraire, cela privilégie la recharge des nappes et par conséquent, permet de reconstituer le cycle de l’eau et de renouveler les stocks d’eaux souterraines. «Cela aide à réduire les crues, à lutter contre l’érosion et évidemment à avoir plus d’eau durant les périodes chaudes grâce au rechargement de la nappe pendant les périodes de précipitations importantes».

Gafrej estime qu’il faut se soucier plutôt de l’état des eaux souterraines, qui une fois surexploitées, se renouvellent très lentement ou même quasiment pas. Les eaux de surface sont assurées naturellement, en quantités stables sur la Terre grâce à un cycle naturel parfait. La terre continue à recevoir la même quantité d’eau depuis sa création. Ce qui a été modifié avec le changement climatique, c’est la répartition de cette eau sur les continents.

Il faut laisser l’eau de ruissellement reprendre son cours pour alimenter la nappe phréatique, où se trouve le premier stock d’eau douce sur terre, car une baisse de son niveau risque de compromettre la sécurité alimentaire, l’approvisionnement de base en eau, et la résilience face au changement climatique, développe l’experte. Elle dénonce, à cet effet, les forages de puits profonds anarchiques, dont le nombre a atteint 30000 forages, en Tunisie.

Revenant à la question du changement climatique, Gafrej a mis en exergue l’importance des eaux de ruissellement pour les écosystèmes marins, la photosynthèse et la sécurité alimentaire. Sur un autre plan, l’experte a précisé que laisser les eaux de ruissellement prendre le chemin vers les océans ne peut être que bénéfique pour l’homme et la biodiversité.

«Ces eaux sont vitales parce qu’elles transportent les sels minéraux nécessaires aux phytoplanctons, algues microscopiques responsables de la photosynthèse dans l’océan, comme en produit la végétation sur terre.

Ces organismes marins sont à la base de la chaîne alimentaire pour les poissons, les mammifères marins ou les coquillages. Ils produisent, aussi, de grandes quantités de dioxygène qui se dissout dans l’eau et dont une partie se retrouve après dans l’air que nous respirons, grâce aux échanges gazeux entre l’océan et l’atmosphère.

«Près de 50% de l’oxygène que nous respirons sont produits par les phytoplanctons qui absorbent également environ 25% du CO2 d’origine atmosphérique et anthropique (dû à l’activité humaine)», selon Gafrej, d’où l’importance de ces organismes dans la vie sur terre et donc leur dépendance de l’eau qui circule sur la terre.

Selon des scientifiques, le phytoplancton marin fixe autant de CO2 d’origine atmosphérique que tous les végétaux terrestres et donc sont vitaux pour la réduction de l’effet de serre et de la hausse des températures, résultant de l’activité humaine.