« Nous ne sommes pas une banque commerciale ou de détails, nous sommes là pour des projets d’investissement à coloration verte créateurs de richesses, des projets structurants utiles qui visent à améliorer la qualité de vie des habitants à créer des emplois et à préserver l’environnement. Nous ne soutiendrons jamais des projets à vocation financière » a déclaré Jean-Luc Revéreault, Chef de la représentation régionale de la Banque européenne d’investissement pour la Tunisie et l’Algérie, lors d’une conférence de presse tenue au siège de la BEI à Tunis.

BEI Tunis
BEI Réunion Presse

« La banque du climat » c’est ainsi qu’on a baptisé la BEI » pour laquelle la prise en compte des dimensions humaine, sociale et environnementale, est déterminante dans tout investissement. « Il est impératif de préserver la biodiversité et le climat et d’améliorer le social ». Avant d’accorder les financements, la BEI veille à s’assurer de la rentabilité du projet et de son impact sur l’environnement humain et naturel.

Plus que les prêts, la BEI propose des garanties, lesquelles n’ont malheureusement pas été prises en considération par les banques tunisiennes. Les garanties peuvent servir à rassurer les acteurs privés qui, à titre d’exemple, opèrent dans le photovoltaïque en prenant des engagements pour la vente d’électricité à la STEG et s’inquiètent quant à sa capacité d’honorer ses engagements financiers et en l’occurrence, la BEI offre des garanties qui couvrent les risques inhérents à des projets tels le photovoltaïque.

“La BEI est la banque du climat, et la prise en compte des dimensions humaine, sociale et environnementale est déterminante dans tout investissement.” – Jean-Luc Revéreault

Des financements de l’ordre de 92 millions d’euros ont été accordés à la Tunisie en 2023. Ils ont concerné la construction d’écoles, l’interconnexion électrique avec l’Europe et le soutien aux micro-entrepreneurs. Ceci en partenariat avec la Commission européenne. Le volume des décaissements a progressé de 47% soit 172 millions d’euros en 2023 afin d’accélérer la mise en œuvre des projets. Le déploiement d’expertises en faveur des secteurs de l’eau et assainissement, du transport et des réseaux électriques continu de plus belle et se poursuivra en 2024.

La notation triple A dont bénéficie la BEI lui permet d’accorder des prêts à des taux d’intérêt préférentiels « Les meilleurs du marché » de 3 à 4% à taux fixes sur 15 à 20 ans.

Grâce au panachage ou blending entre prêts et dons offerts par d’autres bailleurs et en prime les institutions de l’Union européenne, la BEI arrive à couvrir les besoins en financement de projets importants.

L’Egypte et le Maroc bénéficient de prêts plus importants que la Tunisie mais rapporté à la population et au PIB, c’est le pays qui a le plus bénéficié de prêts explique Jean-Luc Revéreault tout en rappelant qu’entre 2011 et 2017 un stock de prêts ont été signés et non décaissés soit un peu moins d’un milliard d’euros. Il précise qu’au cours des 10 dernières années, la Tunisie a signé pour des prêts de l’ordre de plus de 2,1 milliards d’euros. La BEI se dit, prête, à ce titre à décaisser les fonds alloués quitte à les orienter vers de nouveaux projets pour irriguer l’économie tunisienne. Cela dit, le rythme des décaissements des prêts est en train de progresser grâce à la mise en place par le gouvernement tunisien d’une commission chargée du suivi des projets retardés.

“La BEI propose des prêts à des taux d’intérêt préférentiels, les meilleurs du marché, de 3 à 4% à taux fixes sur 15 à 20 ans.” – Jean-Luc Revéreault

Aujourd’hui, 170 millions d’euros, le meilleur chiffre des 5 dernières années, ont été décaissés afin, entre autres, d’accélérer la réalisation des projets bloqués à cause de problèmes fonciers. La BEI a introduit une nouvelle pratique relative à l’indemnisation des préjudices indirects s’agissant d’expropriation légale, une pratique qui n’existait pas auparavant.

Parmi les projets les plus importants financés par la banque, la construction de 80 écoles modernes pour un montant de 80 millions d’euros dont 40 millions d’Euros en tant que prêt et une subvention de : 25 millions d’euros de l’UEE.

La BEI a aussi participé à hauteur de 45 millions d’euros dans le projet ELMED pour l’interconnexion électrique entre la Tunisie et l’Italie et dont le coût s’élève à 1 milliard d’euros. Le financement vient d’être bouclé et les appels d’offres pour le choix de l’opérateur qui posera les câbles sont lancés par la STEG. Tout se décidera courant 2024. Le dernier projet financé par la BEI en 2023 est l’octroi d’un prêt de 12 millions d’euros à Enda pour les micro crédits. Un prêt qui a bénéficié d’une subvention de l’Union européenne couvrant le risque de change.

Pour l’année 2024, les projets les plus importants seront orientés vers l’eau potable et l’assainissement, le soutien aux PME et TPE, l’appui à l’économie via des prêts accordés aux banques à travers le ministère des Finances. La BEI investira également dans les infrastructures de transport dont le dédoublement de la RN 13 reliant Sfax à Sidi Bouzid en partenariat avec la banque mondiale ainsi que dans la production et le transport de l’électricité.

“En 2023, la BEI a décaissé 170 millions d’euros en Tunisie, le meilleur chiffre des 5 dernières années.” – Jean-Luc Revéreault

Les relations avec les institutions tunisiennes sont bonnes. « Nous faisons preuve de beaucoup de flexibilité par rapport aux retards en ajoutant à chaque fois des avenants aux conventions initiales ».

Jean-Luc Revéreault a, répondant, à une question sur certaines positions de bailleurs de fonds européens, dont l’Allemagne, qui évoqueraient de possibles représailles « financières », en réaction à la posture tunisienne soutenant la Palestine face à la guerre sanguinaire menée par l’occupant israélien, assuré que la BEI fait de l’économie et n’intervient pas dans le politique. « Nous observons une position de neutralité et nous finançons tout le monde ».

Au cours des 10 dernières années, la Tunisie a signé pour des prêts de l’ordre de plus de 2,1 milliards d’euros

La BEI continuera à soutenir une économie résiliente et inclusive et à mobiliser des fonds pour la Tunisie. En 2023, elle a déployé des assistances techniques dans les secteurs de l’eau, du transport et de l’énergie. Une collaboration qui a permis d’octroyer 1,2 million d’euros à l’ONAS pour lui permettre de renforcer ses infrastructures d’assainissement, la SNCFT a aussi bénéficié d’un million d’euros pour l’électrification des trains.

Un autre projet aussi important sis à Tabarka et visant le stockage d’électricité par pompage turbinage a reçu un soutien financier de 1,5 million d’euros.

Ceci alors que les orientations économiques du pays ne sont pas des plus claires et les politiques adoptées à ce jour ne donne pas la visibilité nécessaire aux bailleurs de fonds et  aux différents parties prises internationales et même nationales dans la chose économique dans notre pays.

La BEI se dit, prête, à ce titre à décaisser les fonds alloués quitte à les orienter vers de nouveaux projets pour irriguer l’économie tunisienne.

Pour rappel, la BEI est l’un des principaux emprunteurs non souverains sur le marché des capitaux avec 50 à 60 milliards d’euros d’émissions obligataires par an. C’est une banque sûre qui bénéficie d’une notation triple A.

Les actionnaires de la BEI sont les 27 pays de l’UE et tous ses projets sont approuvés par le conseil d’administration. 10 % des investissements BEI se font à l’extérieur de l’Union européenne. La banque européenne d’investissement est présente en Tunisie depuis 1979, c’est dire l’ancienneté de ses liens avec notre pays qu’elle connaît bien, c’est peut-être ce qui fait qu’elle est toujours aussi engagée malgré le flou qui règne aujourd’hui sur nos politiques économiques. « Avant d’investir intelligemment sur les marchés, chacun devrait connaître au préalable les comportements historiques des différents types d’actions ou d’obligations sous l’influence de différentes conditions économiques, car nous pourrons les retrouver à l’avenir. » disait l’économiste américain Benjamin Graham, espérons que c’est le raisonnement que tient la BEI dans ses relations avec la Tunisie.

Amel Belhadj Ali