Le potentiel de la formation professionnelle pour la promotion d’objectifs économiques, sociaux et personnels est illimité. Une formation professionnelle performante permet à celles et ceux désireux de suivre les cursus qu’elle offre de disposer des compétences nécessaires pour contribuer à un travail qualifié dans l’économie. C’est ce que s’efforce de faire l’Agence tunisienne de la Formation professionnelle en offrant des formations à la carte en mettant en place de nouvelles filières répondant aux besoins du marché de l’emploi et aux demandes des entreprises au national et à l’international.

Le point avec Marouene Ben Slimene, DG de l’ATFP.

A ce jour, en Tunisie n’a pas exploité les capacités importantes du secteur de la formation professionnelles quoique des avancées sont en train d’être faites dont la création de nouvelles filières et la mise en place de nouveaux programmes dédiés aux jeunes. Qu’en est-il de l’offre ATFP ?

Je voudrais tout d’abord préciser que notre objectif en tant qu’agence sous tutelle du ministère de l’emploi est d’œuvrer pour une participation responsable des jeunes dans la vie économique en leur permettant de se réaliser professionnellement dans le respect de la dignité humaine.

Une formation professionnelle de qualité est une savante mixtion entre le théorique et le pratique. Aujourd’hui, nous considérons aussi le développement des compétences de vie comme indispensables dans la formation professionnelle.

En Tunisie, comme vous le savez, la formation n’est pas soumise à une limite d’âge. Elle peut démarrer à 15 ans et se poursuivre au delà de 45 ans. Si j’ai des groupes qui sont encore manquants nous pouvons accepter des stagiaires même de 70 ans et dans toutes les disciplines.

Vous luttez à travers vos centres également contre l’abandon scolaire

Il est malheureux de réaliser qu’en Tunisie, le phénomène de l’abandon scolaire s’est accru.

Attention, il n’est pas spécifique à notre pays, il est observé presque dans tous les pays du monde des plus développés aux moins développés. L’âge ciblé par nos centres s’étend de 12 à 14 ans, c’est une catégorie de jeunes qui ne bénéficient d’aucun encadrement. Ils ont quitté l’école et passent tout leur temps dans la rue avec tous les dangers qu’elle comporte, nous les prenons dans le cadre de l’école de la deuxième chance.

“Notre objectif en tant qu’agence est d’œuvrer pour une participation responsable des jeunes dans la vie économique en leur permettant de se réaliser professionnellement dans le respect de la dignité humaine.” – Marouene Ben Slimene, DG de l’ATFP

C’est un projet commun entre le ministère de la Formation professionnelle et le ministère de l’Education nationale. La première expérience pilotée par le ministère de l’Education a eu lieu à Tunis, à Bab El Khadra, la deuxième conduite par notre ministère à travers l’ATFP a lieu à Kairouan. Il y a un autre projet pour une école de la deuxième chance dans la région du sahel. Ces écoles ont une capacité d’accueil illimitée.

Comment vous faites pour assurer si le nombre dépasse la capacité d’accueil ?

Nous ne suivons pas les programmes classiques de l’éducation, parce que cette catégorie a rejeté d’elle-même les méthodes et les programmes scolaires traditionnels et si jamais nous reproduisons le même process, nous risquons les mêmes échecs.

Ce que nous tentons de faire est d’offrir à ces adolescents des activités culturelles, sportives, et un encadrement différent avec une assistance psychologique, une assistance sociale, des experts en développement personnel et des experts en soft skills.

Oui mais ces jeunes ont besoin aussi d’avoir une formation qui peut leur assurer un autre jour un travail et une intégration dans la vie socioéconomique du pays. Est-ce qu’ils intègrent ensuite des centres de formation ?

Si le jeune a arrêté ses études parce qu’il a rejeté le système, ce que nous pouvons faire nous, est de de le réintégrer dans le système d’apprentissage mais différemment. S’il a des problèmes familiaux ou psychologiques, nous l’aidons à s’en sortir, s’il est faible dans certaines matières, nous renforçons sa maîtrise des matières en question.

Le but, comme je l’ai mentionné plus haut est de ne pas laisser la rue se l’approprier. Comme vous le savez les risques de dérapage sont réels et l’oisiveté est mère de tous les vices !

“L’école de la deuxième chance est un projet commun entre le ministère de la Formation professionnelle et le ministère de l’Education nationale.” – Marouene Ben Slimene, DG de l’ATFP

Comment vous faites pour trouver les ressources financières pour ces centres sachant que l’Etat traverse de grandes difficultés financières ?

Les centres de Bab El Khadra et de Kairouan sont déjà fonctionnels. S’agissant du troisième centre, celui du Sahel, en tant qu’ATFP, nous n’avons mis aucun sous dedans. Nous avons obtenu un don de la Grande Bretagne à travers l’Unicef. Il y a aussi un autre centre qui intéresse et qui offre de nouvelles chances aux 20/25 ans. Il est financé par le PNUD.

Nous savons qu’il y a un déficit de l’apprentissage des langues chez les jeunes, comment comptez-vous dispenser le savoir à des jeunes qui ne maîtrisent aucune langue internationale ?

Dans nos centres, ceux de l’ATFP créés depuis des décennies, il y a systématiquement des enseignants qui donnent des cours en langues étrangères, c’est impératif.

Quand nous menons une action financée par les bailleurs de fonds, ce sont eux-mêmes qui mettent à notre disposition les formateurs dans leur propre langue. Lors de notre dernière action touchant des jeunes formés dans le BTP, ce sont les Italiens eux-mêmes et le groupement des professionnels italiens qui ont financé la formation linguistique. Les candidats devraient partir en Italie munis de contrats de travail et de visas. Le transport et le séjour sont à la charge de leurs employeurs en Italie.

“Le but est de ne pas laisser la rue se les approprier. Comme vous le savez les risques de dérapage sont réels et l’oisiveté est mère de tous les vices !” – Marouene Ben Slimene, DG de l’ATFP

En ce qui concerne les centres ATFP qui ne disposent pas d’enseignants en langue, nous nous orientons vers la formation à distance ou alors la formation en boucle. Dès que la plateforme d’apprentissage sera mise en place, nous solliciterons nos bailleurs de fonds pour qu’ils mettent à notre disposition des enseignants dans les langues maternelles, le Français, l’Anglais, l’Italien et l’Allemand. Nous préférons cette formule pour que nos apprentis maitrisent l’accent et la prononciation de la langue d’origine.

Il y a des formations que vous avez mis en place et qui sont des formations à la carte, ou en êtes-vous à ce propos ?

Cette semaine, nous lançons les sessions de formation en fibre optique à Borj Cedria. C’est dans le cadre de la coopération suisse. A Khniss dans le gouvernorat de Monastir, il y aura la formation en industrie 4.0. La soudure est très demandée comme spécialité et la prochaine action se fera avec les Italiens.

Nous allons leur envoyer 100 jeunes spécialisés en soudure. Quand nous parlons de conventions entre un organisme public et des organismes étrangers, nous insistons sur les garanties et les avantages telle une formation supplémentaire en langue et en civilisation italienne, une bourse durant la période de la formation professionnelle qui dure deux mois, la garantie de l’octroi du visa, les frais de transport, les frais de séjours pour les premiers temps et les contrats signés en amont avec l’employeur italien avec la fixation du salaire.

Et par rapport au marché national, vous traitez directement avec les chambres patronales ?

Nous ne pouvons lancer des formations qu’en étant sûrs que le marché du travail en a besoin.

Si j’annonce l’ouverture de sessions de formation dans la fibre optique à Borj sedria, je ne peux le faire qu’à la suite d’une demande claire et insistante d’un groupement professionnel.

Généralement, nous démarrons par des négociations avec les bailleurs de fonds, nous signons un accord de principe pour le financement de la formation et nous nous lançons.

Parfois, les professionnels exigent un apprentissage minimal. Par exemple, j’ai un CAP en couture, je ne peux pas proposer aux professionnels qui ne veulent pas de cadres moyens parce que tout simplement les apprenants ne seront pas embauchés.

“Nous ne pouvons lancer des formations qu’en étant sûrs que le marché du travail en a besoin.” – Marouene Ben Slimene, DG de l’ATFP

Le titulaire d’un CAP doit occuper le poste de chef d’atelier, alors que l’industriel préfère que ce poste soit pourvu parmi ses ouvriers les plus qualifiés. Il préfère prendre un niveau inférieur, le former sur terrain et permettre sa promotion sur place et non pas un nouveau diplômé pour le nommer directement chef d’atelier.

C’est la raison pour laquelle nous préférons ne pas opter pour des niveaux supérieurs dans certaines spécialités. Nous formons les jeunes pour les préparer à la vie professionnelle et pour qu’ils trouvent de l’emploi et non pour qu’ils restent chômeurs. Notre rôle essentiel est la formation professionnelle pour l’emploi et sans emploi nous n’en aurons pas besoin, c’est la finalité de la formation professionnelle.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali