Importateur d’hydrocarbures, la Tunisie, qui achète au prix fort en devises, 50% de ses besoins en la matière à l’étranger, pourrait, contrairement à des projections initiales alarmantes prévoyant une flambée des prix pour 2023, pourrait profiter d’un renversement inattendu des tendances du marché lesquelles pronostiquent une baisse significative du cours mondial de l’énergie fossile, au cours du même exercice.

A l’origine de cette très bonne nouvelle, les répercussions attendues de la panique bancaire due aux faillites de deux importantes banques américaines, Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank, entraînant dans leur sillage la débâcle de la banque Crédit Suisse et pas moins de 200 autres banques de petites et moyennes tailles, du moins si on se réfère aux dernières nouvelles.

Au commencement des projections à la hausse

Selon des analystes financiers crédibles, cette nouvelle crise bancaire qui intervient après celle de 2008, va impacter, en 2023, la croissance et générer un ralentissement économique, avec comme corollaires plausibles : une forte baisse de la demande mondiale d’hydrocarbures et une réduction des cours mondiaux.

Sur la base de cet éventuel scénario, l’ensemble des prévisionnistes ont été amenés à réviser à la baisse leurs projections pour 2023.

A titre indicatif, la banque d’investissement américaine, Goldman Sachs avait prévu, au mois de janvier 2023 que les prix du pétrole pourraient atteindre les 105 dollars le baril au cours de cet exercice.

Pour sa part, Pierre Andurand, patron du Fonds spéculatif spécialisé dans l’énergie pétrolière, Andurand Capital Management LLP, a prévu, au cours de la même période un prix de baril de 140 dollars pour 2023.

Ces prévisions étaient, principalement attribuées, à deux facteurs : la décision prise, au mois d’octobre 2022 par l’OPEP, en vue de réduire la production de pétrole de 2 millions de barils par jour et la réouverture-reprise, en 2023, de l’économie chinoise ce qui suppose un rebond de la demande chinoise en énergie à mesure que la pandémie de Covid-19 se dissipe.

Renversement inattendu de la situation

Seulement, avec les récentes turbulences économiques, générées par l’actuelle panique bancaire qui vont, logiquement, avoir un impact significatif sur les prix du pétrole, Goldman Sachs a revu à la baisse ses prévisions de prix du pétrole pour le reste de l’année.

La Banque table désormais sur un prix de 94 dollars pour les 12 prochains mois. Pour 2024, les analystes de Goldman Sachs envisagent un prix de 97 dollars le baril de Brent, variation de pétrole brut faisant office de référence en Europe devenue le premier standard international pour la fixation des prix du pétrole.

Abstraction faite de ces projections fort prudentes des prévisionnistes et de leur tendance à réviser leurs projections, le marché de l’énergie a déjà réagi à cette panique bancaire.

Au cours de la semaine qui a suivi la faillite des deux banques américaines, le marché pétrolier a connu une chute abrupte, provoquant sa pire performance depuis le début de l’année.

Et pour cause, le prix du baril a baissé de 80 dollars à moins de 75 dollars pour le Brent, tandis que le West Texas Intermediate a chuté à près de 65 dollars.

Une perche de salut pour la Tunisie

Cela pour dire que la Tunisie qui a calculé son budget économique pour 2023 sur la base d’un prix de baril de 89 dollars contre 75 dollars en 2022 pourrait en tirer le meilleur profit et atteindre, au moins, deux objectifs majeurs.

Il s’agit globalement de bénéficier d’une réduction significative de sa balance courante, de soulager en conséquence les finances publiques et de disposer d’une marge de temps inespérée pour réformer, en ces temps durs, la gouvernance du secteur de l’énergie.

L’accent devrait être mis normalement sur l’accélération du développement des énergies renouvelables et sur la réforme de la gouvernance de deux entreprises publiques en charge de ce secteur : l’Entreprise tunisienne des activités pétrolières (ETAP) et la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR).

Est-il besoin de rappeler, comme l’a fait remarquer, lors d’une conférence de presse consacrée à la présentation des résultats d’une étude sur « les dessous des contrats de carburant en Tunisie », l’expert en énergie, Ghazi ben Jemii, Il y a un manque flagrant de coordination entre la STIR et l’ETAP concernant l’exploitation de la production pétrolière nationale.

D’après l’expert, « la Tunisie produit du pétrole brut de haute qualité et l’exporte à bas prix en échange de l’importation de matières pétrolières par la STIR à des prix élevés ». Le moins qu’on puisse dire, c’est le summum de l’incohérence.

Morale de l’histoire : le moment est plus que jamais venu pour mettre de l’ordre dans ce secteur.

Abou Sarra