« Il y a trois ans, nous avons déposé une requête auprès du Conseil de la Concurrence pour lui dire qu’il y a une concurrence déloyale, qu’il y a une activité, qui ne fait pas partie des prérogatives de la Poste tunisienne, qu’elle est pourtant en train d’exercer mais notre requête a été royalement ignorée. Nous réalisons à quel point le secteur privé est dédaigné si ce n’est honni dans notre pays. C’est simple, nous n’avons pas voix au chapitre et nous réalisons de plus en plus qu’investir en Tunisie est devenu un acte de grand courage ».

Cette citation est de Slim Ben Ammar, président de la chambre nationale des émetteurs des titres repas et de services relevant de l’UTICA, et un grand acteur dans les activités des tickets repas, cadeaux et restaurants. Ce qu’il dit exprime les pensées de nombre d’opérateurs privés dans le secteur qui essuient les déboires de l’entrée en force de la Poste tunisienne sur le marché !

La mission de la Poste tunisienne est-elle de vendre les services de tickets repas à d’autres usagers autres que ses propres agents, ou devrait-elle se concentrer plus sur son cœur de métier ?

Devenir un opérateur important sur le marché des tickets repas alors que cela n’est aucunement dans la mission de la poste, n’est-ce pas profiter d’une position dominante ? N’est-ce pas, comme on en parle dans le droit, une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui agit comme bon lui semble, de façon indépendante vis-à-vis de ses concurrents, des clients ou des consommateurs ?

Le laxisme du Conseil de la Concurrence tunisien vis-à-vis des pratiques de la Poste tunisienne, ne semble pas rassurant et ne peut que prêter à confusion s’agissant d’une institution qui doit observer une neutralité totale dans le respect du droit et de l’Etat de droit. La justice est aveugle et on ne peut faire fi des principes basiques de la libre concurrence.

Pour rappel, la poste tunisienne, c’est un réseau de 1200 bureaux de postes couvrant tout le territoire national. Elle a accès à l’inter-bancarité, alors que les opérateurs des tickets repas, cadeaux et restaurants, doivent conclure des accords, signer des contrats avec la SMT (Société Monétique Tunisie) et négocier avec les banques.

« Les banques n’ont pas voulu entrer dans les activités des tickets repas parce que ce n’est pas leur métier alors pourquoi la Poste ? Aujourd’hui, il y a des clients qui ont choisi de se doter des prestations repas auprès de la Poste. Ils sont environ 30.000 ou 35.000 bénéficiaires des services en question et au train où vont les choses, on se demande si nous pourrions résister longtemps alors que nous avons enclenché les programmes de digitalisation de nos services ».

La poste a aussi un autre avantage, celui de « cartes magnétiques repas » ce qui la met en position de supériorité par rapport aux autres opérateurs.

Surprenant !

A notre connaissance, les activités principales de la Poste consistent en la collecte, le transport et la distribution de courrier, l’exploitation et la fourniture de services financiers, livrets d’épargne, comptes courants postaux, produits d’assurance, production et vente de timbres et services informatiques. Si l’on suit cette même logique, nous pourrions bien voire un jour la Poste tunisienne concurrencer les industriels du textile sous prétexte qu’elle offre des uniformes aux postiers et aux agents de comptoir ou se lancer dans la restoration pour être sûre que les repas fournis à ses employés munis des cartes dédiées soient bien préparés ! (Sic).

« Nous n’avons pas les moyens de la Poste tunisienne, explique Slim Ben Ammar, et aucun des acteurs du marché n’a ses moyens-là. Nous ne cessons d’envoyer des requêtes au Conseil de la Concurrence et nous attendons. Tout ce que j’espère aujourd’hui est que le cadre réglementaire mis en place par le ministère du Commerce en partenariat avec la profession ne soit pas bloqué parce que le ministère des Technologies des Télécommunications veut protéger les intérêts de la poste qui ne répondent à aucune règle concurrentielle. Ceci portera un coup fatal à notre métier ».