La disponibilité annuelle moyenne des ressources en eau par an et par habitant dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) tombera sous le seuil de la “pénurie absolue de 500 mètres cubes” d’ici 2030, a révélé la Banque mondiale (BM) dans un rapport publié jeudi 27 avril 2023.
Les pays de cette région, dont la Tunisie, sont exposés à une pénurie d’eau “sans précédent” qui deviendra “plus aiguë” à mesure que la population augmentera, selon ce rapport intitulé “Aspects économiques de la pénurie d’eau au Moyen-Orient et en Afrique du Nord : Solutions institutionnelles”.
A en croire la BM, une estimation “prudente” de la demande d’eau en 2050 montre qu’il faudrait mobiliser 25 milliards de mètres cubes supplémentaires annuellement, “ce qui équivaudrait à construire 65 usines de dessalement de la taille de celle de Ras Al-Khair en Arabie saoudite, actuellement la plus grande au monde”.
Déléguer la prise de décision à des administrations représentatives à l’échelle locale
Pour faire face au stress hydrique, le rapport recommande aux pays de la région de ne plus se contenter de s’appuyer sur une stratégie d’investissement dans les infrastructures hydrauliques (barrages, usines de dessalement…) dans le but d’accroître l’approvisionnement en eau, sans traiter de manière adéquate les problèmes critiques liés à l’efficacité et la gouvernance.
Le rapport assure que la moitié des services publics en charge de l’eau ont indiqué que plus de 30% de l’eau produite n’est pas facturée aux clients en raison à la fois des fuites dans les canalisations, de l’inefficacité des compteurs d’eau et des branchements illégaux.
Par conséquent, les auteurs du rapport soulignent l’impératif d’opérer des réformes institutionnelles afin de financer et d’entretenir ces infrastructures et de réguler la demande. Ils proposent de déléguer aux services d’eau professionnels et aux organismes techniques nationaux d’une part, et aux collectivités locales d’autre part, “une plus grande autonomie et des pouvoirs stratégiques plus importants” pour gérer les différents aspects des services d’eau et de l’attribution des ressources en eau.
Les institutions en place qui gèrent l’attribution des ressources restent “fortement centralisées et technocratiques, ce qui limite leur capacité à opérer des arbitrages en matière d’utilisation de l’eau au niveau local”.
Ces réformes sont “nécessaires” pour accroître l’autonomie et décentraliser les décisions concernant la gestion de l’eau et la prestation de services, mais aussi pour renforcer la légitimité de la tarification et de la réglementation de l’eau.
Pour mener à bien ces réformes, la Banque mondiale insiste sur l’importance d’engager une meilleure communication avec les citoyens sur la pénurie d’eau et les stratégies nationales de l’eau.
A ce titre, la BM évoque l’exemple du Brésil et de l’Afrique du Sud qui ont eu recours à une campagne de sensibilisation visant à réduire la consommation d’eau. Dans la ville du Cap par exemple, les autorités municipales partageaient un “tableau de bord de l’eau”, qui donnait des informations hebdomadaires sur la consommation totale d’eau dans la ville alors qu’elle approchait du “jour zéro” (moment où les ressources en eau devaient être totalement épuisées).
Cette “transparence” de la part des élus locaux a réussi à convaincre les habitants de l’urgence de la situation et les a rendus plus susceptibles de se conformer aux restrictions et à adhérer aux réformes.
En somme, ces réformes institutionnelles sont de nature à aider les gouvernements à renégocier le contrat social avec les populations de la région MENA, estime l’institution de Bretton Woods.
“Plutôt que de fixer les tarifs de l’eau et de réglementer l’utilisation de cette ressource par des directives verticales, déléguer plus de pouvoirs aux organismes techniques de gestion des ressources en eau, aux services publics et aux collectivités locales pourrait renforcer la légitimité de l’Etat ainsi que la confiance dans sa capacité à gérer la pénurie d’eau”, conclut la BM.