Aussi paradoxal voire anormal que cela peut paraître, la Chine veut rester “pays pauvre“, dans la classification de la Banque mondiale et de l’ONU. C’est anormal, dans le sens où les pays du monde préfèrent le vocable “pays développé“ en lieu et place de “pays sous-développé“.

Au passage du reste, on rappellera la bataille des pays dits “sous-développés“ essentiellement africains, dans les années 70’ du siècle dernier, pour supprimer ce qualificatif qu’ils jugeaient alors “dégradant“ et “vilain“.

Pour le cas de la Chine, les Américains –encore eux- ont perçu ce stratagème de l’Empire du Milieu. En effet, il y a quelques jours, « la Chambre des représentants des Etats-Unis a adopté, à l’unanimité, une loi visant à priver la Chine de son statut de pays en voie de développement ». C’est ce que rapporte France24, dans un article titré « Pourquoi les Etats-Unis veulent élever la Chine au rang de pays développé ».

“PRC Is Not a Developing Country” (la République populaire de Chine n’est pas un pays en voie de développement), est le nom de la cette loi qui se trouve désormais sur le bureau de la commission des Affaires étrangères du Sénat.

Bien en tendu, cela est loin de plaire aux Chinois. Bizarre non! En effet, un article du China Daily (organe de presse officiel du Parti communiste chinois, cela dit en passant), publié le 3 avril 2023, indique que « c’est un nouvel exemple de la volonté américaine de contenir économiquement, politiquement et diplomatiquement la Chine ».

Le South China Morning Post, quotidien hongkongais considéré pourtant plus indépendant, abonde dans la même direction : « cela va être interprété comme une ruse américaine pour étouffer le développement chinois ».

En cas d’adoption de la loi par le Senat, le secrétaire d’Etat, Anthony Blinken, aura pour mission de «… convaincre les grandes institutions comme la Banque mondiale, les Nations unies ou encore le Fonds monétaire international, que la Chine n’est plus un simple pays en voie de développement ».

Et cela se comprend, car la Chine est la deuxième plus grande économie du monde, représentant 18,6 % de l’économie mondiale, derrière les États-Unis qui, eux, sont considérés comme un pays développé. Par voie de conséquence, l’Empire du Milieu devrait l’être également, estime une élue républicaine.

Nos confrères de France24 rappellent toutefois que la bataille pour faire rentrer la Chine dans le club des pays à revenus intermédiaires, voire carrément des pays dits développés, a commencé avec l’ancien maître de la Maison Blanche, Donald Trump. Ce dernier «… accusait (en 2019Pékin de tricher avec les règles du commerce international et, quelques mois avant de perdre l’élection présidentielle de 2020, il répétait qu’il voulait ôter à la Chine ce statut de pays en développement ».

Malgré tout l’amour qu’on peut avoir pour la Chine, on ne peut pas ne pas accorder un crédit aux arguments américains.

D’ailleurs, Jean-François Dufour, expert de l’économie chinoise et cofondateur de Sinopole, un centre de ressources sur la Chine, s’interroge, surtout que «… les raisons de classer la Chine dans la catégorie des pays dits riches ne manquent pas. Il ne s’agit pas que d’une histoire de PIB ». Il dit ceci : « Est-ce qu’on peut considérer qu’un pays en voie de développement peut aussi être la première puissance industrielle au monde, et le deuxième exportateur de voitures ? ».

Et même en regardant les programmes d’investissement de la Chine à l’étranger (les Nouvelles routes de la soie) ou pour la modernisation de son armée, ce n’est pas un fait d’un pays en voie de développement.

L’analyse montre que la Chine veut rester pauvre sur le papier, mais être un pays industrialisé dans les faits. Et par temps de brouille économique et diplomatique, cela finit par agacer … Outre Atlantique, notamment.