Dans un communiqué, la présidence du gouvernement indique la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, a présidé, samedi 10 décembre 2022, une séance de travail consacrée à l’examen de grands projets publics, dans les domaines de l’infrastructure et du transport, particulièrement le projet du Port en eaux profondes et la zone des services logistiques d’Enfidha.

Parfaite illustration de manque de communication du gouvernement depuis, ce communiqué ne nous apprend pas grand-chose sur l’effectivité de l’évolution du projet en eaux profondes (PEP), projet en stand-by depuis 2007, soit environ 16 ans déjà.

Le port en eaux profondes d’Enfidha demeure une idée

Le communiqué ne reprend même pas les quelques éléments d’informations fournis sur ce sujet au mois d’octobre 2022 par le ministre du Transport, Rabii Majidi, quand ce dernier a annoncé la publication à la fin du mois (octobre) le nom de l’entreprise qui devait réaliser le premier lot de ce mégaprojet, précisant que «trois offres proposées par trois groupements de grandes entreprises internationales spécialisées dans la construction portuaire ont été retenues».

Il faut admettre que beaucoup de zones d’ombre entourent ce mégaprojet, ce qui rend difficile toute décision de la part du gouvernement actuel. Tout semble indiquer que seul le chef de l’Etat, Kaïs Saïed, peut faire quelque chose dans ce sens.

La Tunisie aurait la logistique la plus faible de la région

Au même moment, des rapports mondiaux en matière de logistique portuaire continuent de classer la Tunisie dans les derniers rangs. Ainsi, l’“Etude sur les transports maritimes 2022“ de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (CNUCED), publiée le 29 novembre 2022, indique que l’indice de connectivité des transports maritimes réguliers de la Tunisie continue de se dégrader depuis de plus d’une décennie. Il est ainsi passé de 10,06 au troisième trimestre 2011 à 5,53 au troisième trimestre 2022.

Cet indice prend en compte cinq éléments : le nombre de navires, la capacité de charge de conteneurs de ces navires, le tonnage maximal des navires, le nombre de services et le nombre de compagnies qui exploitent des porte-conteneurs à partir et en direction des ports d’un pays.

Ces données relayent celles de la deuxième édition de l’Indice mondial de performance des ports à conteneurs (CPPI) produit par la Banque mondiale et S&P Global Market Intelligence publié fin 2021.

Ces données nous apprennent que le port de Radès, qui assure 80% du trafic de conteneurs du pays et constitue un maillon majeur d’intégration de la Tunisie dans les chaînes de valeur mondiale, ne jouit pas d’un bon classement à l’échelle internationale.

En effet, ce dernier figure à la 232ème place avec un score de -0,821 selon une approche «technique» de la performance portuaire (agrégation des heures d’arrivée et d’accostage), et à la 237ème place avec un score de -0,164 selon une approche «statistique» de la performance portuaire (une approche prenant en considération les infrastructures, le savoir-faire des salariés, etc.) sur un classement comprenant 370 ports.

Il faut dire que la mauvaise gestion de ce port fait l’objet, depuis des décennies, de critiques sévères de la part des bailleurs de fonds et des hommes d’affaires tunisiens.

A rappeler que, par l’effet des surestaries – indemnités que l’affréteur doit payer au propriétaire du navire dans un  affrètement au voyage quand le temps de chargement et/ou déchargement dépasse(nt) le temps de planche prévu dans le contrat de voyage -, ce port génèrerait pour l’Etat tunisien un manque annuel de plus de 1 milliard de dinars.

Aucun responsable politique n’est parvenu, jusqu’ici, à résoudre la problématique du port commercial de Radès.

D’ailleurs, les dernières mesures prises le 9 décembre 2022 par le ministre du Transport, Rabii Majidi, pour améliorer l’exploitation du port ne seraient que du réchauffé et sans aucune efficacité.

Ces mesures dites d’“urgence“ consistent essentiellement à décongestionner le port : levée du matériel non utilisé, augmentation des machines de levage et de vidage, aménagement des espaces consacrés au contrôle des remorques, entretien de certains espaces dans les zones de stockage, relance du système de gestion automatique des conteneurs et des remorques (TOS), inauguré pourtant en 2019….

Cela pour dire que sans une véritable volonté politique et sans une stratégie globale devant générer une réelle réforme des six ports commerciaux du pays, ce port (Radès), à travers lequel transitent 80% des échanges extérieurs de la Tunisie, sera toujours le maillon faible de la logistique portuaire…

D’où l’enjeu de hâter la réalisation du Port en eaux profondes d’Enfidha et de l’accompagner par une réforme devant favoriser la spécialisation du reste des ports commerciaux.