Les détracteurs de la loi de finances 2023 augmentent au rythme de l’augmentation des impôts et des mesures drastiques qui y figurent. Les derniers à s’insurger sont les distributeurs de boissons alcoolisées.

L’instauration d’une avance sur impôt au taux de 10% aux acquisitions faites par les distributeurs de boissons alcoolisées, de vins et de bières serait fatale, d’après les opérateurs dans ce secteur : «100% des bénéfices de ces entreprises ne représenteront que 50% de cette avance prévue sur impôts de 10%. Il faudra aller chercher les autres 50% dans le capital. Les plus costauds résisteront peut-être 2 ans, les autres mettront les clefs sous le paillasson au bout de la première année ».

Parlons vrai ! Cassons les tabous ! La Tunisie est un pays où l’alcool coule à flot. D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), elle occupe la 1ère place en tant que pays arabo-musulman et la 9ème mondiale en termes de consommation d’alcool avec une moyenne par personne de 12,92 litres par an.

Il aurait été préférable que l’Etat instaure une petite taxe pour créer un fonds de lutte contre l’alcoolisme qui est en train de sévir aujourd’hui chez les jeunes de plus en plus consommateurs d’alcool au lieu de prendre des mesures paralysantes pour le secteur et à terme risquée pour la santé publique.

Chiffres à l’appui, il explique que les marges réalisées par les sociétés au stade de vente en gros se situent en moyenne aux alentours de 15% du chiffre d’affaires

« Au-delà du fait que l’instauration d’une telle avance ne résout en rien le problème de l’évasion fiscale au niveau du secteur, nous considérons que le taux retenu est un taux fantaisiste en déconnexion totale avec la réalité économique des sociétés du secteur », estime Hamdi Dami, président de la Chambre nationale des commerçants grossistes de boissons.

Chiffres à l’appui, il explique que les marges réalisées par les sociétés au stade de vente en gros se situent en moyenne aux alentours de 15% du chiffre d’affaires (hors taxes). Le taux de marge nette avant impôt, soit (Résultat avant IS/Chiffre d’affaires HT) se situe en moyenne aux alentours de 5% du chiffre d’affaires HT. «Des taux qui peuvent varier en fonction de la répartition du chiffre d’affaires entre bières, vins et liqueurs (marges substantiellement différentes), ou encore la structure de charge (masse salariale, ancienneté du personnel, moyens de transport, zone d’implémentation, etc.). Toutefois, nous estimons que les taux présentés plus haut peuvent être considérés comme des moyennes sectorielles très proches de la réalité des sociétés du secteur.

Risques sur la santé publique

L’instauration d’une avance au taux de 10% des achats HT provoquera, selon Hamdi Dami, un crédit d’IS chronique non résorbable, d’au moins 9,12% des achats annuels HT (et de 7,75% du chiffre d’affaires HT) puisqu’il touchera aussi les achats en stock à la date de clôture de l’exercice fiscal.

L’autre risque serait que les mafias de la contrebande et du commerce parallèle profitent de cette manne pour occuper le terrain…

Le président de la Chambre considère la mesure prise par le ministère des Finances anticonstitutionnelle, puisqu’elle rompt le principe d’équité fiscale entre les contribuables et prévient quant au risque que le crédit d’IS artificiel, mène à la cessation de paiement et à la faillite des sociétés de distribution au stade de gros. On ne se serait pas pris autrement si l’on avait voulu prohiber la vente et la consommation d’alcool.

L’autre risque serait que les mafias de la contrebande et du commerce parallèle profitent de cette manne pour occuper le terrain, sans oublier les fabricants de l’alcool frelaté et les risques sur la santé des consommateurs potentiels.

Nous en avons vécu l’expérience un 27 mai 2020 à Kairouan lorsqu’à l’hôpital de Kairouan, a eu à sauver de la mort 66 jeunes souffrant d’intoxication à cause de la consommation d’alcool frelaté (Méthanol mélangé à de l’eau de Cologne), et les familles ont dû pleurer leurs enfants au nombre de 7, décédés des suites de l’ingurgitation de ce produit.

Pareilles décisions et mesures dont on n’évalue pas l’impact sur le tissu économique, la stabilité sociale, les équilibres financiers des entreprises et dans le cas présent, sur la santé publique nous semblent improvisées, non étudiées et orientées vers un seul objectif : remplir les caisses vides de l’Etat.

la SFBT s’est acquittée en 2021 de 27,07 millions de dinars d’impôt sur les sociétés, 3,44 millions de dinars d’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers

Soi dit en passant, la ministre des Finances sait-elle qu’elle est en train de tuer la poule aux œufs d’or? Un des secteurs les plus pourvoyeurs en taxes et en impôts est celui de la production et de la distribution de boissons dont celles alcoolisées.

Un exemple édifiant, celui de la SFBT (Société de fabrication des boissons de Tunisie) qui s’est acquittée en 2021 de 27,07 millions de dinars d’impôt sur les sociétés, 3,44 millions de dinars d’impôt sur les revenus des capitaux mobiliers et 1,80 million de dinars de contribution de solidarité sociale. Ses revenus se sont élevés à 736 millions de dinars dont 541,01 millions de dinars réalisés par les ventes de la bière.

No comment !

Amel Belhadj Ali