Au moment où syndicalistes, patrons, bailleurs de fonds (FMI…) et autres think tank se contentent, en prévision de la loi de finances 2023, de dénoncer, à gorge déployée, l’iniquité et la complexité fiscales qui prévalent en Tunisie, Mohamed Jarraya, expert en économie et président de l’observatoire «Tunisia Progress», suggère un projet qu’on pourrait qualifier d’“innovant“ et de “pragmatique“ à même de simplifier le système fiscal tunisien. Il s’agit d’«une fiscalité sectorielle».

Pour l’expert, le moment est venu « pour faciliter le système fiscal qui est devenu énigmatique même pour les grands experts et même pour les anciens de l’administration ».

Une proposition innovante

« On a un arsenal fiscal très compliqué. Des textes et des sous-textes, pourquoi ne pas se lancer dans une réforme simplifiée et remplacer tout le système de taxation et d’impôt par une taxe sectorielle. On prend un secteur on lui dit : “voilà, vous avez à payer une TVA et un impôt sur les sociétés (IS) et basta“. Bien sûr les secteurs les plus rentables supporteront un peu plus dans le cadre de la répartition des richesses, et les secteurs un peu lésés, voire un peu à l’étroit, supporteront moins d’impôts», a-t-il-déclaré lors d’un récent débat organisé par le magazine L’Economiste Maghrébin.

Les avantages seraient multiples, d’après lui. «En contrepartie, on aura une fiscalité simplifiée, avec comme corollaires, moins de problèmes dans le redressement fiscal, moins de problèmes de contrôle et moins de complexité», a-t-il dit.

Il faut reconnaître qu’il n’est pas le seul à réclamer la simplification du système fiscal en Tunisie. L’expert, qui n’a pas précisé dans quel pays cette expertise de fiscalité sectorielle aurait été développée avec succès, relaie une recommandation faite le 29 novembre 2022 par le Conseil national de la fiscalité lors de sa réunion avec la ministre des Finances, Sihem Boughdiri Nemsia.

Le conseil – composé de l’Organisation professionnelle des conseillers fiscaux, UTICA, UTAP, UGTT, UNFT, CBF (banques), FTH, OECT, Ordre national des avocats, Organisation professionnelle des comptables – a appelé vaguement à simplifier les mesures fiscales du PLF 2023, à unifier les taux et à adapter la législation fiscale pour soutenir les entreprises et les secteurs productifs, améliorer le climat des affaires et moderniser les services.

Le mal est dans la promulgation de lois inapplicables

La question qui se pose dès lors est de savoir si la ministre des Finances va réagir positivement ou non à ces réclamations ô combien justifiées. Mais compte tenu du parcours de la responsable, il faut s’attendre une réponse négative. Elle et l’équipe qui l’entoure, confrontées au rétrécissement des fonds publics, semblent avoir fait de la super-complexité du système fiscale et de son inapplicabilité un mécanisme pour perdurer.

D’ailleurs, durant la période 2011-2021, quelque 800 dispositions fiscales ayant valeur de lois n’ont pas été appliquées. Ce chiffre a été cité par les participants à un séminaire organisé, le 9 décembre 2022, sur la justice fiscale en Tunisie par l’association I Watch, à l’occasion de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la corruption.

Cela pour dire que cette tendance à promulguer des lois inapplicables est érigée en véritable choix de gouvernance pour servir les intérêts non avoués de certains partis politiques, gouvernants et groupes de pression.

A bon entendeur.