La pièce ” Bercail ” du metteur en scène sénégalais Arona Ba fouille dans les séquelles d’une histoire douloureuse et la traite négrière ayant affecté le Continent noir et l’humanité entière.

Cette pièce en lice pour le Tanit d’or des 23èmes Journées Théâtrales de Carthage (JTC), a été présentée, mardi, au Théâtre du 4ème en présence de l’ambassadrice du Sénégal en Tunisie, Ramatoulaye Ba Faye, et de représentante du ministère sénégalais de la culture.

Le Sénégal est l’invité d’honneur de cette 23ème édition des JTC qui fêtent leur 39ème anniversaire du 3 au 10 décembre 2022. Le festival rend hommage à un théâtre d’expression française et à une grande figure du Sénégal et du continent africain Léopold Sédar Senghor.

La TAP a eu une rencontre avec le metteur en scène et membre de la compagnie ” Rescap’art ” productrice de Bercail. Arona Ba qui est “l’administrateur, le manager et le metteur en scène de Rescap’art a présenté un travail collectif grâce à la contribution de membres de la compagnie.

Aux JTC 2018, ” Rescap’art ” titre de la première pièce de la compagnie, avait eu le prix de la diversité culturelle de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). En 2021, la compagnie avait participé par une pièce sur l’immigration clandestine, ” De A à Z ” d’Aminata Yacine.

“Bercail” est mise en scène d’après un texte de Balla Diop avec Mamadou Wandianga à la Scénographie. Au casting, des artistes comme Fatou Fall, Balla Diop, Mamadou Wandianga, Amdy Mbacke Diop, Madany Sam et Pape Mboup. Ils sont tous des acteurs professionnels dont la plupart font partie de ” Rescap’art “.

La pièce est un récit douloureux autour de ce qui se passait à La Maison des Esclaves. Les futurs déportés étaient souvent retenus dans ce lieu qui symbolise la traite négrière sur le Continent, avant de les amener en bateaux et traverser l’Atlantique vers d’autres pays en Amériques et en Europe.

Arona Ba évoque ” la maison des Esclaves où il y avait la fameuse porte de l’aller sans retour “. Actuellement un édifice du même nom, ” la Maison des Esclaves “, datant de 1776, se trouve sur l’île de Gorée, à Dakar, qui est classée au patrimoine de l’Unesco.

La pièce montre le processus de déportation qui commence par chercher des esclaves à l’intérieur du Continent. Les gens sont retenus pour ensuite les amener jusqu’au Sénégal où ils sont enfermés enchainés pendant des mois dans des cellules étroites jusqu’à l’arrivé des navires pour récupérer ce qu’on appelait ” la cargaison “.

Le metteur en scène insiste sur une histoire qui ” est ancrée en nous et qui concerne ce qu’on a vécu sur notre sol”. Ce Sénégalais est toujours sous la hantise de l’esclavage et du commerce triangulaire vécu par ses ancêtres. Un lourd fardeau est porté par les générations successives sur plusieurs siècles.

De la fin du XVe siècle jusqu’à la fin du XIXe, la traite transatlantique a entraîné la déportation de 12 à 18 millions d’hommes, selon les estimations, d’Afrique subsaharienne vers les Amériques. Près de 2 millions d’entre eux périrent durant la traversée.

D’après le site de l’Unesco, “entre le VIIe siècle et la fin du XIXe, la traite transsaharienne et orientale arabo-musulmane a également déporté entre 12 à 14 millions d’Africains originaires d’Afrique subsaharienne”.

L’organisation onusienne affirme que ” pendant plus de 400 ans, plus de 15 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été victimes de la dramatique traite transatlantique des esclaves, l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire humaine “. La Journée internationale de commémoration des victimes de l’esclavage et de la traite transatlantique des esclaves, est célébrée le 25 mars de chaque année.

Lancé en 1994 , ‘Les Routes des personnes mises en esclavage : résistance, liberté, héritage’ est un projet de l’Unesco qui a “largement participé à briser le silence autour de l’histoire de l’esclavage et à inscrire cette tragédie qui a façonné le monde moderne dans la mémoire universelle.”

L’esclavage est ” un thème qui nous intéresse et nous interpelle “, dit-il, sans parvenir à cacher son émotion au souvenir d’un drame et un crime contre l’humanité qui a déchiré des peuples et des communautés en Afrique. ” En tant qu’Africains en général et Sénégalais en particulier, ça nous touche au plus profond de nous-mêmes “, ajoute le jeune artiste.

Bercail se veut une œuvre pour réparer la vision dégradante envers les Africains et tend à effacer ce qu’il qualifie de “considération négative de celui qu’on appelle entre guillemets ‘noir’ “. L’artiste et son équipe sont pleinement engagés à combattre les idées racistes et défendre un Continent qui ” est le berceau des grandes inventions et des connaissances pour toute l’Humanité “.

Depuis sa production en 2018, la pièce a été présentée à deux reprises au Sénégal, avant de débarquer aux JTC. La première représentation avait eu lieu au Centre Culturel régional de Dakar Blaise Senghor et la seconde fois était au Théâtre national Daniel Sorano, à Dakar.

Plusieurs améliorations ont été, depuis, apportées à cette œuvre au niveau du texte et de la scénographie. Le metteur en scène revient sur le thème de l’esclavage en jetant un regard artistique sur la condition de vie des déportés.

L’esclavage sert de toile de fond pour mettre en avant la culture sénégalaise. Arona Ba évoque le rôle fondamental du personnage du sorcier dans l’évolution de la culture africaine disant que sa présence ” a permis à certains d’entre nous de se libérer et de faire une introspection par rapport à la recherche identitaire “.