Tout le monde, ou presque, disait que le gouvernement de Najla Bouden allait rencontrer, au mois de novembre 2022, d’énormes difficultés pour financer les dépenses publiques et surtout pour payer les salaires, notamment après sa décision d’augmenter, à partir du 1er octobre dernier, le SMIG et le SMAG, ainsi que les salaires de certaines catégories sociales (juges…) , et ce avec un effet rétroactif.

Fort de l’effet d’annonce de l’accord de principe obtenu, le 15 octobre 2022, auprès du Fonds monétaire international (FMI) pour bénéficier de facilités de paiement de l’ordre de 1,9 milliard de dollars, et en prévision de sa validation, en décembre prochain, par le Conseil d’administration du Fonds, le gouvernement tunisien est parvenu, l’espace d’un mois, à actionner le levier de la diplomatie économique pour obtenir d’importants financements au titre d’aide budgétaire ou d’appui budgétaire.

L’appui budgétaire, mécanisme pour aider les pays confrontés a des pannes budgétaires

Créé à la fin des années 90 du siècle dernier pour venir en aide aux pays qui rencontrent des difficultés budgétaires, ce mécanisme se définit comme un transfert de ressources financières en faveur du trésor du pays partenaire, pour soutenir ce pays dans l’exécution de son budget national (dépenses de fonctionnement et d’investissement).

L’aide budgétaire est dite « générale » -le cas ici pour la Tunisie- quand elle n’est pas affectée à un secteur particulier. Les ressources sont gérées par les Etats partenaires selon les règles de gestion des finances publiques en vigueur dans le pays.

Le décaissement des ressources est conditionné par un catalogue de réformes et d’indicateurs, dont la définition et l’examen régulier font l’objet d’un dialogue politique entre bailleurs et pays partenaires.

Concrètement, la Tunisie a réussi, à la faveur de ce mécanisme, à mobiliser 1,219 milliard de dinars fournis par la France, l’Union européenne et le Fonds monétaire arabe.

En voici les détails.

La France, l’UE et le FMA au chevet du budget tunisien

Premier à répondre à la demande tunisienne, le Fonds monétaire arabe (FMA) a accordé, le 4 novembre 2022, à la Tunisie un prêt d’appui budgétaire de 74 millions de dollars (environ 238,5 millions de dinars).

Ce montant sera décaissé sur trois tranches dont la première, d’une valeur de 37 millions de dollars (environ 119,7 millions de dinars), vers mi-novembre.

Ce prêt vise à soutenir le programme de restructuration financière inclus dans le “Programme tunisien de réformes”, au niveau du volet du rétablissement des équilibres financiers et de la réduction du déficit de la balance des paiements.

L’Union européenne (UE) devait relayer le FMA pour accorder, le 14 novembre 2022, à la Tunisie, sous forme d’appui budgétaire, un financement de 100 millions d’euros (327 millions de dinars), dont 40 millions d’euros sont décaissables dans l’immédiat.

Cet appui budgétaire consiste en un transfert financier direct de l’UE au Trésor public tunisien sous forme de don.

Adopté par l’UE dans le contexte de la pandémie de Covid-19 en Tunisie, ce programme vise à appuyer les efforts de relance économique et à conforter les progrès déjà enregistrés dans la distribution des aides sociales aux citoyens et aux entreprises nécessiteuses.

Vient ensuite la France qui vit actuellement une “lune de miel“ avec le président tunisien, Kaïs Saïed, après le succès du Sommet de la Francophonie à Djerba (19-20 novembre 2022), a accordé, en marge de ce sommet, un appui budgétaire de 200 millions d’euros (plus de 653 millions de dinars).

Ce financement vise à appuyer le budget, dans le cadre de la mise en place du programme de réformes dont celles relatives à l’amélioration du climat des affaires, la libération de l’initiative, l’amélioration de la gestion des projets publics…

Par delà les chiffres, ces aides budgétaires, fournies, en cette période particulièrement difficile face à l’impact socioéconomique de la Covid-19 et de la guerre de la Russie contre l’Ukraine sur la sécurité énergétique et alimentaire des Tunisiens, viennent renforcer la crédibilité du gouvernement Najla Bouden. Elles semblent paver le terrain à de nouveaux flux de financements que devrait générer, par effet d’entraînement, la validation du prêt du FMI.