Les crises se suivent mais ne se ressemblent pas. A un aspect près, toutefois. Elles sont toutes devenues systémiques. Et, de plus en plus violentes. Il est naturel de considérer que la résilience serait la parade idéale, et particulièrement pour le système bancaire.

La deuxième édition des Finance Days, initiative promue par l’association Reconnect, événement sponsorisé par l’UBCI, a démarré avec un panel dédié à l’examen des potentialités de redéploiement du secteur bancaire.

Deux pistes étaient retenues. Et toutes deux sont incontournables. Il s’agit, on l’aura compris, de la digitalisation, option déterminante pour l’avenir de la profession. Ainsi que de la finance verte, piste salutaire pour le futur devenir de l’économie tant l’urgence de la transition écologique est dans tous les esprits. Sans compter qu’avec la tenue, en ce moment de la COP27, à Charm El-Cheikh en Egypte, elle fait l’actualité du moment.

D’entrée de jeu, Wissem Lajili, universitaire de son état, modératrice du panel, s’interrogera sur la possibilité pour le système bancaire de trouver une sortie par le haut, de sorte à être plus performant à l’avenir.

Financer l’économie à des conditions efficaces

Il faut bien reconnaître que le paysage bancaire renvoie une image de solidité malgré certains ratings contrariants. Cependant, on ne le voit pas présenter un plan global pour son expansion et son éventuelle reconversion. Se résoudra-t-il à se pencher sur un plan général de sa transformation ? La chose paraît plausible devant le forcing des enseignes internationales.

Premier paneliste à intervenir, Hédi Arbi, ancien ministre de l’Equipement dans le gouvernement Mehdi Jomaa, polytechnicien (X Paris) et actuellement professeur à Harvard, relève la bonne tenue du système bancaire. Il considère que ce dernier témoigne d’une résilience rassurante. Malgré ses carences dont l’exclusion financière qu’il a générée – seuls 36 % des Tunisiens adultes sont bancarisés- et un profil d’activité par trop traditionnel, il résiste bien à l’avalanche des crises. Sachant que les plus récentes sont particulièrement virulentes.

N’empêche, soutient l’ancien ministre, le secteur bancaire voit sa collecte de ressources augmenter de 10% environ par an. C’est un résultat remarquable étant donné que l’épargne nationale, qui représentait 22% du PIB en 2010, a baissé à 7% environ en 2021. Sans compter, ajoute ajoute-t-il, que l’épargne publique est devenue négative.

Par ailleurs, malgré les sollicitations récurrentes de financement du budget, le système bancaire parvient à financer les appels de l’économie. Il est vrai, reconnaît Hédi Arbi, que malgré la surbancarisation ambiante avec 23 enseignes en exercice, la concurrence est bien à la peine. En effet, les banques margent fort en matière de commissions et même sur les spreads de crédits notamment aux particuliers. Bon an mal an, elles connaissent une progression élevée de leur Produit Net Bancaire. Ce qui dénote avec la conjoncture nationale.

L’ancien ministre laisse entendre, sans le dire, que nous sommes loin d’une situation de financement de l’économie à des coûts raisonnables et dans des conditions efficaces.

Autre fait contrariant, le difficile accès des PME aux crédits bancaires. Cela finirait à la longue de rétrécir le marché, menace qu’il faut prendre en compte et qui prend un certain relief avec la poussée de la Blockchain.

A l’évidence, a-t-il conclu, le secteur bancaire tirerait un avantage réel d’une digitalisation avancée. De même que d’une ouverture sur la finance durable même s’il estime que le contexte politique ambiant n’incite pas à cette orientation.

«Bousculer le système»

Karim Hajjaji, DSI du Groupe bancaire Santander et panéliste, abondera dans le sens de Hanene Koubaa Ben Ayed, universitaire de son état et panéliste. Tous deux conviennent qu’il faut bousculer le système pour le faire avancer. Cependant, chacun recommande une voie propre.

Hanene Koubaa Ben Ayed voit dans la finance durable une opportunité structurante. En effet, soutient-elle, il y a une lame de fond qui lève et, par conséquent, la raison recommande de prendre la vague. Il n’y a pas de crainte à avoir car le système bancaire demeurera dans la même matrice professionnelle. Il aura à traiter avec des entreprises qui auront modifié leur Business Model, néanmoins, les banquiers ne feront que ce qu’ils ont toujours fait, c’est-à-dire la prise de risque.

Pour sa part, Karim Hajjaji considère que c’est une voie inévitable, rappelant la constitution d’un pool de “Sustainable Stock exchange“, en évoquant les Bourses qui enregistrent un regain d’activité avec la finance durable. Et ceci pour souligner que ce pool a beaucoup pesé dans le redéploiement du système bancaire, notamment dans les économies avancées. Et avec la future entrée en application de la Directive européenne sur la taxe carbone aux frontières de l’UE, il appelle à mettre les bouchées doubles.

Il faudrait, selon lui, éviter d’avoir à mettre en place un cadre réglementaire pour inciter les banques à y aller.

Karim Hajjaji pense que la Legacy a longtemps bridé l’initiative dans notre pays. Il voudrait que tout ce qui n’est pas expressément interdit soit permis. Bien des initiatives d’émancipation de la profession ont été différées du fait d’obstacles réglementaires réels ou supposés.

En économie de marché, il faut laisser les coudées franches aux opérateurs et accepter certaines libéralités sans basculer dans un libéralisme aveugle. Le coût de l’inaction, selon lui, sera plus élevé que le coût de l’action. Y a pas photo !

Bien entendu Karim Hajjaji plaidera principalement pour l’accélération de la digitalisation des banques. Il regrette que sur la place, un plan général n’ait pas, encore, pris forme. Cela doperait sans doute le métier et le ferait grimper de standing, surtout face aux networks internationaux.

Il y voit, par ailleurs, une possibilité d’aider à l’esprit de Reconnect qui plaide pour maintenir la diaspora sur orbite nationale en offrant des produits de placement sophistiqués. Et donc, mieux rémunérés. Et, fatalement, plus attrayants. Bien vu !

Ali Abdessalam