Une croissance prévue de 2,5% sur l’année 2022, des avoirs en devises pour 106 jours et une forte contraction du PIB aux prix constants et en prix courants en registrée pour la première fois 2020 depuis les années soixante. Les raisons en sont bien évidemment la pandémie de Covid-19 dont les retombées sur de nombreux secteurs ont affecté les équilibres globaux et les ratios calculés par rapport au PIB, dont le déficit budgétaire et l’endettement.
Malgré l’augmentation du taux de l’épargne, de 6 à 6,25%, on a relevé un affaiblissement notable de l’épargne nationale expliqué par les difficultés structurelles et l’impact de la conjoncture difficile sur les revenus des différents agents économiques. Ceci conjugué à un faible taux d’investissement privé en raison d’un climat d’affaires peu encourageant et de l’investissement public dû à la perturbation des projets publics qui ne dépassent pas les 16% en 2021 contre 24,6% en 2010.
S’agissant des paiements extérieurs, on assiste à l’élargissement du déficit courant de 5,8% du PIB, soit -8,402 milliards de dinars contre -4,658 milliards de dinars, et 3,6% une année auparavant dû à l’élargissement du déficit commercial (FOB-CAF) de 61,2% contre une amélioration des revenus du travail (transfert des Tunisiens résidents à l’étranger – TRE) et à un moindre degré des recettes touristiques.
Sans tomber dans le catastrophisme, ces indicateurs publiés par la Banque centrale de Tunisie sont plus qu’alarmants face à une action gouvernementale que l’on veut unie et à des réformes que l’on veut rapides pour réussir à avoir un accord de principe avec le FMI, dans une semaine.
La Tunisie n’a malheureusement pas honoré ses engagements passés avec le FMI en 2015, en ce qui concerne les réformes. Le gouvernement de Youssef Chahed a failli, et celui de Hichem Mechichi n’a pas fait mieux.
En effet, à l’époque, les autorités tunisiennes et les services du FMI avaient conclu un accord de principe pour un programme sur 48 mois au titre du Mécanisme élargi de crédit pour un montant de 375% de la quote part de la Tunisie (soit environ 2 milliards de dollars).
L’accord portait sur l’appui à la vision économique et les réformes prioritaires détaillées dans le Plan de développement quinquennal (2015/2020). On attendait de la Tunisie l’accélération du rythme des réformes économiques pour doper la croissance et favoriser la création durable d’emplois. Le non-respect des termes de cet accord a eu pour conséquence la rupture du contrat de confiance entre le Fonds et la Tunisie.
A ce propos, l’économiste Abdelkader Boudriga avait déclaré dans un article publié sur le journal « La Presse de Tunisie » : « Une partie de la responsabilité – non-respect du programme de réformes – leur incombe (FMI) en raison de ce que j’appelle un soutien abusif dont a bénéficié la Tunisie dans les années 2015, 2016 et 2017. Le FMI aurait pu, à ce moment-là, être plus rigoureux et demander que les réformes soient mises en œuvre. Mais on sait tous que pour des raisons géopolitiques, on était indulgent parce que tout le monde voulait que l’expérience de la transition démocratique de la Tunisie soit réussie. Cette indulgence a conduit à des comportements qui n’étaient pas responsables ».
Une délégation gouvernementale tunisienne bientôt à Washington !
L’accord en cours entre l’Etat et l’institution de Bretton Woods devrait rétablir la confiance en améliorant, cette fois-ci, sérieusement ses politiques budgétaires et en entreprenant les réformes nécessaires pour mettre fin aux déséquilibres économiques.
L’UGTT (Union générale tunisienne du travail) qui, auparavant, faisait de la résistance a enfin compris qu’il s’agit aujourd’hui ni plus ni moins de sauver le pays de la dérive. La signature d’un accord assurant une stabilité sociale sur 3 ans et la prédisposition à discuter de la restructuration des entreprises publiques au cas par cas ont été un très bon signe envoyé au FMI.
Elle se dit également disposée à discuter de la situation des entreprises publiques au cas par cas.
Lire aussi : Accord gouvernement-UGTT pour la réforme de 7 entreprises publiques
Le gouvernement a, pour sa part, mis en place un plan pour la levée progressive des subventions et pour l’orientation de la compensation vers ceux qui en ont réellement besoin. Le but est de limiter les dégâts de la Caisse de compensation sur l’Etat tout en protégeant les classes défavorisées souffrant sur le plan financier.
Bonne nouvelle, les partis qui décidaient du destin de la Tunisie se souciant plus de leurs intérêts que de ceux pays n’ont plus pignon sur rue. Ceci a facilité le travail du gouvernement et lui a permis de débattre du programme de réformes à soumettre au Fonds monétaire sans être parasité par de longues discussions ou de remises en question animées beaucoup plus par un populisme outrageux que par une logique économique argumentée et convaincante.
La dernière augmentation du taux directeur de 0,25 décrété par la BCT pour contrôler l’inflation pourrait être suivie par d’autres. Le but est aussi de réduire le déficit de la balance commerciale.
En effet, à chaque fois qu’un Tunisien dépense 100 dinars, 50 dinars vont à l’importation. C’est tout dire.
La visite de tous les espoirs aura lieu donc dans une semaine durant laquelle une délégation composée, entre autres, de la ministre des Finances et du gouverneur de la BCT munis d’un programme de réformes clair, chiffré et détaillé, se rendra à Washington pour convaincre le Fonds d’accorder un prêt à la Tunisie. Si un accord est conclu et que la lettre d’intention est approuvée, le signal positif envoyé par le FMI pourrait faciliter l’accès aux financements.
Pour la Tunisie, outre les ressources du FMI, on peut espérer des accords bilatéraux pour avoir des financements. D’ores et déjà, il y aurait des prédispositions de la part des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Allemagne et le Japon à accorder des prêts à la Tunisie.
Avec le FMI, tout se jouera dans les prochains mois durant lesquels il serait important de le convaincre que le programme de réformes ne sera pas lettre morte. Il s’agit de prouver la volonté de l’Etat de mener les réformes à terme, suivre une politique économique saine et apporter les mesures correctrices nécessaires.
Sans financement du FMI, le sauvetage du pays sera difficile d’autant plus que la Tunisie doit faire face, en 2024 et 2025, à des échéances financières importantes.
L’accord en cours aujourd’hui serait-il celui de la dernière chance pour le pays ?
Amel Belhadj Ali