A l’occasion de la participation tunisienne à la Foire internationale du livre de Riyad, en Arabie saoudite, le président de la Chambre syndicale nationale des éditeurs, Hafedh Boujmil, a présenté sa vision pour promouvoir le secteur de l’édition en Tunisie et pour consolider les relations entre professionnels et ministère de tutelle.

S’exprimant depuis le pavillon de la Tunisie – en tant qu’invité d’honneur de cette édition 2022 de la foire de Riyadh-, il est revenu sur les raisons de sa démission de l’Union des éditeurs tunisiens (UET) pour adhérer à la Chambre syndicale nationale des éditeurs relevant de l’UTICA.

La participation tunisienne à la Foire de Riyad intervient sur fond de crise entre les éditeurs et le ministère tunisien des Affaires culturelles. Les divergences se sont multipliées récemment jusqu’au boycott de l’Union de toutes les manifestions sous la tutelle du ministère.

Cependant, la voix du dialogue demeure ouverte puisqu’au terme d’une récente réunion entre les deux parties, il a été décidé de reporter la Foire nationale du livre tunisien en vue d’élargir la consultation. Le but est d’établir une meilleure coordination entre les divers intervenants en prévision de la tenue de ce rendez-vous d’envergure, en décembre prochain.

Hafedh Boujmil dit ignorer les véritables raisons du désaccord entre le ministère et les éditeurs membres de l’Union. “Aucune explication valable n’est avancée de la part des éditeurs qui sont tout à fait libres dans leur position”, estime-t-il.

L’UET ne compte pas de grandes maisons d’édition

Selon lui, l’Union des éditeurs tunisiens (UET) constitue une grande structure professionnelle dans le secteur. Cependant, en dépit du plus grand nombre d’éditeurs adhérents, elle ne compte pas de grandes maisons d’édition parmi ses membres, dit-il, citant le cas des maisons Arabesque, Nirvana ou encore Sud Editions qui ne font pas partie de l’Union, ce qui, à son avis, pose ” un gros point d’interrogation ” et constitue ” un signe révélateur d’un grand problème “.

La syndicale des éditeurs, quant à elle, participe pour la première fois à une manifestation internationale, dans le cadre de la délégation officielle. Depuis sa création, il y a dizaine d’années, la Chambre syndicale n’avait pas vraiment d’activités dans les manifestations comme les foires et les Salons du livre. ” Les choses ont changé depuis mon adhésion “, affirme Boujmil.

Selon l’éditeur, elle n’a réellement commencé à avoir d’activités qu’avec le début de la crise entre certains éditeurs et l’UET. Il dit avoir voulu ” élargir l’adhésion des membres, ce qui lui a valu d’être la cible d’attaques de la part de près d’une cinquantaine d’éditeurs”.

Boujmil demeure sur ses positions quant aux orientations et choix adoptés par les membres de l’Union. Cet ancien membre de l’UET ” ne voulait pas quitter l’Union dont il a été parmi les membres fondateurs du premier noyau de l’UET avant même sa création officielle “.

Nécessité d’une structure commune

Lui qui était plusieurs fois candidat aux élections au sein de l’Union, estime que rien n’a changé car tout était dans le flou et la majeure partie des membres ne sait presque rien, tels que la liste des membres, sauf pour certains qui ont accès à tout “.

Cet état de division actuellement entre la Chambre et l’Union des éditeurs, qui risque d’affaiblir le corps professionnel, est une réalité regrettable. A la lumière de cette conjoncture globale dans le secteur, il préconise la mise en place d'”une structure professionnelle commune pour faire entendre la voix de tous les éditeurs et leurs revendications”.

Il demeure convaincu que leur adhésion au sein d’une seule structure professionnelle aurait pu renforcer leur positon et revendications auprès du ministère de tutelle. Il espère l’unification des rangs des éditeurs grâce ” aux sages au sein de l’Union qui savent privilégier l’intérêt de l’édition, loin de toute autre considération “.

L’importance du ministère des Affaires culturelles

Pour la Chambre syndicale, le ministère demeure un vis-à-vis fiable sans qu’elle soit obligatoirement dans la demande de l’aide publique. Il insiste à dire, en tant qu’organe professionnel, que “la syndicale essaye d’offrir des conditions de transport adéquates pour les publications de ses éditeurs et de développer leurs investissements”.

Hafedh Boujmil préside la maison Nirvana, lauréate de deux récompenses à la foire internationale du Livre de Tunis (FILT) dont le prix de l’édition, en novembre 2021 et le prix Abdelhamid Belkahia du livre d’art, en avril 2019. Sa maison est présente au pavillon tunisien qui compte uniquement trois éditeurs.

Les visiteurs du Salon s’intéressent aux publications tunisiennes

Autour de l’affluence du public saoudien et son intérêt pour les publications tunisiennes, il insiste sur le rôle qui incombe à l’Etat dans la promotion à plus large échelle de la scène culturelle en Tunisie. D’après son constat au pavillon tunisien à Riyad, l’affluence est bonne et chaque visiteur a ses propres lectures entre celui qui veut des livres d’histoire, de philosophie ou de poésie et pour des auteurs assez connus comme Abu Al Kacem Chebbi ou le grand écrivain Ibn khaldoun.

Parmi les visiteurs, il mentionne aussi les étudiants et des universitaires, parmi la communauté tunisienne installée en Arabie Saoudite, à la recherche d’ouvrages dans le cadre de leurs activités académiques.

Un grand pan de l’histoire nationale qui s’étend vers les civilisations lointaines (punique, carthaginoise..) demeure inconnu auprès de certains lecteurs. L’intérêt est souvent limité à la période coloniale ou post indépendance, indique l’éditeur qui estime important de promouvoir la riche histoire de la Tunisie, à plus large échelle, en vue d’une meilleure visibilité de la culture nationale et ses éminentes figures intellectuelles.