A travers le sommet ” Between Land and Sea ” (Entre Terre et Mer en français) qu’il organise les 3 et 4 octobre 2022 à Tunis ayant pour thème ” Vues du port : escales et refuges, circulations et relégations en Méditerranée “, le festival Dream City qui se déroule dans sa huitième édition du 30 septembre au 9 octobre 2022 s’emploie à inviter des artistes tunisiens et internationaux à inventer et créer contextuellement en s’engageant avec la cité et ses habitants.

” Between Land and Sea ” est une rencontre politique et un programme de productions artistiques et théâtrales originales développées et présentées entre Palerme, Tunis (Festival Dream City) et Brême (Allemagne).

Il crée la première collaboration artistique participative et à long terme entre les trois villes portuaires, agissant comme un pont entre l’Europe et le Maghreb et entre le Sud et le Nord de l’Europe.

Cette manifestation engage plus de 50 artistes, travailleurs, chercheurs, migrants, pêcheurs, agriculteurs et citoyens de Palerme, Tunis, Brême, Beyrouth, New York, Abidjan, Berlin, Hambourg, Bruxelles, Dakar, Bamako pour examiner et réfléchir de manière critique aux connexions existantes entre les villes portuaires et leurs histoires entrelacées, liées par la migration et les commerces mondiaux.

Co-dirigé par Leyla Dakhli, historienne, spécialiste de l’histoire intellectuelle et sociale du monde arabe contemporain, et Adnen El Ghali, architecte, urbaniste, diplômé en sciences politiques et titulaire d’un doctorat en histoire, cet événement à Tunis se veut une réflexion autour de la Méditerranée, ce flux multiforme, cette mer qui transformée régulièrement en cimetière, traversée que par des logiques de violence et des itinéraires de la fuite et du tremblement.

Dans cet espace traversé de tensions, ces artistes ont pensé qu’il était peut-être temps de s’attarder un peu, de trouver des bouées et de penser à partir de ces lieux de départ, d’arrivée que sont les ports. Les ports sont peuplés et hantés de présences inscrites dans le territoire, par les liens qui s’établissent avec un hinterland et par les peuples qui s’y sont succédé, les mondes sociaux qui en ont dérivé : infrastructures, marchés, habitations, cosmopolitismes, relations avec d’autres ports proches ou lointains. Ils tracent des géographies concrètes et des liens plus imaginaires, des solidarités et des conflits.

Un écosystème fragile…

La première journée a été une occasion pour évoquer lors du premier panel ” Fantômes des ports : Le port-porte ouverte, le port et la ville, prolongement ou extraterritorialité ? “, la position et le rôle du port de Tunis, ce territoire mouvant, qui s’est déplacé au fil des transformations de l’écosystème fragile qui le porte, et au fil des transformations politiques.

Des ports puniques, œuvre magistrale qui est conservée dans l’écrin du golfe à l’ensemble industriel qui s’appelle aujourd’hui “zone portuaire” et est actuellement gérée par l’Office de la marine marchande et des ports dans la zone de La Goulette-Radès, des mondes se sont déployés, laissant à leur suite des présences fantomatiques.

C’est à partir de son territoire et de ses transformations que peuvent se penser et se comprendre d’autres changements qui ont affecté la ville, et la région de manière plus générale. Il est des histoires qui peuvent faire revivre des liens, aider à comprendre les mutations des espaces et des gens, l’inscription, l’effacement et les traces de certains paysages visuels et sonores, de certaines odeurs qui caractérisent ces espaces de l’entre-deux.

Un espace des luttes pour la dignité…

En présence et avec la participation d’architectes, urbanistes, curateurs, universitaires chercheurs, historiens, anthropologues, académiciens et différents opérateurs culturels de Tunisie, de France, du Sénégal, Maroc, Belgique, Algérie, Egypte, le festival a été une occasion dans le cadre du deuxième panel ” Récits et imaginaires, se souvenir et inventer de nouvelles mythologies – Un espace des luttes pour la dignité ” de souligner que les ports permettent de construire des récits, ils sont des lieux dans lesquels on recueille des histoires, on fait circuler des rumeurs.

Dans cet espace qui peut apparaître comme chaotique et qui est pourtant fondé sur des règles précises et des manières de faire élaborer au fil des ans, il y a du sens. Il ne se résume pas à une vision idéalisée de la coexistence des diversités ou d’un cosmopolitisme mal compris, il est également un lieu d’expérimentation des fractures et des hiérarchies sociales, un lieu de luttes.

Migration, culture, similitudes…

Le troisième panel ” De quoi la Méditerranée est-elle la frontière ? ” repose sur une série de réflexions à débattre : sur l’état des lieux des espaces d’enfermement dans les ports de Méditerranée et sur les relations Sud-Nord/Nord-Sud : dans quel sens vont les migrants ? – écrire l’histoire des migrations par le sud, porter le regard vers les territoires vidés de leur population par les migrations ; voir surgir les frontières réelles, qui descendent vers le Sud, et aussi se souvenir que la migration n’est pas toujours allée dans le même sens.

En écho aux conférences du sommet, une programmation artistique a lieu dont la création et concert Rébétiko-Malouf de Nidhal Yahyaoui qui a découvert, en 2015, la musique grecque Rébétiko apparue dans les années 20.

Pour lui, c’est une surprise et une révélation de découvrir toutes les similitudes entre cette musique venue de l’autre bout de la Méditerranée et le Malouf tunisien de la même époque. C’est ainsi qu’est né auprès de l’artiste le désir de faire se rencontrer artistiquement ces deux musiques.

Ainsi, en collaboration avec des musiciens grecs, à partir du répertoire de la musique Rébétiko et en dialogue avec des musiques tunisiennes de la même époque, il tisse de nouveaux sons, et les voix comme les langues de la Méditerranée se mélangent dans une harmonie rare.

Le concert aura lieu le 8 octobre à 17H00 à l’hôtel Saint-Georges Tunis au Belvédère.