Selon des diagnostics réalisés par des think tanks, bailleurs de fonds, experts et autres organisations nationales, les politiques économiques suivies durant le mandat des islamistes ont été dirigées beaucoup plus vers la dissuasion de l’investissement que vers son impulsion. Entendre par-là qu’au lieu d’encourager l’investisseur public ou privé, en cette période de transition difficile, ces politiques l’ont purement et simplement plombé.

Les résultats de ces politiques sont perceptibles à travers la baisse du taux d’investissement du PIB qui est de 25% avant 2010 à moins de 16% actuellement, le recul de la production dans les principaux secteurs exportateurs (phosphate, tourisme, hydrocarbures…) et le départ à l’étranger de plusieurs hommes d’affaires à la recherche d’environnements d’affaires plus hospitaliers et plus incitatifs.

Pour les économistes des organisations patronales (UTICA, CONECT…) et de l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), plusieurs facteurs (politique, social et économique) ont généré cette situation. Mais feux d’entre eux méritent qu’on s’y attarde.

Le premier consiste en l’instabilité multiforme qui a prévalu durant plus de dix ans : instabilité politique (Etat faible incapable de gouverner…) ; instabilité sociale (augmentation du chômage et des mouvements sociaux…) ; instabilité économique (stagnation de la production…) ; et instabilité fiscale (hausse de la pression fiscale…).

Le deuxième – le plus cité par les analystes -, c’est la diabolisation, depuis 2011 jusqu’à ce jour, des hommes d’affaires. Ces derniers sont accusés, à tort ou à raison, d’être des corrompus et surtout d’avoir été le carburant et les principaux bénéficiaires de mauvaises gouvernances fondées sur le clientélisme, le lobbysme (économie de rente), la contrebande et la contrefaçon (économie parallèle).

Le taux de pression fiscale est passé de 20% avant la révolution à 25% actuellement, voire 32% si on ajoute d’autres taxes dont les cotisations sociales

Quand l’occasion leur est donnée pour se défendre, les représentants de ces hommes d’affaires rappellent qu’ils n’ont fait qu’appliquer les lois. Ces mêmes lois qui ont été faites par des gouvernants souvent pas nets et qui sont, en dépit du changement du 14 janvier 2011, toujours en vigueur.

Conséquence : c’est l’Etat prédateur et ses institutions corrompues qui sont les premiers responsables de la dégénérescence de la baisse de l’investissement dans le pays. Dont acte.

Divers surcoûts à l’origine de la baisse de l’investissement

Pour l’économiste Ridha Chkoundali, le recul de l’investissement en Tunisie et “la grève“ d’investissement qu’observent les hommes d’affaires depuis 2011 sont dus principalement à trois erreurs qui ont généré des surcoûts insurmontables.

La première erreur serait, d’après lui, la politique monétaire. « La Banque centrale de Tunisie (BCT) a augmenté 13 fois le taux d’intérêt directeur depuis 2011, ce qui génère une augmentation du coût du loyer de l’argent, voire un coût supplémentaire pour l’investisseur. Un coût qui ne l’encourage pas, naturellement, à investir », note-t-il dans une interview accordée au magazine l’Economiste Maghrébin.

Des économistes estiment que plusieurs facteurs sont à l’origine de cette situation de blocage de l’investissement dans le pays.

La deuxième erreur concerne la politique fiscale. Le taux de pression fiscale a augmenté au moins de 5 points, passant de 20% avant la révolution à 25% actuellement et à 32% si on ajoute d’autres taxes dont les cotisations sociales. « Il y a là également un coût supplémentaire qui n’incite pas l’investisseur à investir », dit-il.

La troisième erreur évoquée par Chkoundali a trait à la dépréciation du dinar tunisien. « La flexibilité du taux de change en vigueur, affirme-t-il, a fait qu’en dix ans le dinar s’est déprécie à un taux supérieur à celui enregistré durant les 23 années précédentes ».

L’économiste perçoit dans cette dépréciation « la conséquence de l’accroissement considérable du coût à l’importation », et y voit surtout un coût supplémentaire pour le producteur local d’autant plus l’Etat est incapable de prendre en charge la compensation de ce surcoût ».

Une réforme de qualité à l’horizon

Pour remédier à cette situation, le gouvernement de Najla Bouden a proposé, dans son programme de relance présenté au FMI pour l’obtention de nouvelles facilités de paiement, une réforme au titre du dossier relatif à l’amélioration du climat des affaires. En vertu de cette réforme, le gouvernement tunisien s’engage à supprimer les autorisations, la convergence institutionnelle des multiples structures en charge de l’investissement, l’amélioration de la concurrence à travers la réalisation d’investigations et d’enquêtes de pratiques anticoncurrentielles.

Mieux, il s’engage à ouvrir de nouveaux marchés et à booster l’investissement dans de nouveaux créneaux porteur : énergies vertes, industries pharmaceutique, aéronautique, automobile, TIC…

Abstraction faite de la qualité de cette réforme, sa crédibilité tient à son exécution. Espérons que cette fois-ci le gouvernement honorera ses engagements.

Abou SARRA