En Tunisie, le système de subvention des céréales est arrivé “à un point de non-retour”, alerte Massimiliano Cali, économiste-pays au bureau de la Banque mondiale (BM) en Tunisie, plaidant en faveur d’une réforme ciblant les ménages à revenus modestes plutôt que les prix.

Cette réforme consiste à remplacer les prix subventionnés des céréales à la consommation par des transferts aux ménages, ce qui permettrait à terme d’améliorer l’efficacité de cette filière, de réduire le budget, le coût d’importation et de renforcer la sécurité alimentaire, explique l’expert lors d’un point de presse tenu mercredi 7 septembre 2022 au siège de la BM à Tunis et consacré à la présentation du bulletin de conjoncture pour la Tunisie.

A eux seuls, a-t-il expliqué, les produits céréaliers accaparent près de 80% des subventions des produits alimentaires, car leurs prix à la consommation sont parmi les plus bas et leur consommation est une des plus élevée dans le monde.

“En 2017, le prix du pain et des céréales en Tunisie était le plus bas au monde après l’Ukraine”, rappelle l’économiste de la Banque mondiale, jugeant inconcevable que le prix du pain n’ait pas été ajusté depuis 2011.

Outre le fait qu’il a entraîné un déficit budgétaire et courant, souligne-t-il, le système de subvention actuel a considérablement contribué à gonfler la consommation de blé et dérivés, occasionnant un gaspillage économiquement coûteux.

La réforme du système de subventions doit faire l’objet d’un débat

D’après la BM, ce système a également mis à mal l’Office des céréales (OdC) qui détient le monopole de l’importation et de la distribution du blé destiné à la consommation.

A en croire le représentant-résident de la BM en Tunisie, Alexandre Arrobbio, l’OdC était dans l’incapacité financière de s’approvisionner en céréales. ” Les navires chargés de céréales étaient bel et bien dans les ports tunisiens sauf qu’ils n’étaient en pas mesure de décharger leurs cargaisons car l’Office était en difficulté financière”, a-t-il affirmé devant les journalistes.

A la demande du gouvernement tunisien, la Banque mondiale a procédé, en juin 2022, à l’octroi d’un prêt de 130 millions de dollars afin de financer les importations de céréales et atténuer les effets de la guerre en Ukraine sur la situation alimentaire.

Concernant une éventuelle réticence de la centrale syndicale (Union générale tunisienne du travail) à l’égard d’une réforme touchant le système de subventions, il a reconnu qu’il s’agit d’un processus “complexe” qui requiert un calendrier “prudent” et “progressif”.

Pour Alexandre Arrobbio, l’objectif de la Banque mondiale, à travers, son appel à réformer le système de subvention de céréales est “d’inciter à ouvrir le débat avec les partenaires sociaux et les citoyens”, précisant toutefois que cet appel n’est en aucun cas “prescriptif”. Mais “il est indispensable de communiquer et d’ouvrir le débat avec les syndicats et les citoyens sans provoquer d’instabilité dans le pays”, a-t-il assuré.