L’agence de presse Bloomberg spécialisée dans l’information économique et financière, qui est suivie en direct dans les salles des marchés de quasiment toutes les banques et les institutions financières dans le monde, vient de publier un rapport dans lequel elle considère que la Tunisie risque de se trouver dans l’incapacité de rembourser ses dettes extérieures. En d’autres termes, la Tunisie risque de se trouver en situation de défaut par rapport à sa dette extérieure, et ce pour la première fois depuis son indépendance.

Si cela venait à arriver la Tunisie perdrait un acquis d’une valeur inestimable : celui d’avoir toujours honoré à temps tous ses engagements financiers extérieurs.

Bloomberg rappelle dans ce rapport que le Sri Lanka a été le premier pays à suspendre le remboursement de ses dettes, ajoutant que d’autres pays risquent de lui emboiter le pas, dont l’Egypte, la Tunisie, le Pakistan et le Salvador.

Le rapport assure que les difficultés de remboursement sont en rapport avec l’élévation des prix d’assurance des dettes des pays pauvres et endettés. En effet, la dette de tout pays sur le marché secondaire peut être assurée et le coût de l’assurance est une excellente indication sur la manière avec laquelle le risque de ce pays est évalué par le marché.

D’autres indicateurs objectifs sont pris en considération :
– la valeur de la dette tunisienne sur le marché secondaire. Par exemple une obligation tunisienne (dette tunisienne) de 100 $ payable en 2023 s’échange actuellement sur le marché à 60 $ (soit 60% seulement de la valeur nominale);
– si la Tunisie venait à se présenter aujourd’hui sur la marché financier international pour lever des fonds (emprunter) il lui serait proposé un coût de financement (taux d’intérêt) de l’ordre de 34% sur une durée ne pouvant pas dépasser les 3 à 5 ans.

Voici les conditions dans lesquelles la Tunisie est en train de négocier avec le FMI.

Ce qui dérange le plus dans tout cela, ce sont ces rapports qui se suivent et qui se ressemblent. Il y a quelques mois, l’agence de notation Moody’s publiait un rapport détaillé aboutissant à la même conclusion. Ensuite, c’est la Bank of America, suivie de Morgan Stanley. Il y a quelques jours, l’agence de notation Fitch Ratings classe la Tunisie parmi une liste de 17 pays ayant déjà fait défaut ou menacés de se trouver en défaut par rapport à leurs engagements financiers extérieurs. Et hier c’était au tour de Bloomberg.

Ce qui est inquiétant, très inquiétant et franchement incompréhensible est qu’aucun de ces rapports n’a suscité le moindre commentaire ou la moindre réaction de nos autorités publiques. Ni la Banque centrale, ni le ministère des finances, ni le ministère de l’économie et de la planification, ni la présidence du gouvernement, ni la présidence de la république. Pas un mot. Un silence qui dérange et qui confirme que les autorités tunisiennes ont fait le choix de la politique du déni total et de la fuite en avant.

C’est bien dommage. Ce silence des autorités publiques tunisiennes ne peut être interprété par les marchés et ne peut être compris par nos partenaires étrangers que comme étant une acceptation, voire même une confirmation, de toutes les conclusions de ces rapports.

Mais même si les autorités tunisiennes acceptent les conclusions de ces rapports, elles devraient réagir. Les crises se gèrent, et si elles ne le sont pas, elles ne peuvent être que subies. Les autorités tunisiennes devraient réagir vite en engageant le pays dans une stratégie de sauvetage afin de maîtriser les conséquences de cette situation difficile, et en réduire l’impact sur le citoyen tunisien, sur les entreprises, sur l’économie et les finances publiques. Et ce indépendamment des discussions techniques ou des négociations avec la FMI.

J’ai regardé le journal télévisé de la chaîne nationale 1 hier soir, il n’y avait pas un mot sur ce rapport de Bloomberg, ou sur le rapport de la Banque mondiale qui prévoit une augmentation du taux de pauvreté en Tunisie de 2,2 points de pourcentage du fait de la guerre en Ukraine et de la faible capacité de la Tunisie à gérer les conséquences de ce conflit sur son économie et sur ses finances publiques. Pas un mot !