En matière d’agroalimentaire, l’évènement a été, ces derniers temps, le triomphe à New York des producteurs d’huile d’olive tunisiens, au plus prestigieux concours de qualité d’huile d’olive du monde, en l’occurrence le « NYIOOC World Olive Oil Competition 2022 ». Un concours auquel ont participé 28 pays avec 1 244 marques d’huile d’olive.

Les Tunisiens ont récolté un nombre record de 32 prix, soit un taux de réussite de 80%, le taux le plus élevé jamais enregistré par le pays, selon les experts. Dans le détail, les marques tunisiennes ont remporté 21 prix d’or et 11 prix d’argent.

Abou SARRA

C’est une grande performance lorsqu’on sait que la liste annuelle des lauréats du prix NYIOOC World Oil est présentée sur le Guide officiel des meilleures huiles d’olive au monde. Il s’agit indéniablement de la liste la plus fiable des marques les mieux notées et des personnes qui les fabriquent.

Avec une telle distinction, l’huile d’olive tunisienne, qui est essentiellement biologique, a en principe ses lettres de noblesse pour accéder à n’importe quel marché du monde, dont les juteux marchés fort rémunérateurs nord- américains (Etats Unis et Canada). Et pour cause, les résultats de ce concours indépendant sont suivis partout par les producteurs, les importateurs, les chefs distributeurs et la presse spécialisée. C’est une grande publicité positive pour la Tunisie autant que celle faite par la grande tenniswoman tunisienne, Ons Jabeur, lors du tournoi de Wimbledon où elle est arrivée en finale, malheureusement battue par sa rivale du jour.

Pour une vision stratégique du secteur oléicole

Evaluant cette performance, les experts estiment qu’en dépit de cette performance, le chemin reste très long pour que l’huile d’olive tunisienne s’impose au consommateur partout où il se trouve dans le monde, et ce pour trois raisons principales.

La première consiste en le fait que la Tunisie s’est forgée la sinistre réputation auprès des professionnels du marché international de vendre son huile d’olive à bon marché sans valeur ajoutée, voire en vrac. L’huile d’olive conditionnée ne représente que 15 %, soit 30 000 tonnes sur un total exportable de 200 000 tonnes.

Il faut cependant reconnaître que les conditionneurs ont beaucoup progressé puisque ce taux ne représentait, en 2006, que 0,3%. Il faut admettre également que la suppression, dans les années 90, du monopole qu’exerçait l’Office national de l’huile (ONH) sur les exportations de ce produit de terroir a beaucoup aidé à atteindre ces résultats positifs.

La deuxième raison est perceptible à travers la tendance fâcheuse des gouvernements tunisiens à traîner la patte avant de renégocier l’accord tunisio-européen sur l’exportation d’un quota annuel de 56 400 tonnes d’huile d’olive.

Pour Abdessalem Loued, président de la Chambre syndicale nationale des exportateurs d’huile d’olive (UTICA), « l’Etat tunisien doit demander la révision de cet accord et de ce quota » compte tenu de l’excellente qualité de notre huile laquelle qualité est, du reste, reconnue internationalement.

Les exportateurs d’huile d’olive tunisienne demandent, au moins, que la Tunisie soit traitée comme le Maroc et rappellent que, depuis 2012, l’huile marocaine est écoulée en Europe en totale franchise, sans aucune limite et toutes qualités confondues.

La troisième raison a trait à l’absence de vision stratégique et pour l’extension des oliveraies et pour la diversification des débouchés à l’exportation de l’huile d’olive.

Pour les professionnels, l’enjeu est de planter des oliviers sur au moins 200 000 nouveaux hectares et de cibler une production annuelle de 600 000 tonnes. Pour cela, les oléiculteurs tunisiens sont appelés, moyennant des incitations significatives, à améliorer la productivité à travers l’option pour l’irrigué, sachant que la moyenne de productivité par hectare est actuellement de l’ordre de 105 kg en Tunisie contre 400 kg en Espagne par exemple.

Quant aux exportations, le potentiel que présentent des pays du sud-est asiatique (Corée du Sud, Japon, Indonésie, Chine…) serait énorme, selon les experts. Le seul pré-requis à réunir serait d’accélérer le développement du conditionné qui demeure en deçà des espoirs, soit 15% et de promouvoir l’implantation à l’étranger d’antennes de promotion de l’huile d’olive tunisienne.

Nous relevons, pour notre part, que la Tunisie dispose de produits de terroir de grande qualité mais son gouvernement ne se démène pas assez pour optimiser cette richesse à l’export. C’est tout simplement absurde.