“La Tunisie devrait se donner les moyens nécessaires pour devenir une destination plus attrayante pour les investisseurs nationaux et internationaux qui cherchent à tirer parti de sa dynamique de décarbonation”. C’est le plaidoyer du gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, à l’ouverture de la 23ème édition du Forum annuel de l’Economiste maghrébin, tenu lundi 13 juin à Tunis sur le thème “la Tunisie face aux défis économiques des transitions écologique et énergétique”.

Le patron de la BCT affirme que “l’accélération de la décarbonation de la Tunisie nécessitera dans doute d’investissements importants”, par conséquent, une mise en place d’un ensemble de réformes nécessaires s’impose dans l’objectif d’améliorer l’environnement des affaires en Tunisie.

Abassi estime, entre autres, que “les incitations financières sont à même de jouer un rôle primordial pour encourager l’adoption de technologies et de sources d’énergie plus propres au niveau sectoriel, qu’il s’agisse du secteur des transports, des bâtiments, de l’agriculture ou de l’électricité”.

Les incitations financières pourraient jouer un rôle primordial pour encourager l’adoption de technologies et de sources d’énergie plus propres au niveau sectoriel

Et ce n’est pas tout, il pense que “la mise en œuvre d’un système de tarification du carbone dans certains secteurs, à fortes émissions, peut également contribuer à soutenir la transition”.

Et Marouane Abassi de poursuivre son analyse et met en garde: “Néanmoins, toute l’approche requiert inévitablement la mise en place de dispositions visant à protéger la production tunisienne, afin d’éviter qu’une taxe carbone désavantage les industries nationales à forte intensité énergétique destinées à l’exportation par rapport à leurs concurrents internationaux qui ne sont pas soumis à un prix équivalent”.

Par ailleurs, Abassi indique que d’autres mesures non financières sont essentielles pour promouvoir la décarbonation, entre autres l’élaboration de normes techniques et environnementales plus strictes pour les nouvelles constructions ou la rénovation des bâtiments et la concrétisation des réformes institutionnelles et réglementaires pour stimuler la participation du secteur privé.

Le gouverneur de la BCT assure qu’il est essentiel de mettre en place des mesures compensatoires pour les groupes les plus vulnérables de la société et qui supporteraient les coûts de tarification du carbone. Dans ce cadre, l’initiative de la Banque mondiale “Partnership for Market Readiness” constitue une opportunité pour appuyer la Tunisie dans ce processus auquel notre pays a adhéré depuis avril 2018, rappelle-t-il.

des mesures non financières sont essentielles pour promouvoir la décarbonation, entre autres de normes techniques et environnementales plus strictes

Il est par ailleurs nécessaire d’aligner la stratégie énergétique de la Tunisie sur celle de l’Union européenne, souligne le gouverneur de la BCT, et ce “afin de bénéficier de l’ambition de l’Europe de devenir neutre en carbone à l’horizon 2050” et qui exige “une augmentation de l’énergie renouvelable dans leur mix, dont une partie pourrait, à l’avenir, être approvisionnée par la Tunisie”.

Mais il spécifiera deux préalables à cet ajustement : d’abord, “l’instauration d’un dialogue fructueux entre la Tunisie et l’UE pour explorer les opportunités futures de la décarbonation, tout en veillant à éviter les externalités potentiellement négatives sur l’économie tunisienne”.

Marouane Abassi insistera aussi sur la nécessité de “mettre en place une stratégie claire pour mobiliser, à l’échelle internationale, les fonds de financement bilatéraux et multilatéraux nécessaires”; ces fonds sont devenus plus accessibles et à des coûts concessionnels afin de développer des filières à faible émission de carbone et pour créer un environnement propice à des investissements durables.

Au final, le gouverneur de la BCT est convaincu que la Tunisie a tout a gagner à décarboniser son industrie. Cela constituera un appel pour déployer des efforts de décarbonisation plus concertés et plus complets, afin d’anticiper l’intensification, inévitable, des réglementations et la taxation des émissions de carbone.