A l’occasion de la tenue de FITA 2022, son commissaire général, Nizar Yaïche, ancien ministre des Finances, Partner et membre de la leadership Team mondiale de PWC, nous a accordé l’entretien ci-dessous.

L’Afrique serait mal partie, selon René Dumont. Mais faut-il voir dans l’esprit qui anime les organisateurs de FITA, une possibilité de rectifier la trajectoire ? La volonté d’une dynamique de décollage continentale conjointe est une composante fondamentale de FITA et c’est une composante de bonne fortune. Et cela entretient une émulation internationale d’envergure.

WMC : Vous serez le commissaire général de FITA 2022. Qu’est-ce qui vous a motivé pour accepter cette charge ?

Nizar Yaïche : Le Comité d’organisation m’a fait l’honneur de me proposer d’être le commissaire général de cette prestigieuse manifestation. Et, au vu du sérieux des dirigeants de TABC, initiateur et organisateur de FITA, et en considération du succès des éditions passées et, surtout, eu égard à l’agenda national qui appelle à tout engager pour aider à sortir notre pays du contexte actuel difficile, j’ai accepté cette charge, certes engageante mais ô combien importante.

L’esprit de FITA se distingue par une vision structurée et ouverte à l’international pour tous les pays avec une approche équilibrée, et personnellement j’adhère pleinement à cette perspective.

Il va de soi que j’y consacre depuis plusieurs mois une bonne partie de mon temps et mon énergie ainsi que ma compétence professionnelle, et naturellement je mobilise tout mon réseau de relations de travail, en Tunisie comme à l’international.

FITA 2022 semble fin prête pour son rendez-vous des 25 et 26 mai. Vous tablez sur un grand succès ?

Nous pensons avoir réuni les meilleures conditions de succès à l’évènement. Je citerais quelques éléments à l’appui de mon propos. A ce jour, l’affluence est encourageante. Près de 3 500 participants de 45 pays différents se sont inscrits. On compte de nombreux ministres ainsi que de hauts responsables politiques et décisionnaires, de même que des chefs d’entreprise et des managers de haut niveau.

Et, les réservations se poursuivent encore. Près de 100 institutions financières internationales seront représentées. Près de cent speakers de haut niveau animeront les huit panels programmés.

Cela prédispose à des échanges consistants qui peuvent augurer de recommandations utiles et en ligne avec les nécessités de la période.

Il ne vous échappe pas que l’économie mondiale est plus qu’à aucun autre moment exposée à des risques divers et variés qui la mettent en situation de grande fragilité. Et, cela nous confortera dans l’idée que nous devons avancer, ensemble, avec des réalisations structurantes et prometteuses pour l’avenir. Nous managerons ce rassemblement international et panafricain en toute responsabilité et avec l’ambition qui sied aux urgences du moment.

La sphère économique semble bien représentée. Cependant on a le sentiment que le système bancaire reste, quelque peu, en retrait ?

Je puis vous assurer qu’il aura une présence aussi étoffée qu’active lors de FITA 2022. Nous avons associé l’APBEFT à la préparation de l’évènement avec une bonne réunion de travail rendue publique. D’ailleurs, je vous invite à consulter son communiqué, qui figure sur son site internet, lequel confirme bien l’importance de l’évènement et l’importance d’une participation en masse du secteur bancaire.

Notre pays traverse une période d’instabilité politique. Cela ne vous a pas gênés dans vos contacts à l’international ?

Certes, le pays passe par une période contrariante. Toutefois, je préciserais que ma philosophie dans la vie m’appelle à être, en permanence, en posture de construction positive et de travail. Je me dis, en cette situation difficile, comment dois-je calibrer ma contribution de sorte à aider le pays et améliorer le climat d’affaires.

Je travaille beaucoup avec mon réseau international, sur le « Branding Pays » et je continuerai à le faire. Notre démarche pour FITA 2022 est d’être vent debout contre toute fatalité de l’immobilisme économique. Et d’ailleurs toute l’offre, à l’adresse de l’ensemble de nos partenaires, pour FITA 2022 se nourrit de cette volonté de dépassement. Toute notre approche vise à restaurer un environnement et un climat d’affaires propice à la culture de la performance.

Tout le continent africain est à la peine et cette conviction, de mental pionnier, est partagée de tous. Et je vous fais le pari que les débats et les recommandations seront de haute teneur.

Vous tablez donc sur un haut effet de business, en retour de FITA 2022 ?

Je vois a priori que l’effet d’appel de l’évènement et de l’offre qu’il véhicule est confirmé de la part du reste du continent. La qualité des participants me conforte dans mon opinion.

Il faut bien signaler que l’esprit de FITA est hautement recevable, car fédérateur. Il s’est construit sur le concept du co-développement ainsi que de l’intérêt bien compris de toutes les parties prenantes. Loin de nous l’esprit de faire des coups de business à court terme. Notre démarche est responsable et s’inscrit dans le temps long. Elle est perçue positivement de tous.

Donc oui, dans un objectif de créer « l’effet Business », nous comptons apporter notre pierre à l’édifice.

Vous avez annoncé que FITA accueillera les organisateurs de TICAD 8. Vous faites coup double ?

Oui, c’est une très belle idée derrière avec une vision très noble. Il s’agit de mieux servir l’agenda national en renforçant la complémentarité des grands évènements. FITA précède TICAD de 3 mois. Nous souhaitons maximiser le succès de TICAD en capitalisant sur la formidable plateforme que propose FITA.

Il n’y a pas de doute, tous ceux qui ont soutenu cette idée aiment leur pays, la Tunisie. Cela servira aussi l’intérêt de tous les participants.

J’appelle votre attention que nous capitaliserons également sur le deuxième évènement international que notre pays s’apprête à abriter à savoir le 18ème Sommet de la Francophonie. Il faut jouer dans la cour des grands quand on se propose d’opérer à l’international de sorte à présenter une offre bien structurée et qui soit prometteuse pour tous.

En pratique, comment allez-vous accueillir TICAD 8 ?

Les organisateurs de TICAD 8 seront présents à FITA 2022, avec une grande délégation. D’ailleurs, il leur sera réservé un panel dédié. On prévoit l’intervention de nombreux experts japonais à nos divers panels. On nous a promis la présentation du livre blanc que la Chambre de commerce tuniso-japonaise est sur le point de finaliser où elle recense les secteurs d’activités ciblés par TICAD 8 et les projets qui ont été identifiés.

Par conséquent, notre message sera de dire aux participants de FITA “mettez-vous sur le starting blocks à présent que vous êtres en possession des propositions de projets“.

FITA servirait donc d’étape probatoire pour TICAD 8 ?

Il y a un peu de cela. Ce sera l’occasion idéale pour mettre en lumière l’importance de TICAD et pour mettre sous les projecteurs l’importance des projets sélectionnés.

Vous avez annoncé que la Corée nous fait la proposition de lancer une initiative similaire à TICAD en partenariat avec la Tunisie.

En effet, la Corée du Sud rejoint l’attelage et cela a été officiellement confirmé, publiquement, par Son Excellence l’ambassadeur de Corée le jour de la conférence de presse pour la présentation de FITA 2022. Une délégation de 60 personnalités et hommes d’affaires de Corée prendra part à FITA 2022, et c’est la première fois qu’il y aura une participation aussi étoffée.

Nous accueillons favorablement cette initiative qui nous honore et nous ravit et nous nous réjouissons de voir que la triangulation entre ces prestigieux partenaires d’Asie, la Tunisie et le reste du continent africain puisse nourrir des promesses porteuses pour l’avenir.

Vous ferez une place au partenariat avec l’UE à destination de l’Afrique ?

Cela ne fait aucun doute d’autant qu’il s’agit d’une coopération non seulement historique mais surtout fondamentale. Nous valorisons l’offre européenne qui voit dans cette perspective de partenariat qui décerne à la Tunisie un rôle important à jouer dans le méga projet “Global Gateway“ pour l’Afrique avec 300 milliards d’euros annoncés.

Le partenariat avec l’UE est lui aussi détenteur d’une grande profondeur stratégique qu’il faut développer. Au vu des chiffres actuels, nous sommes très loin du potentiel avec l’Europe. J’espère sincèrement que nous pourrons passer à une autre échelle en matière de collaboration dans un esprit de codéveloppement.

Propos recueillis par Ali Abdessalam

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*TICAD 8 : Il s’agit de la 8ème édition de la Tokyo International Conference of African Development’’.