Des membres de la communauté scientifique internationale attachés à l’étude des sanctuaires de Baal et Tanit, et leurs successeurs les sanctuaires de Saturne, sont réunis sur deux jours, les 7 et 8 décembre 2021 à Tunis, dans le cadre d’un congrès international intitulé “un siècle de recherche sur les sanctuaires dits ” tophets ” de la Méditerranée centrale des époques punique et romaine “.

Pour la compréhension de la mentalité religieuse et l’identité carthaginoise

Ce congrès est organisé sous l’égide de l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (AMVPPC) et de l’Institut national du patrimoine (INP).

Les interventions et les débats portent sur les caractéristiques de ce type de monument et leur importance pour la compréhension de la mentalité religieuse et l’identité carthaginoise et punique, et les transformations que ces derniers ont connues au début de l’époque romaine.

A l’ouverture des travaux, des allocutions ont été prononcées par le chercheur Imed Ben Jerbania (INP), Amel Hachana, directrice de l’AMVPPC, Faouzi Mahfoudh, directeur général de l’INP, et le chercheur Daouda Saw, conseiller auprès de la ministre des Affaires culturelles et qui la représentait dans ce congrès.

100 ans de recherche, de fouilles et d’études

Présentant le congrès, Amel Hachana a parlé d’un événement qui se tient dans sa première édition en présence de chercheurs et universitaires venus de pays de divers horizons autour d’une histoire commune sur la diversité culturelle autour de la Méditerranée…

“Le bilan de 100 ans de recherche, de fouilles et d’études et à la lumière des nouvelles lectures et synthèses, conduira sans doute à des résultats importants sur ce qui caractérise ces sanctuaires, leur fonctionnement… “, a-t-elle dit.

Elle est revenue sur ” le domaine des croyances et des pratiques religieuses et funéraires notamment, qui comporte encore nombre de mystères” tout en rappelant que “l’énigme reste “. La responsable dit avoir espoir ” dans le progrès des connaissances sur le sujet, grâce aux découvertes réalisées sur le site Tophets et aux études comparatives faites sur la zone du bassin de la Méditerranée centrale “.

Imed Ben Jerbania, la cheville ouvrière…

Pour sa part, Faouzi Mahfoudh a salué une initiative du chercheur Imed Ben Jerbania qui a eu l’idée de proposer le thème de ce congrès. ” Il a été la cheville ouvrière de tout ce qui a été fait avec le soutien des ses collègues à l’INP et certains étudiants dans le patrimoine “.

La découverte des tophets…

Le directeur de l’INP a encore salué l’engagement la contribution financière de l’AMVPPC qui a été largement impliquée dans l’organisation de ce congrès.

Il a rappelé un siècle auparavant, en 1921, quand deux archéologues amateurs ont découvert par hasard ce Tophet qui a animé la littérature historique, la Bible et les sources gréco-latines. Il cite deux trafiquants de pièces archéologiques qui ont été à l’origine de cette découverte, l’un était un ancien militaire converti en agent de police alors que le second était un trafiquant notoire d’objets archéologiques.

Une date clé à partir de laquelle la recherche a continué et des études sur la question tant débattue du sacrifice d’enfants, autour de laquelle les scientifiques n’arrivent toujours pas à trancher, jusqu’à aujourd’hui.

Mahfouth a évoqué l’importance des travaux faits sur ce sujet dont celles de M’hamed Hassine Fantar dans son ouvrage important “Carthage : Approche d’une civilisation “.

Il indique que les Tophets continuent à susciter l’intérêt, citant une équipe scientifique à l’INP qui travaille sur le Tophet de Carthage et dont les études faites durant les trois dernières années ont apporté beaucoup d’éléments sur ce thème. Outre celui de Carthage, d’autres Tophets ont été découverts sur plusieurs sites archéologiques en Tunisie, ce qui contribue à susciter encore le débat sur cette question dans le milieu scientifique.

Le bien patrimonial n’a de valeur qu’avec l’interprétation

Cette question d’ordre scientifique revêt également une importance pour l’INP dans le sens où elle contribue à la sauvegarde et à la protection du patrimoine, car, dit-il, le bien patrimonial n’a de valeur qu’avec l’interprétation. Cette dernière constitue la valeur ajoutée qui donne un sens à toute découverte archéologique.

A cet égard, il a souligné l’importance qu’accorde son institution à la recherche scientifique en vue de protéger et de valoriser le patrimoine. Au-delà de la problématique historique et les théories en lien avec le sacrifice d’enfants, la sauvegarde du patrimoine passe obligatoirement par l’étape de l’interprétation scientifique et pratique en vue de lui donner une plus value.

La conférence a été inaugurée par le chercheur Mhamed Hassine Fantar qui a donné une allocution autour du Tophet. “Nous sommes en train de célébrer un sanctuaire mémorable”, a-t-il déclaré.

Il a aussi évoqué un patrimoine en exil dont on ne connait pas trop puisqu’il est dispersé sur plusieurs pays. Fantar aspire à ce que ces objets du patrimoine soient connu par la communauté scientifique en Tunisie et le grand public qui s’intéresse par la question des Tophets

Il précise que le terme tophet lui-même pose problème puisqu’il s’agit d’un terme à connotation biblique et obscure, disant que les carthaginois ne l’ont jamais employé.

Autour des origines de cette appellation Tophet, Fantar indique qu’elle a interpellé un certain nombre de sémiologues alors qu’il passe inaperçu auprès du reste des chercheurs. Même si certains évoquent son existence dans le Bible, ils ne citent pas l’origine exacte de ce terme “, estime-t-il.

Fantar dit essayer de lui trouver une étymologie correcte, en se basant sur les résultats des recherches et fouilles effectuées.