La loi de finances 2022 devrait refléter les politiques publiques, et pour le gouvernement Bouden, les priorités du gouvernement. Celle en cours de finalisation devrait œuvrer à réduire les déficits budgétaire et commercial, élargir l’assiette fiscale et appliquer la loi sur tous ceux qui ont subi des redressements fiscaux et qui refusent de payer les dus de l’Etat.

Pour ce faire, le ministère des Finances devrait mobiliser de nouvelles ressources humaines et les intégrer dans les organismes de contrôle et de recouvrement. « En tant qu’entreprises respectueuses des lois, procédant régulièrement au paiement de nos impôts, nous estimons qu’il est injuste que d’autres entreprises qui ne paient rien à l’Etat nous concurrencent et bradent les prix dans des secteurs très compétitifs parce que le poids des impôts ne pèse pas sur leurs finances et parce qu’ils ne payent pas la TVA. Nous appelons les autorités publiques à sévir pour que l’équité fiscale ne soit pas tout juste un discours mais devienne une réalité, d’autant plus que nous savons qu’il y a des centaines de dossiers non traités dans l’administration du fisc et concernent des redressements pour des impôts constatés », s’insurge le président d’une grande entreprise privée.

Précisons qu’on évalue, depuis l’indépendance, le montant des impôts que l’Etat n’a pas encaissé à 15,4 milliards de dinars, répartis entre 10 milliards de dinars de dettes carbonisées et 5,4 milliards de dinars à récupérer dont 2 milliards de dinars doivent être payés par les entreprises publiques et 3,4 milliards de dinars par le secteur privé.

A supposer que les autorités publiques engagent une campagne ciblée et coordonnée pour la récupération de ces impôts, au moins 2 milliards de dinars pourraient atterrir dans les caisses de l’Etat.

Sévir oui, mais sans tomber dans la sur-taxation des entreprises solvables et organisées. Trop d’impôt tue l’impôt. Pour une croissance économique pérenne et des finances publiques saines, il faut encourager et protéger l’entrepreneuriat local en appliquant la préférence nationale dans les marchés publics et surtaxer les importations qui tuent le tissu industriel national.

Dans un pays en grandes détresse économique, il est illogique d’importer meubles, portes et fenêtres et robinetteries pour concurrencer les producteurs nationaux et brader les prix. Il est surprenant à ce propos que l’UTICA, elle-même, ne se soit pas engagée dans la lutte contre les importations qui tuent le tissu entrepreneurial de ses affiliés, d’autant plus que les accords internationaux l’autorisent. Deux taxes sont à appliquer immédiatement : la taxe du déficit public et celle du déficit commercial.

Les recouvrements effectués par les services de contrôle doivent couvrir les taxes douanières avec le double objectif de faire entrer de l’argent pour l’Etat et de lutter contre le marché parallèle.

Améliorer la gouvernance des entreprises publiques

Les autorités publiques auront aussi à réexaminer les taxes pour qu’elles servent au mieux les intérêts de l’économie nationale. A titre d’exemple, il est illogique d’importer d’Egypte des produits finis destinés au secteur du bâtiment sans les taxer et de surtaxer les intrants destinés aux fabricants tunisiens.

Epuisées par une crise économique qui dure depuis presque 10 années, crise aggravée par la pandémie de Covid-19, les entreprises tunisiennes appellent aujourd’hui les autorités publiques à étendre les mesures exceptionnelles prises dans le cadre du décret-loi promulgué par le gouvernement Fakhfakh pour aider les entreprises en difficultés. Il s’agit d’annuler les pénalités de retard sur les marchés publics dont l’achèvement a été bloqué par la survenue de la pandémie.

Partout dans le monde –ou presque-, la Covid-19 a été considérée comme “cas de force majeure“, et parmi les opérateurs nationaux, il y en a qui se sont acquittés de ces pénalités et d’autres qui n’ont pas pu le faire. Des appels sont dont lancés pour que le décret-loi Fakhfakh soit amélioré et étendu jusqu’à l’année 2022, au cas par cas.

Par ailleurs, le déficit conséquent des dépenses publiques se monte au moins à 5 milliards de dinars par an. Nizar Yaïche, ancien ministre des Finances, avait mentionné le chiffre de 8 milliards de dinars. Pour y parer, des décisions courageuses doivent être prises au plus tôt, en prime en attaquant les dossiers des entreprises publiques structurellement déficitaires.

L’expérience des banques publiques ayant fait ses preuves, pourquoi ne pas nommer les PDG des grandes entreprises publiques en procédant à des “appels à candidatures“ et en séparant la fonction de PDG de celle de DG ?

Najla Bouden devrait également lancer une action pour changer les membres des conseils d’administration des entreprises publiques qui profitent des jetons de présence alors que leur présence ne change en rien l’état de délabrement de ces entreprises.

« Dans les conseils d’administration, les membres qui ont plusieurs avantages, et à quelques exceptions près, sont dans une posture d’approbation de tout ce qui émane du PDG, aucune remise en cause de la gouvernance. Dans des entreprises telles que la STEG ou la SONEDE, il paraît qu’ils ne payent même pas les factures. Il est normal dans ce cas de voir autant de dépassements », témoigne un membre de la Commission de restructuration des entreprises publiques qui préfère garder l’anonymat.

L’assainissement des 10 plus grandes entreprises publiques permettrait de réduire le déficit des dépenses publiques de moitié.

La loi de finances 2022, en gestation ou en cours de finalisation, réussira-t-elle à réduire les charges de l’Etat, à équilibrer le budget et les finances ?

Des hauts responsables au ministère des Finances rétorquent : « nous pouvons élaborer la meilleure loi de finances qui soit, la question reste : d’où dénicherons-nous les ressources nécessaires pour la boucler ? ».

Amel Belhadj Ali