Les dernières statistiques officielles font état de plus de 20 000 morts en Tunisie suite au coronavirus. Une véritable hécatombe pour un pays de moins de 12 millions d’habitants.

Abou SARRA

Entre 7 % et 8 % de la population ont déjà été intégralement vaccinés, un taux largement inférieur au pourcentage recommandé internationalement pour immuniser la population et stopper la circulation du virus ; lequel pourcentage doit se situer au-dessus de 75%, soit 9 millions d’individus pour la Tunisie.

La gravité de la situation en Tunisie inquiète particulièrement l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour l’agence onusienne, la Tunisie a enregistré, depuis le mois de juillet dernier et jusqu’à ce jour, le plus lourd bilan de décès dus au coronavirus en Méditerranée orientale et en Afrique.

A titre indicatif, dans son bulletin d’informations du 14 juillet, l’OMS révèle que la Tunisie a battu le record de décès. « Des chiffres jamais atteints depuis l’apparition du virus », fait remarquer l’organisation onusienne qui estime que la situation sanitaire demeure extrêmement préoccupante en Tunisie où, en moyenne, entre 8 000 et 9 500 nouvelles contaminations et plus de 100 décès sont enregistrés chaque jour.

Quid des responsabilités ?

En dépit de l’amélioration, ces derniers jours, du rythme de la vaccination – notamment avec la journée portes ouvertes du dimanche 8 août 2021 qui a permis la vaccination de plus de 550 000 personnes contre 30 000 par jour auparavant -, certains observateurs (médias, analystes, consultants…) estiment que les deux tiers des personnes mortes auraient pu être sauvées si les dirigeants en charge du dossier avaient fait preuve de professionnalisme et anticipé pour acheter dans les délais les vaccins.

Ces observateurs considèrent que le premier responsable de cette hécatombe (plus de 20 000 décès) est certes un facteur exogène, mais sa prévention, sa gestion et son traitement relèvent des responsables qui ont pour mission de faire le maximum pour atténuer les dégâts et en prémunir les Tunisiens.

Malheureusement, les scientifiques et le gouvernement Mechichi en charge de la campagne de vaccination ont misé, semble-t-il, sur l’immunité collective, voire sur « l’immunité du troupeau » et auraient traîné la patte avant de commander sur le marché les vaccins.

Conséquence : à défaut de prévention et de préparation adéquate sur le plan logistique, des milliers de Tunisiens contaminés par la Covid-19 ont été abandonnés à leur sort et péri.

Cela pour dire que la responsabilité des gestionnaires de la crise, avant le 25 juillet 2021, est totale même s’ils n’avaient pas à leur disposition les vaccins dans le temps.

A la base, une sous-estimation de la crise

Concernant les scientifiques responsables de la lutte anti-Covid-19, il est difficile de comprendre leur professionnalisme lorsqu’ils disaient, en juillet et août 2020, que la Tunisie avait connu, durant les cinq premiers mois de l’année (2020), « une vaguelette » et était, donc, épargnée, alors que la pandémie faisait des ravages en Italie, un pays situé à seulement 60 Km de la Tunisie. Même un étudiant en première année de médecine aurait compris qu’en cas de pandémie, aucun pays n’est épargné.

Au rayon politique, le gouvernement Mechichi et la coalition de partis qui le soutenait (Ennahdha, Qalb Tounès, Al Karama) avaient mis à profit la crise de la pandémie pour nourrir des desseins criminels. Ils se croyaient malins en se dessaisissant du dossier de la vaccination et en laissant le ministre de la santé, Faouzi Mehdi – un proche de l’entourage du président de la République, Kaïs Saïed – se démerder tout seul.

Ces politiques ont poussé leur cynisme jusqu’à ouvrir les frontières aux touristes et aux Tunisiens résidant à l’étranger (TRE), ce qui a intensifié les contaminations (importation de nouveaux variants du virus), ce qui a aggravé la situation. Pis, l’équipe de Mechichi serait même allée jusqu’à donner des instructions à la police lui demandant de ne pas assurer la sécurité aux centres de vaccination lors de la “journée portes ouvertes programmée le jour de la fête de l’Aid El Idha“. Mais à défaut de sécurité, cette journée fut purement simplement annulée.

Leur ultime but était de faire assumer à leur adversaire politique (le chef de l’Etat) tous les dégâts et espérer ainsi glaner des points en vue des prochaines élections. Heureusement, les choses ont évolué autrement et ont mal tourné pour eux.

Pour preuve : le rythme de la vaccination s’est subitement accéléré de manière spectaculaire, comme on l’a souligné plus haut (journée portes ouvertes de vaccination du 8 août 2021).

S’inspirer de l’Allemagne pour dissuader la récidive

La question qui se pose dès lors est de savoir si les responsables de ces 20 000 décès et des milliers de familles endeuillés seront jugés pour « négligences dans la gestion… ».

A cette fin, la Tunisie peut s’inspirer d’un pays comme l’Allemagne qui a décidé d’ouvrir une enquête judiciaire sur la responsabilité de responsables administratifs pour négligences dans la gestion des récentes inondations qui ont fait 182 morts dont 135 dans la seule région de Rhénanie-Palatinat. Cette enquête est ouverte sur la base « de soupçons d’homicides et de blessures involontaires».

Pour donner l’exemple et faire en sorte que ces crimes ne se répètent pas, les autorités tunisiennes en place doivent suivre cet exemple allemand et traduire en justice, même symboliquement, les responsables en charge de la gestion de la pandémie de Covid-19.