L’un des pays les plus impactés par la pandémie Covid-19 est la Tunisie. Autant la première vague de 2020 a été clémente avec le pays grâce aux mesures draconiennes prises par le gouvernement Fakhfakh, autant la deuxième vague a été assassine, laissant le pays exténué et épuisé.

Le bilan quotidien des cas de positivité dépasse de loin les deux mille et celui des décès balance d’un jour à l’autre de 90 à 130.

Ne pouvant se permettre le luxe d’un second long confinement, le gouvernement Mechichi n’a d’autre choix que de procéder à des campagnes de vaccination massives. Le nombre de personnes vaccinées en Tunisie frôle le ridicule avec moins de 400 000 alors que la troisième vague fait des ravages.

Le point avec Pr Agnès Hamzaoui, chef du service pneumologie à l’hôpital Abderrahmane Mami.

WMC: Qu’est-ce qui distingue la Covid-19 des autres pandémies qui ont existé de tous les temps et pourquoi son taux de contagion et de létalité est aussi élevé ?

La pandémie actuelle se distingue par sa rapidité de propagation, liée aux modifications de notre mode de vie : les voyages par avion entre les continents, les grandes agglomérations urbaines, les transports en commun, les grands rassemblements de population facilitent à l’extrême la propagation de ce virus.

Ce virus est nouveau pour l’espèce humaine, nous n’avons pas de mémoire immunitaire à mettre en branle immédiatement. Sa contagiosité est liée à sa diffusion par voie aérienne, microgouttelettes et aérosols en suspension, et par contact avec les surfaces contaminées ainsi qu’à ses capacités intrinsèques à se multiplier rapidement dans l’organisme.

Les sujets contaminés portent rapidement un nombre important de virus dans leurs voies respiratoires, et les transmettent autour d’eux. Les récepteurs pour le virus sont présents sur de nombreux types cellulaires, ce qui lui permet de pénétrer facilement à l’intérieur des cellules respiratoires (nez, bronches, alvéoles) et des cellules vasculaires.

Pourquoi son taux de contagion et de létalité est aussi élevé ?

Sa létalité est liée à sa toxicité directe vis-à-vis des cellules pulmonaires, cardiaques et vasculaires, et par l’inflammation massive qu’il est capable de déclencher. Le risque de lésions graves augmente chez des sujets fragilisés par l’âge, des maladies chroniques, un déficit immunitaire ou une obésité.

Pourquoi est-il important de se faire vacciner pour atténuer l’impact du virus Covid-19 ?

Il est important de se faire vacciner parce que nous sommes démunis de mémoire immunitaire vis-à-vis de ce virus. La vaccination permet d’éviter les formes sévères et mortelles. Elle diminue le risque de portage du virus par les sujets asymptomatiques et réduit ainsi le risque de transmission du virus dans la communauté. Cela nous permet de nous protéger et de protéger nos proches.

Pourquoi, selon vous, y a-t-il eu une campagne anti-vaccination ?

La campagne anti-vaccination est probablement liée à différents facteurs. Le premier est un réflexe anti-vaccin général, que l’on a vu avec le vaccin contre la grippe mais aussi celui de la rougeole qui a provoqué la résurgence de cette maladie, et de ses pneumonies graves.

Le second est dû à la rapidité du développement des vaccins, qui a fait douter la population de la qualité des études de sécurité et d’efficacité. Une meilleure communication sur les moyens mis en œuvre permettrait de rassurer le public.

J’ajouterais un autre facteur, qui est la remise en cause systématique des décisions prises par les gouvernants.

Les vaccins à ARN sont-ils les plus efficaces ? Et quels en sont les arguments scientifiques ?

Sur les données scientifiques publiées, les vaccins à ARN semblent offrir la protection la plus efficace, au-delà de 90% contre les formes sévères. Les campagnes de vaccination massives avec ces vaccins ont montré des résultats en vie réelle convaincants. Ce sont aussi ceux qui ont été le plus largement utilisés.

Quand pourrions-nous parler d’immunité collective dans le cas de la Tunisie ?

Pour une immunité collective, le seuil habituellement considéré est de 60% de la population immunisés par vaccin ou par une infection antérieure.

Entretien initié par Amel Belhadj Ali