Skander Dhaoui, le chef électro dont le parcours dans l’industrie du film date de près de 40 ans est l’un de ces maîtres invisibles. A priori, ce nom passe inaperçu, sauf pour les gens du milieu qui reconnaissent son talent et sa créativité.

Il est l’un des techniciens qui ont contribué à la réalisation d’œuvres assez remarquables. Parti de l’électricité vers la lumière, Skan, un diminutif pour les intimes, est devenu l’un des collaborateurs les plus demandés sur les plateaux de tournage, en Tunisie aussi bien qu’en Europe.

Dhaoui est de cette génération de techniciens qui ont su percer dans un secteur et un cinéma national dont le premier noyau était constitué à l’aube de l’indépendance. Il a fait ses premiers pas au milieu des années 80 dans des films cultes, tunisiens et occidentaux.

En guise d’hommage à ce spécialiste de la lumière et héros de l’ombre, la Cinémathèque Tunisienne organise une exposition photographique intitulée “Skander Dhaoui, le félin passeur des lumières ” dont le vernissage a eu lieu, le samedi soir 20 mars 2021, à la galerie Hamadi Essid à la Cité de la Culture.

Autour de l’exposition ..” le félin passeur des lumières “

Placée sous le commissariat de Lilia Ben Youssef, l’exposition revient sur le parcours de l’un des chefs électro les plus reconnus dans le milieu et dont la filmographie compte une centaine d’œuvres réalisées sur des plateaux de tournages tunisiens et étrangers.

On y découvre des photos de grands formats en 3D et un impressionnant triptyque au coeur de la galerie qui illustre une scène sur le tournage du film franco-tunisien “Pirates ” (1985), réalisé par le Franco-polonais Roman Polanski et produit par Tarek Ben Ammar.

La commissaire de l’exposition a manifesté son souhait de faire connaître “ces métiers de l’ombre que personne ne connait et qui font le cinéma “. Cette ancienne monteuse de télévision salue ” la grande technicité, le doigté et la sensibilité d’un photographe qui a un œil affûté “.

Lilia Ben Achour, la graphiste derrière le design, le montage vidéo et le catalogue de l’exposition, dit avoir illustré l’idée de cette exposition par une collection “de photos scannées par Skander Dhaoui et de textes écrits et rédigés par la commissaire de l’exposition “.

La scénographie repose sur des photos en 3D, agrandies et imprimées à l’échelle naturelle afin de ” donner de la profondeur aux images et de faire revivre au visiteur l’atmosphère des plateaux de tournage “.

Tarek Ben Chaabane, directeur de la Cinémathèque Tunisienne revient sur l’idée de l’exposition qui “est de rendre hommage aux techniciens et mettre en valeur ces gens de l’ombre “. Cette orientation converge dans ” la vocation de la cinémathèque qu’est de mettre en valeur l’histoire du cinéma et tous les gens qui font le cinéma “.

Il évoque ” un homme de la lumière… en tant que chef électro, Skander Dhaoui traduit en lumière les idées du réalisateur et celles du chef opérateur avec lequel il travaille en étroite collaboration “.

Cet universitaire et critique de cinéma parle d’un “métier assez essentiel, qui requiert une maîtrise de la lumière, chose que Skander Dhaoui sait très bien faire comme étant quelqu’un qui comprend parfaitement le désir du réalisateur et du chef opérateur “.

La filmographie de Skander Dhaoui

Dans une rencontre avec l’agence TAP, Skander Dhaoui reconnait avoir une certaine nostalgie qui va vers l’époque de ses premiers pas dans les films de Nouri Bouzid et Ridha Behi où ” j’ai commencé à apprendre mon métier “, dit-il.

Dans ” Homo Sapiens : le Sacre de l’homme ” de Jacques Malaterre (2006), Skander Dhaoui indique avoir fait le tour du pays et redécouvert la Tunisie dans un cadre de tournage impressionnant.

Ses débuts étaient avec des réalisateurs comme Ridha Behi avec lequel il a eu trois collaborations ; ” Les Anges ” (1984), “Champagne Amer ” (1986) et ” Les Hirondelles ne Meurent pas à Jérusalem ” (1994).

Il est aussi un fidèle de Nouri Bouzid dans ; “L’homme de Cendre ” (1986), ” Les Sabots en Or ” (1987) “Bezness ” (1992), ” Poupées d’Argile ” (2002), ” Making-of ” (2006) et ” Les Epouventails “’ (2019).

La réalisatrice disparue Moufida Tlatli était une amie proche pour Skander Dhaoui qui revient sur le jour où elle avait pleuré quand, sur un coup de colère, il lui confie son intention de quitter les tournages. Avant de passer derrière la caméra, Tlatli était elle aussi monteuse, un autre métier qui ne permet pas une grande visibilité.

Les deux amis n’ont eu que deux collaborations, dans ” La Saison des Hommes ” (2000) et “Nadia & Sarra ” (2004). Idem pour Ferid Boughedir, Dhaoui a travaillé dans le film culte ” Halfaouine, l’Enfant des Terasses ” (1990) et récemment dans ” Zizou” (2015).

Sa collaboration avec les réalisateurs étrangers n’en n’est pas moins importante. Skander Dhaoui a surtout été sur le tournage de “Pirates ” (1985) du franco-polonais Roman Polanski. S’en suivent d’autres œuvres pour le réalisateur italien disparu Franco Rossi dans ” Un Bambino Di Nome Gesus II” (1990) et ” Un Bambino Di Nome Gesus III ” (1991). Ses qualités professionnelles lui ont valu de rejoindre l’équipe technique de Fréderic Mitterrand dans le film musical ” Madame Butterfly ” (1995).

Dans les studios de tournage à Tataouine dans le Sud tunisien, il était en 1997 dans le très célèbre ” Star Wars épisode I : La Menace Fantôme”, écrit et réalisé par George Lucas. Cette œuvre de science fiction sortie en 1999 et triplement nommée aux Oscars était au top du box-office mondial. Il s’agit du 4ème opus de la Saga Star Wars dont une partie du tournage avait eu lieu en Tunisie, à partir des années 70.

Les mois de tournage dans ” Pirates” étaient une expérience unique pour Skander Dhaoui qui rappelle ses souvenirs dans ” Madame Butterfly ” et le fameux ” Star Wars I “.

Ce parcours assez riche constitue pour lui “la véritable reconnaissance qui me vient des réalisateurs avec lesquels j’ai collaboré dont beaucoup me contactent pour faire partie de leurs équipes techniques”.

Cette exposition en hommage à son œuvre constitue une fierté de plus pour Skander Dhaoui.
Dans le cinéma, il n’y a pas plus précieux que la reconnaissance publique pour l’œuvre d’un artiste ou d’un technicien.