Installé à New York, le saxophoniste et compositeur Yacine Boulares est de retour à Tunis avec “Night in Tunisia”, une nouvelle création qui traduit sa nostalgie pour les sonorités de son pays d’origine en les exportant, dans la majeure partie de son œuvre vers l’Amérique et le reste du monde.

L’avant-première de “Night in Tunisia” a eu lieu samedi 30 janvier 2021, dans l’après-midi, à la grande salle de spectacles du Théâtre de l’Opéra de Tunis. Cette création réalisée grâce à un partenariat entre le Théâtre de l’Opéra et Scoop Organisation, a été présentée sans le public, devant un nombre limité de personnes, essentiellement des représentants de la presse nationale et étrangère.

Ce spectacle marque un nouveau départ pour Yacine Boulares qui a choisi de collaborer avec des artistes exclusivement tunisiens dans ce nouveau projet. Rappelons que le saxophoniste s’est produit à plusieurs reprises au Festival Jazz à Carthage.

Cette création nomade, entre jazz, mezoued et stambeli, a été le fruit d’une belle collaboration entre le saxophoniste et ses compatriotes musiciens. L’artiste ne cache pas son admiration pour la virtuosité de chacun de ses compagnons dans ce nouveau projet élaboré durant les derniers mois.

Il a généreusement présenté les qualités de chacun des cinq solistes qui l’accompagnent dans cette aventure sonore, en l’occurrence Omar El Ouaer au piano, Hédi Fahem à la guitare, Youssef Soltana à la batterie, Jihed Bedoui à la basse et Lotfi Soua aux percussions.

Boulares associe à cette aventure, une artiste en herbe, Nessrine Jabeur, disant avoir découvert et apprécié le timbre de sa voix.

Le rappeur Mehdi WMD était l’invité de ce spectacle aux rythmes de la Tunisie moderne et ses sonorités et styles musicaux aussi variés.

” Night in Tunisia ” est inspiré d’une composition du célèbre Dizzy Gillespie que Yacine Boulares dit avoir ” pensé à se l’approprier et faire un tableau de ce qui s’est la Tunisie”. Ce standard de jazz datant du début des années 40 et repris par plusieurs musiciens dans de nombreux styles musicaux dont le Libanais Ibrahim Maalouf avec Diasporas en 2007.

Boulares évoque une légende selon laquelle le compositeur américain aurait passé une nuit en Tunisie mais qui n’a pourtant rien de commun avec les sonorités tunisiennes.

Le saxophoniste-compositeur a fait des arrangements à partir de l’œuvre originale qui est essentiellement basée sur des “rythmes afro cubains et des mélodies très jazz”. Il a encore mentionné que les paroles des chansons interprétées en dialectal tunisien ont été traduites par Nesrine Jabeur qui l’accompagne au chant qualifiant sa voix de “cristalline”.

L’harmonie entre Boulares et sa bande se fait sentir dans chaque morceau interprété faisant de cette expérience un plaisir sonore partagé visible sur scène.

Le spectacle est une exotique pérégrination musicale dans l’héritage sonore Tunisien et celui d’une Afrique à l’origine des musique du monde à influence Jazz. Quoique l’artiste a toujours vécu en France avant de s’installer à Brooklyn en 2009, le Continent noir n’a jamais était aussi loin de Yacine Boulares. La distance qui le sépare de sa Tunisie et cette Afrique qui a longtemps influencé son œuvre, n’a pu dissiper son attachement permanent à ses racines.

Son séjour à New York lui a permis de renforcer ce lien profond avec les sonorités africaines, qui l’inspirent le plus. L’artiste a souvent collaboré avec des célébrités de l’univers jazz et cette Afrique qui a été le berceau de la vague musicale ayant inspiré les afro-américains.

Le spectacle a été un voyage sonore qui part de la Méditerranée pour atteindre l’Atlantique et le nouveau Continent qui avait vu fleurir le jazz afro-américain, né des doléances des déportés noirs victimes de l’esclavage. Un mariage sonore dans lequel le saxophoniste présente des arrangements des sonorités locales du Mezwed et du Stambeli avec celles venues d’autres cultures d’une Afrique multiple.

Le saxophoniste a effectivement pu transmettre tout son amour et sa nostalgie pour le pays dans plusieurs de ses compositions fortement inspirées du patrimoine sonore tunisien. Une musique qui aiderait sans doute à exporter nos mélodies méconnues vers d’autres cieux.

Avec des artistes comme Boulares, une nouvelle vague est en train de franchir le large pour que les sonorités tunisiennes trouvent à leur tour, une place parmi les musiques qui influencent les autres cultures. D’ailleurs, l’artiste a crée cette année son propre label ” Shems Records ” et dirigera ” Habibi Festival “, un festival new yorkais qui met en avant la jeune scène artistique et culturelle arabe.

Même si la prestation vocale a été plus évocatrice de notre héritage sonore, elle a à des moments pris le dessus sur le côté sonore. Sans doute, le saxophoniste était maître de la scène avec une prestation qui fait chavirer les plus réticents et éveille les sentiments les plus enfouis.

Il a fait répandre la joie de l’univers jazz des théâtres de Broadway sur la scène du Théâtre de l’opéra de Tunis et tous les mélomanes assoiffés à voir revenir ces moments d’intimités sonores perdus dans un monde confiné depuis près d’un an, à cause de la covid-19.