L’activité boursière a connu, durant l’année 2020, des moments difficiles et une volatilité sans précédent. L’éclatement de la crise de la Covid-19 et d’autres aléas sur le plan national ont affecté brusquement, le volume des échanges et la tendance générale du marché, souligne l’intermédiaire en Bourse Tunisie Valeurs, dans sa “Rétrospective boursière de 2020” qui vient d’être publiée.

Tunisie Valeurs rapporte qu’après un début d’année “morose” perturbé par les tractations politiques autour de la formation du premier Gouvernement post-élections de 2019, le marché a succombé à un mouvement de panique depuis la découverte du premier cas positif à la Covid-19 en Tunisie (début mars). Les pressions vendeuses ont atteint leur paroxysme durant les séances du 13, 16 et 17 mars 2020 au cours desquelles le Tunindex a cumulé une baisse de 10%.

Retour de la confiance…

Le décret du confinement général à partir du 22 mars, le desserrement de la politique monétaire (baisse du taux directeur de 100 points de base à 6,75% et assouplissement de la réglementation prudentielle et de la politique de refinancement) et l’annonce de mesures exceptionnelles par les pouvoirs publics et la BCT en faveur des entreprises et des particuliers ont contribué à restaurer la confiance des investisseurs dans les actions cotées.

C’est surtout la décision des autorités du marché d’écourter les séances de cotation et de rétrécir la fourchette des variations des cours à ± 3% par séance* (contre ± 6% auparavant) qui a limité le coup de froid sur le marché.

Bonne gestion de la première vague de la Covid-19

La bonne gestion de la crise et son faible coût humain lors de la première vague du coronavirus, ayant poussé les autorités à entamer le déconfinement progressif, ont alimenté une reprise boursière depuis le début du mois de mai jusqu’au mois de juin.

Le mouvement de rattrapage boursier a pris fin au mois de juillet sur fond d’instabilité politique en raison de la démission du chef du Gouvernement suivi par l’afflux des indicateurs d’activité du T2 2020, laissant entrevoir les dégâts de la crise de la Covid-19 (une régression du chiffre d’affaires agrégé des sociétés cotées de 12% sur la première moitié de 2020 comparativement à la même période de 2019).

La deuxième vague a sapé le moral du marché

La nomination du nouveau gouvernement de Hichem Mechichi, en septembre 2020, n’a pas totalement dissipé les appréhensions du marché. La propagation rapide de la deuxième vague de la Covid-19 et les craintes sur un deuxième épisode de confinement général ont pesé sur le sentiment du marché.

La BVMT parmi les moins touchées…

A partir du mois de novembre, malgré la situation sanitaire encore délicate, la succession d’annonces favorables sur l’arrivée de plusieurs vaccins prometteurs et la perspective d’une sortie de la crise sanitaire en 2021 ont alimenté un retour de confiance des investisseurs dans les actions.

Au final, le marché a terminé l’année avec une correction de -3,3%, contre une baisse de -2,1% en 2019. La Bourse de Tunis figure, ainsi, parmi les marchés les moins touchés par la crise en Afrique et dans la région MENA.

Pourquoi…?

Une autre raison explicative -et non des moindres- de la relative résistance du marché actions tunisien est la non-représentativité de la cote de la réalité du tissu économique. Des secteurs susceptibles d’être très impactés par la crise sont aujourd’hui absents de notre marché.

Il s’agit du tourisme avec ses deux versants l’hôtellerie et la restauration, l’artisanat, les secteurs importateurs comme les franchises et les sociétés du commerce international et le transport aérien et maritime (excepté le transporteur national Tunisair qui est sanctionné depuis plusieurs années en bourse en raison de problèmes structurels de gouvernance et de surendettement).

Le volume des transactions n’est pas brillant…

Le constat est moins brillant sur le front des échanges. Le volume des transactions s’est contracté de 6,8% à 1,4 milliard de dinars en 2020. Le marché des blocs, qui était un véritable relais pour les échanges sur la cote, a nettement perdu de sa vigueur.

En effet, une soixantaine de transactions de bloc ont eu lieu en 2020, drainant un volume additionnel de 229,9 MDT (contre 72 transactions portant sur 454,3 MDT en 2019). La crise actuelle a, de surcroît, accentué la défiance des investisseurs étrangers vis-à-vis de la place de Tunis.

Quid des investisseurs étrangers…?

Longtemps préoccupés par les difficultés post-Révolution de l’économie tunisienne et par les craintes sur un nouvel épisode du glissement du dinar, les investisseurs étrangers ont été davantage refroidis par le spectre de la récession en Tunisie et ailleurs dans le monde.

Les investisseurs étrangers ont enregistré, en 2020, un flux net vendeur de 85,9 MDT. Force est de constater que la Tunisie, à l’instar de la crise des Subprimes de 2008, n’a pas connu un retrait massif des investisseurs étrangers comme cela a été le cas pour la majorité des places financières internationales.

Représentant 25,3% de la capitalisation boursière globale, la participation étrangère a pour l’essentiel une vocation stratégique et stable. Une très faible part de la capitalisation des étrangers est flottante et volatile. Estimée aux alentours de 2% à 4%, cette frange d’investisseurs de portefeuille a généralement (à moyen et long termes) peu d’effets sur les mouvements du marché.

Ralentissement des levées de fonds pour le marché primaire

Le marché primaire a connu un net ralentissement des levées de fonds, les entreprises étant focalisées à gérer la crise et à puiser sur les lignes de crédits disponibles. Seule l’augmentation de capital de Carthage Cement, entamée en début d’année, a été clôturée par appel à l’épargne publique sur le marché. Cette opération (une levée de 206 MDT, soit 77% du montant projeté) devrait permettre à la cimenterie de restructurer sa dette auprès des banques de la place.

L’entrée en Bourse de Maghrebia

Après une année 2019 blanche sur le front des introductions en bourse, 2020 a été marquée par un retour au papier frais. Le Groupe Assurances Maghrebia, riche de 45 ans d’expérience dans l’assurance et 3ème acteur sur le marché en termes de primes émises, a intégré le marché principal en ouvrant son capital au public à hauteur de 30%.

Valorisant le Groupe à 250 MDT, la mise sur le marché de Maghrebia a connu un succès, récoltant une demande globale de nettement supérieure à l’offre (un taux de sursouscription de 11,4x). L’introduction en bourse de Maghrebia ne manquera pas de donner un souffle nouveau au marché actions et d’enrichir la représentation du secteur de l’assurance autrefois limitée à quatre acteurs seulement : STAR, ASTREE, BH Assurance et Tunis Ré.

Secteur de l’assurance: un potentiel de croissance…

Avec un taux de pénétration de 2% seulement et une contribution de 5% dans la capitalisation de la Bourse (à fin 2020), le secteur de l’assurance en général et Maghrebia en particulier disposent d’un potentiel de croissance économique et boursier largement inexploité. Nous attendons toujours le nouveau Code des Assurances qui devrait donner de nouvelles perspectives pour un secteur au cœur de la dynamique dans les grandes économies.

Plusieurs OPA en 2020…

2020 s’est caractérisée par la multiplicité des mouvements capitalistiques, des offres publiques d’achat et de retrait. La première opération de l’année a été l’acquisition par la BIAT d’un bloc majoritaire (de 50,5%) dans le capital de Tunisie Valeurs.

Cette transaction a déclenché une OPA obligatoire sur le reste des actions portant la participation de la banque à plus de 98% de Tunisie Valeurs. Bouclée en avril dernier, l’OPA a été suivie par une OPR au terme de laquelle la société a été retirée de la cote et de la liste des sociétés faisant appel public à l’épargne.

Une autre opération capitalistique a été menée en 2020. C’est l’acquisition d’une participation majoritaire (42,3%) dans le capital d’Hexabyte par la société 3S, holding détenant le fournisseur des services internet GlobalNet, et ce suite à la sortie de l’actionnaire fondateur, Naceur Hidoussi, du capital.

Valorisant Hexabyte à 15,7 MDT, cette transaction a aussitôt déclenché une OPA sur le reste du capital. Après l’OPA, le nouvel actionnaire de référence d’Hexabyte a retiré la société de la cote. L’acquisition d’Hexabyte par 3S s’inscrit dans le cadre d’un mouvement de consolidation du secteur des FSI (GlobalNet avec une part de marché de 15% et Hexabyte avec une part de marché de 6%) pour résister aux grands opérateurs Télécom et à TopNet, le leader du secteur qui détient aujourd’hui une part de marché de 65%.

Un troisième mouvement capitalistique a eu lieu en 2020, touchant le promoteur immobilier SITS. Après avoir franchi le seuil de 40% du capital de la société, le Groupe Poulina a été soumis à une Offre Publique d’Achat obligatoire visant le reste du capital du promoteur immobilier, au prix de 2,360 D par action, ce qui valorise SITS à 36,8 MDT. Cette opération pourrait mettre un terme aux problèmes de gouvernance de la société qui ont sévi sur les dernières années.

Vers un retrait de la STEQ de la Bourse

Après Tunisie Valeurs et Hexabyte, le distributeur des pièces de rechange pour véhicules automobiles et poids lourds STEQ envisage de se retirer de la Bourse. Après avoir atteint une participation de 97% dans le capital, le Groupe AREM a lancé, à fin 2020, une OPR sur la société.

Les mouvements capitalistiques touchant les sociétés Tunisie Valeurs, Hexabyte et SITS ont beau réduire le nombre des sociétés cotées à 80 sociétés, au 31 décembre 2020, mais elles illustrent le rôle de la bourse en tant que tremplin pour les opérations de fusion-acquisition.
Sur le compartiment obligataire, le marché a connu un regain de vigueur des émissions surtout sur la deuxième moitié de l’année.

Dix émissions obligataires par appel public à l’épargne ont pu être clôturées depuis le début de l’année pour une enveloppe totale de 380 MDT (contre six levées pour 188,8 MDT en 2019).

L’industrie de la gestion d’actifs a connu l’entrée en activité de 3 OPCVM (3 FCPR). Ceci étant le nombre des véhicules en activité a été maintenu stable à 119. L’actif net de l’épargne collective a nettement repris du poil de la bête (+27,4% à 4,7 milliards de dinars, soit une collecte nette de 1 milliard du dinar).

Le plafonnement des rémunérations des comptes à terme et autres certificats de dépôt depuis le mois d’avril 2020 à TMM+1% et le relèvement du taux de la retenue à la source libératoire sur les dépôts à terme de 20% à 35%, ont orienté l’épargne vers les OPCVM, et, partant, vers le marché obligataire.