Les pays de la région MENA sont appelés à ouvrir la voie aux entrepreneurs, aux créateurs, aux innovateurs et à ceux qui sont prêts à prendre le risque d’investir avec la perspective du juste profit, afin de transformer les économies. C’est le plaidoyer de Ferid Belhaj, vice-président pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) à la Banque mondiale.

Dans une tribune publiée par la Banque mondiale, à l’occasion de la célébration du 10e anniversaire du ” printemps arabe ” déclenché par la Tunisie, l’expert économique met l’accent sur la nécessité de “leur accorder l’espace nécessaire, de leur apporter le soutien afin qu’ils puissent créer des emplois d’aujourd’hui”.

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Pour éviter une autre décennie perdue, souligne-t-il, il est impératif d’encourager l’entreprise privée, de vaincre la résistance à la libéralisation des économies et d’offrir aux jeunes les opportunités de libérer tout leur potentiel.

D’après lui, le secteur privé et l’entrepreneuriat ont besoin d’espace pour se développer, soulignant que le rôle clé du gouvernement est celui de réguler l’économie. Pour ce faire, l’Etat doit mettre en place des règles claires, prévisibles et stables, introduire le concept de “contestabilité des marchés” et de compétition transparente de manière à prévenir les situations de monopole et donner au pouvoir judiciaire les moyens de faire respecter la loi et d’appliquer les jugements. C’est ce qui permettra d’attirer des capitaux et des investissements tant nationaux qu’étrangers, estime le responsable.

” Les gouvernements doivent mettre en œuvre les lois et règlements qui encadreront de manière juste et transparente les activités économiques “, insiste-t-il encore, ajoutant que cela permettra à des millions de jeunes de créer, pour et par eux-mêmes, des opportunités et de la richesse, plutôt que de se résoudre à exporter leurs talents ou risquer leur vie en poursuivant les chimères de l’émigration clandestine.

Nécessité d’ouvrir les marchés à la compétition et de réviser les politiques de protection sociale

L’économiste a, également, jugé indispensable d’ouvrir les marchés à la compétition, d’introduire les partenariats publics/privés là où ils sont opérants et de revitaliser des secteurs entiers des économies depuis longtemps inefficaces.

” Les gouvernements doivent avoir le courage politique et la légitimité d’expliquer ces réformes, de les mener à bien et de mettre en place les filets sociaux nécessaires afin de protéger les laissés pour compte “, souligne-t-il.

Evoquant la protection sociale, Belhaj a appelé les gouvernements de la région à la nécessité de repenser leurs politiques dans ce domaine, qui, selon lui, ont toujours été construites ” sur des systèmes de compensation coûteux et mal pensés “.

Dans cette tribune, Ferid Belhaj a regretté qu’en l’espace d’une décennie, rien n’a encore été résolu, affirmant que ” les frustrations qui ont fait la braise de ce Printemps arabe sont encore présentes, exacerbées par plus de troubles sociaux, de violence et dans de nombreux cas, par des gouvernements faibles, instables, et non transparents “.

S’appuyant sur un récent sondage réalisé par The Guardian et l’institut YouGov, l’expert a souligné qu’une majorité des répondants dans de nombreux pays, notamment en Tunisie, s’ils ne regrettent pas les changements politiques intervenus, signalent la détérioration de leur vie quotidienne par rapport à la période d’avant 2011 et craignent l’avenir.

En Tunisie, entre 2011 et 2019, le chômage est passé de 13% de la population active à 15,5%, hors effet COVID-19 -et à plus de 18% avec l’effet COVID-19-, selon des données présentées par Radhi Meddeb, expert économique et PDG du Groupe Comete Engineering.

Dans une interview accordée à TAP, il a rappelé que le revenu par tête d’habitant, mesuré en dollars par parité de pouvoir d’achat, a reculé de 30% sur la même période et le dinar est passé de 0,52 euro à 0,30, perdant ainsi plus de 40% de sa valeur. La pandémie aura fait chuter le PIB de près de 10% en 2020, gommant d’un coup la maigre croissance cumulée des dix dernières années, a-t-il encore souligné.