Les ressources publiques plafonnent et la fiscalité sature. Y a-t-il moyen de financer, à l’avenir, le budget d’investissement public par des ressources non conventionnelles ? Il existe quelques pistes plausibles, sachant que ce recours deviendra inévitable, au fil du temps.

Ali Abdessalam

Après dix années d’errance économique, étant donné que la transition convulse sans arrêt, voilà la décroissance qui s’abat sur le budget. Le compte est bon car il y a impasse budgétaire. Dès lors, comment faire la soudure ? Le tarissement des ressources publiques est acté.

Par ailleurs, le recours à la dette -autant intérieure qu’extérieure- pose problème. La crise budgétaire devient existentielle. Faut-il rappeler que l’Etat, y compris dans ces conditions de disette de ses finances, ne peut stopper la pompe de l’investissement public. Dans ces conditions, peut-il externaliser le titre II, c’est-à-dire le budget d’investissement ? La question est surréaliste, mais nécessité fait loi.

Et revoilà la dette odieuse

L’on ne sait trop si l’Etat vit au-dessus de ses moyens. Toujours est-il que le budget est saigné de toutes parts. La situation est critique au vu de toutes les acrobaties déployées pour clôturer la loi de finances de l’année en cours et celle de 2021. Il y a trop d’impondérables, jusqu’au taux de croissance de 4%, retenu par le planificateur. Et tout pousse à croire que des raisons politiques empêchent l’Etat de remettre de l’ordre et de la rationalité dans son train de vie. Cela fait que le titre I (budget de fonctionnement) s’est hypertrophié au point que ses dépenses engloutissent les recettes publiques.

La dette nous a servi de béquille de salut pendant des années, mais seulement voilà qu’elle a plombé notre solvabilité parce qu’elle a été injustement allouée. La dette est odieuse quand elle est détournée ou improprement utilisée, il faut bien se le dire. Où alors trouver de l’argent pour renflouer le budget ?

La régionalisation est peut-être la clé

Dans le Livre blanc qu’il a laissé, Abderrazak Zouari, alors ministre du Développement régional dans le gouvernement de Béji Caïd Essebsi en 2011, indique une piste crédible. L’opus affirme que la Tunisie ne dispose pas des moyens pour financer le développement de ses régions de l’intérieur. Cette hypothèque n’étant pas levée, la transition ne trouvera pas d’itinéraire serein.

La recommandation principale de l’ouvrage est qu’il faut configurer des ensembles régionaux, dans une perspective de juste aménagement du territoire

En effet, la persistance des injustices alimentera toujours les colères, ainsi que les revendications des populations de l’intérieur. Ces dernières se voient lésées et se sentent laissées pour compte.

La recommandation principale de l’ouvrage est qu’il faut configurer des ensembles régionaux, dans une perspective de juste aménagement du territoire et les faire jumeler avec des régions d’Europe. Le but est de faire en sorte, via ce jumelage, qu’elles soient éligibles au financement des “Fonds structurels“, de l’Union européenne. Ces fonds sont destinés au financement du développement des régions d’Europe. La gymnastique, en l’occurrence, est de faire en sorte qu’ils soient extensibles aux régions des pays du pourtour méditerranéen. Et l’avantage est que ces fonds sont alloués en tant que dotation au développement et ne sont donc pas exigibles.

D’un seul coup, on peut se procurer des fonds précieux sans avoir à les rembourser, car ils ne sont pas considérés comme une dette. Et il se trouve que le chantier de la régionalisation, chez nous, n’attend qu’à être initié. On peut le hâter au vu de l’urgence du moment. Et la question serait qui alors peut plaider cette cause ?

La diplomatie financière

L’Union européenne, dans son plan de politique de bon voisinage avec le pourtour Sud de la Méditerranée, nous ouvre une possibilité dans ce sens. L’affaire peut être conduite par la diplomatie. L’UE avait bel et bien promis “More for more“, et elle n’est jamais revenue sur cette option. Nos ambassadeurs peuvent très bien s’employer à conclure l’interfaçage entre nos régions et leurs homologues d’Europe.

Le pourtour Sud de la Méditerranée avait appelé à la création d’une Banque euroméditerranéenne pour faire face à sa carence de financement du développement de ses régions

Le pourtour Sud avait à un moment appelé à la création d’une Banque euroméditerranéenne pour faire face à sa carence de financement du développement de ses régions. L’Europe s’est dérobée et a poussé la BEI (Banque européenne d’investissement) à nous apporter un appoint. Il est tout à fait plausible qu’on puisse l’amener à se rattraper en nous autorisant à piocher dans les fonds structurels. Et si cet appoint se révèle insuffisant, l’Etat peut réactiver le levier du Partenariat Public/Privé. Ce serait la deuxième piste qui aiderait à soulager le budget du Titre II tout en finançant l’investissement public dans le sens que souhaitent les populations de nos territoires de l’intérieur.

Nous pensons qu’au point où nous en sommes, le jeu vaut bien la chandelle.