L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a entamé, dimanche 6 décembre 2020, la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2021 (sans les chapitres relatifs aux dispositions budgétaires -de 1 à 11), qui ont été rejetés par la Commission des finances, une première dans l’histoire du pays.

Dans une déclaration à TAP, le représentant du Bloc démocratique, Hichem Al Ajbouni, avait déclaré que le gouvernement (auteur de l’initiative) soumettra à nouveau les dispositions budgétaires rejetées par les membres de la Commission des finances, y compris par les députés de la coalition gouvernementale, à la séance plénière pour approbation.

Toujours selon Al Ajbouni, le rejet des dispositions budgétaires par la commission des finances et leurs renvoi en plénière, “ouvrira la porte à certains partis politiques connus par le recours au chantage, afin de négocier avec le gouvernement l’adoption de ces dispositions ”.

Ce blocage annonce un débat houleux au Parlement avant l’adoption du PLF 2021 qui sera voté le 10 décembre 2020 (date limite constitutionnelle de ratification). L’objectif du projet de loi, selon le gouvernement Mechichi, est de poursuivre les réformes fiscales et de relancer les investissements, tout en préservant les équilibres financiers publics.

Ledit projet comporte 45 chapitres, dont la plupart permettront de mobiliser des ressources financières supplémentaires au profit du budget de l’Etat à travers une augmentation de l’impôt sur les sociétés (IS).

Le PLF pour l’exercice 2021, comprend des dispositions visant à poursuivre la réforme fiscale, moderniser l’administration, à encourager l’épargne et promouvoir l’investissement, en plus de soutenir les ressources du budget de l’Etat et améliorer le taux de recouvrement des impôts, ainsi que des mesures à caractère social.

Les mesures proposées dans le cadre de la poursuite de la réforme fiscale, de la modernisation et de la gestion concernent l’unification des taux d’imposition des sociétés en supprimant les taux d’imposition fixés à 25%, 20% et 13,5%, et en les fixant au niveau de 18%.

Il s’agit, également, d’établir un système fiscal pour les petites entreprises qui remplacera l’actuel système forfaitaire en plus de garantir plus de souplesse sur la législation fiscale en vigueur en matière de taux de transfert. Dans le cadre de l’encouragement de l’épargne et des investissements, les mesures proposées prévoient de les booster par le biais des comptes d’épargne en actions et les contrats d’assurance, ainsi qu’un appui au secteur du tourisme et des loisirs en réduisant le taux d’imposition sur la consommation requise sur les véhicules “quad” et les yachts, et en encourageant l’acquisition de logements par emprunt.

S’agissant des mesures visant à renforcer les ressources du budget de l’Etat et à améliorer le recouvrement des impôts, le gouvernement a opté pour la rationalisation des avantages fiscaux et la réduction des dépenses outre l’augmentation de la taxe sur la consommation de l’alcool, des produits pétroliers, du sucre, du gaz naturel et de l’électricité

Le PLF 2021 propose, également, des mesures pour lutter contre l’évasion fiscale et rationaliser la circulation de l’argent en espèces, à travers un certain nombre d’articles relatifs à la création d’une taxe sur les jeux de pari et de hasard et la promotion de l’administration électronique ainsi que l’attachement du paiement de la taxe de la circulation à la régularisation de la situation fiscale, ainsi que l’ajustement des impôts imposés sur certains produits du tabac.

Sur le plan social, le gouvernement propose la suspension de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les dons et de la taxe sur la valeur ajoutée imposée sur certains équipements utilisés dans le secteur des dattes.

Il s’agit, également, de réduire les taxes imposées dans le secteur minier pour sauver la compagnie des phosphates de Gafsa qui connait des difficultés financières, outre la révision des infractions routières et l’allègement de la charge fiscale des opérateurs de réseaux de communication et des fournisseurs de services Internet.

Articles rejetés et d’autres controversés

Plusieurs structures professionnelles ont émis des réserves par rapport au PLF pour l’année 2021, notamment dans son article portant sur l’unification de l’impôt sur les sociétés à 18%.

Syrine Ben Ramadan, membre du Comité tunisien des experts-comptables, estime que l’augmentation de ce pourcentage nuit à la crédibilité de l’Etat tunisien.

Idem pour le groupement des industries électroniques “Elentica” qui rejette lui aussi l’augmentation à 18% de la taxe sur les entreprises exportatrices.

Pour sa part, le président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), Abdelmajid Ezzar, souligne que ledit projet “n’a aucune portée de développement pour le secteur de l’agriculture”.

Quant au Conseil national de l’ordre des avocats, il estime que les hypothèses du projet de loi de finances pour 2021 ne sont pas réalisables, appelant à revoir certains articles et à ajouter d’autres pour inciter au recouvrement des dettes douanières et réduire la gravité de l’application de l’impôt minimum.

L’association Aswat Nissa déplore la rédaction du projet de loi de finances pour l’année 2021 sans tenir compte de la crise sanitaire et sans penser aux groupes vulnérables de la société pour lesquels il est nécessaire d’adopter des mesures particulières.