La Tunisie n’est pas près de sortir de l’auberge, c’est-à-dire de la crise politique dans laquelle elle se débat depuis des années. Car aucun des trois acteurs -actuellement aux commandes du pays ou susceptible de le devenir aux prochaines élections-, c’est-à-dire le mouvement Ennahdha, le président de la République, Kaïs Saïed, et le Parti Destourien Libre (PDL) -donné vainqueur par les sondages des législatives à venir- n’a de programme qui tient la route et qui est susceptible d’emporter l’adhésion d’une majorité de Tunisiens.

Si l’on en croit les sondages des derniers mois, le Parti Destourien Libre (PDL) est aujourd’hui virtuellement la première force du pays. Ainsi, le sondage d’Emrhod Consulting… du 7 septembre 2020 place la formation dirigée par Abir Moussi en première position lors d’éventuelles élections législatives qui se tiendraient aujourd’hui, avec 36% des voix -soit un bond notable de 8%-, loin devant le mouvement Ennahdha (23%).

Un mois plus tôt, en août 2020, Sigma Conseil avait restitué une image quasiment identique du rapport des forces politiques du moment en Tunisie. Le cabinet de Hassen Zargouni avait donné lui aussi le PDL en pole position avec 35,8% devant le parti de Rached Ghannouchi, crédité de seulement 21,9%.

L’ascension du parti dirigé par l’ancienne secrétaire générale du RCD chargée de la femme est-elle réversible ? Bien qu’en politique on ne puisse jamais dire jamais, l’hypothèse de voir le soufflet du PDL retomber semble peu plausible car s’alimentant quasi exclusivement des erreurs de son ennemi juré, le mouvement Ennahdha. Or rien ne donne à penser que la formation islamiste soit prête à reconnaître ses erreurs et, encore moins, à changer radicalement son orientation et ses pratiques.

Donc, à moins d’un nouveau chambardement du rapport des forces politiques au cours des quatre prochaines années, le Parti Destourien Libre devrait se trouver en 2024 en position de former le gouvernement. Le pourra-t-il ? Et s’il y parvenait, pourrait-t-il sortir le pays de la crise dans laquelle il se débat depuis des années ? Une réponse positive à ces deux questions clefs n’est nullement garantie.

En fait, la réponse à la seconde question dépend très largement de la réponse à la première.

Un fait paraît plus que probable : le PDL n’est pas en mesure d’obtenir la majorité absolue aux prochaines élections. Parce qu’à l’instar de son ennemi juré (le mouvement Ennahdha), cette formation a un périmètre de partisans bien délimité constitué d’irréductibles fidèles qui voteront toujours pour leur parti de cœur sans rechigner.

Et à l’instar d’Ennahdha depuis 2011, le Parti Destourien Libre serait, à supposer qu’il puisse maintenir son avance actuelle, contraint de se trouver des alliés pour pouvoir former un gouvernement au cas où il l’emporterait dans quatre ans. L’exercice ne sera pas de tout repos pour la présidente du PDL, car cette dernière pose un double problème à ses éventuels partenaires touchant à la fois à la forme et au fond.

La forme, d’abord. Abir Moussi, à qui beaucoup reconnaissent le mérite d’avoir osé et pu affronter le mouvement Ennahdha et de le distancer dans les intentions de vote, fait quasiment l’unanimité contre elle. Beaucoup, y compris au sein de la famille destourienne, lui reprochent d’être “cassante“ et de “faire cavalier seul“.

Le fond, ensuite. Là le problème de la présidente du PDL réside dans le fait qu’elle tient un discours et déroule une stratégie qui ciblent les seuls nostalgiques du régime Ben Ali. Ce qui la coupe de la composante de l’électorat qui partage avec Mme Moussi son hostilité au mouvement Ennahdha mais ne risque pas de voter pour elle car elle ne veut pas d’un retour en arrière.

MM