La dernière étude d’Oxfam pointe du doigt les politiques commerciales de l’Union européenne, politiques que cette confédération internationale de 20 organisations qualifie d’“injustes, incohérentes et contreproductives“ qui ont causé des pertes d’emplois, une fuite des cerveaux et ont eu des effets extrêmement négatifs sur les populations les plus vulnérables de la région.

Le rapport « Intrinsèquement incohérentes » examine les effets néfastes de deux décennies de politiques commerciales et migratoires asymétriques entre l’Union européenne et l’Afrique du Nord, notamment en Tunisie et au Maroc. Ces politiques ont privé les populations de moyens de subsistance et d’opportunités économiques dans ces pays, en les poussant d’une part vers la migration vers l’Europe tout en empêchant d’autre part cette migration d’avoir lieu.

Pour Nabil Abdo, expert politique au bureau régional Moyen-Orient-Afrique du Nord d’Oxfam, les politiques migratoires et commerciales doivent être rééquilibrées lorsque les négociations autour de l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) auront repris.

« Ces vingt dernières années d’incohérence politique ont eu des répercussions négatives profondes sur les populations les plus vulnérables d’Afrique du Nord. La combinaison actuelle de politiques commerciales a stagné le développement économique, détruit des secteurs tels que l’agriculture et les textiles sans en mesurer les conséquences. Alors que les politiques commerciales et migratoires interdépendantes de l’UE ont eu des conséquences mitigées, les coûts humains et sociaux eux sont clairs. Ces accords bénéficient à l’Union Européenne au détriment des Marocains et Tunisiens. La pandémie du Coronavirus démontre plus que jamais que les 2 pays ont besoin de politiques commerciales qui œuvrent en leur faveur », ajoute Nabil Abdo.

Le rapport montre que l’approche actuelle de politiques privilégiant la libéralisation des marchés nord-africains conduit à des taux de chômage élevés tout en augmentant le sous-emploi et l’emploi informel. Ces politiques sont cependant en contradiction avec les tentatives de l’UE d’empêcher la migration à travers des politiques sécuritaires et autres interventions ad hoc.

Oxfam prévient que sans des approches adaptées, cette combinaison néfaste de politiques va continuer d’être insuffisante pour les populations de la région tout en risquant d’exacerber des inégalités déjà criantes.

« La suspension des négociations dans le cadre de l’ALECA suite à la pandémie fournit une opportunité de repenser et de redéfinir les politiques existantes et de développer une approche sur mesure et cohérente avec les besoins économiques de la Tunisie et du Maroc qui permette de combattre, plutôt que de contribuer, au chômage, à la dégradation des services publics, et aux éléments responsables de la hausse des inégalités », souligne Nabil Abdo.

« L’Union européenne, le Maroc et la Tunisie doivent prendre leurs responsabilités vis-à-vis des négociations actuelles et s’engager à synchroniser leurs politiques économiques au bénéfice des droits de l’ensemble de leurs citoyens ».

Oxfam appelle l’UE, le Maroc et la Tunisie à veiller à ce que toute reprise des négociations soutienne une reprise juste et inclusive pour toutes les personnes vivant en Afrique du Nord tout en ayant pour objectif une réduction des inégalités et une promotion de la prospérité et du développement.