Suite à l’article paru sur le WMC lundi 14 septembre à propos de la station de dessalement de Sfax, un expert en dessalement, qui a préféré garder l’anonymat, nous a envoyé cette correspondance dans laquelle il dénonce le coût élevé dudit projet.

Lire notre article: Souveraineté économique : Station de dessalement de Sfax, exemple de la mainmise des lobbys internationaux

« Etant expert en dessalement depuis plusieurs années je vois qu’il est de mon devoir d’attirer votre attention sur le fait que les prix actuels du dessalement d’eau de mer sur le marché mondial (pour les stations de la même envergure que la SWRO Sfax) se situe autour de 1 000 USD/m3 pour les projets en EPC (Engineering Procurment & Construction) et autour de 0,11 USD/m3 (en terme de capital cost) pour les projets BOT sur 25 ans (Built Own & Transfer).

Ceci signifie que le prix de la SWRO Sfax doit se situer autour de 200 millions de dollars, soit environ 550 millions de dinars tunisiens, alors que je lis et j’entends que la proposition du soumissionnaire moins disant se situe autour de 900 millions dinars.

Je tiens aussi à vous informer que les conditions économiques ont beaucoup changé depuis la remise des offres financières dans le cadre de l’appel d’offres relatif à la SWRO Sfax qui date de plus qu’une année.

Entre temps, la Covid-19 est passée par là et la concurrence entre les entreprises à l’échelle internationale est devenue très rude, tout le monde est en quête de projets à n’importe quel prix pour garantir un minimum de plan de charge synonyme de survie.

Tous les pays essayent de mettre cette situation à profit, et à titre d’exemple je cite les Emirats Arabes Unis qui ont relancé l’appel d’offres relatif à la SWRO Hassyan bien qu’ils aient reçu des offres avec des prix historiquement bas en février 2020. Les offres qu’ils ont reçues en mai 2020 sont 10% moins chères (ci-joint un extrait sur cette affaire de la sérieuse revue “Global Water Intelligence“.

Une des entreprises shortlistées est actuellement en faillite et sous contrôle judiciaire pour fraude boursière et fiscale

Il est aussi important de signaler que les critères très élevés qui ont servi à «shortlister» les entreprises pour le projet de la SWRO Sfax ne sont pas un gage de réussite du projet mais sont au contraire une contrainte qui a empêché non seulement les entreprises nationales de participer à ce projet en tant que membres d’un groupement, mais aussi a empêché les entreprises internationales compétitives de participer. Sachant que pratiquement l’intégralité des travaux sera réalisée par les entreprises et les fournisseurs de service tunisiens et le rôle du titulaire du marché étranger est réduit à la coordination. Les exemples des SWRO de Jerba er Zarat peuvent en dire beaucoup.

Il y a lieu de préciser que l’une des entreprises shortlistée est actuellement en faillite et sous contrôle judiciaire pour fraude boursière et fiscale, pour dire qu’on a beau gonfler les critères d’éligibilité, ils ne garantissent pas le choix du bon partenaire.

Enfin, je veux insister sur le faite que dans cette période de vaches maigres, tous les pays du monde font tous les efforts possibles et prennent toutes les mesures exceptionnelles pour dynamiser leurs économies et assurer une pérennité à leurs entreprises et la Tunisie ne doit pas en déroger.

Dans les circonstances actuelles, aucun pays ne cède la moindre opportunité à une entreprise étrangère pour raison d’urgence ou autre. Notre pays a plus que jamais besoin de nous et Il est impératif qu’on sorte de notre zone de confort et on adopte la formule la plus appropriée pour atteindre les deux objectifs de réussite du projet et sa contribution à dynamiser l’économie nationale. Il est sûr que si on présente une telle vision au bailleur de fond, il va l’apprécier et l’encourager. J’espère que ces éléments vous aideront à prendre la décision la plus bénéfique pour la Tunisie».

Nous l’espérons au même titre que cet expert patriote. Nous espérons que les décideurs de ce pays sont dotés d’un minimum de patriotisme et d’un maximum de bon sens pour mettre un terme à ces pratiques dangereuses pour l’économie nationale : des cahiers de charge presque sur-mesure pour que les firmes étrangères emportent des marchés que les nationaux peuvent assurer dans un contexte économique très fragile !